Mille excuses de vous avoir abandonné qq temps !
Je repars demain matin pour la Hollande puis Paris et en attendant de se revoir voici de qupoi alimenter vos debats :
REFORME DES AOC
2010
LE GRAND TOURNANT
DU LIEN A L’ORIGINE
LA FIN DU « TOUT AOC » ?
Joseph Capus 1947 : « les motifs de la loi de 1935 : Permettre au consommateur de distinguer facilement les appellations qui recouvrent des vins de qualité de celles qui ne s'appliquent qu'à des vins ordinaires. »
Alain Berger, Directeur de l’INAO, Que Choisir nov 1995 : « les AOC représentent maintenant la moitié des vins français en volume. C’est trop, il faut arrêter maintenant ».
René Renou, « Le Monde » mars 2005 : « Jusqu'en 1985, le vignoble français de moyenne et haut de gamme était en situation de monopole, avec un seul code, magique : le lien au terroir, porteur de culture, de luxe. […] Dans cette situation, vous pouvez faire n'importe quoi. Il y a eu des horreurs, un relâchement absolu »
Pierre Henry Gagey, vice président de l’INAO déc 2005, Réussir Vigne : « Aujourd’hui, plus de 60% des vins français sont censés être des vins d’AOC. Est-ce vraiment raisonnable lorsque l’on veut vraiment parler de terroir et de promesse de grande qualité ? Par contre, 85% des consommateurs qui adorent le vin n’ont aucunement l’intention de passer trois heures dans un bouquin pour comprendre ce qu’ils vont boire. Il y a une vie en dehors de l’appellation. Acceptons simplement et sans honte qu’il est possible de produire un bon vin agréable à boire sans systématiquement faire référence au sacro-saint terroir dont l’expression est parfois inexistante. »
Il y a environ 11 ans, en 1998, quelques vignerons qui avaient des soucis avec l’AOC, du point de vue de l’agrément-dégustation, en ont discuté et se sont dit qu’une réaction était nécessaire. Une proposition de Manifeste avait alors été écrite, qui disait entre autres :
«Au fil des ans, le contrôle de l’origine est devenu l’exigence de conformité à des normes analytiques quantitatives et gustatives standard définissant une “typicité”, elle même réduite à la référence majoritaire, basée sur la culture et la pratique des deux dernières générations, c’est à dire l’industrie agro-alimentaire moderne appliquée à la paysannerie vigneronne, autrement dit ce qui est curieusement appelé communément aujourd’hui “viticulture traditionnelle”...
Nous n’étions pas les premiers, ni les seuls. Le Cofradep au début des années 70, Que Choisir et Alain Berger, alors Directeur de l’INAO, en 1995, et d’autres, avaient déjà tiré la sonnette d’alarme sur ce qu’ils considéraient à divers titres une dérive de l’AOC. De Rapport Berthomeau en 2001 en prise de position simultanée de René Renou pour une réforme non seulement de l’AOC, mais de toute la pyramide de l’offre des vins français, de crise des vins français en volonté de réforme européenne, sous le feu roulant d’une partie de la critique anglo-saxonne, de la presse française, et la révolte de nombre de jeunes (et moins jeunes..) vignerons contre un système qui les méprisait et n’écoutait pas leur volonté de renouveler le métier, la profession a bien fini par admettre qu’une réforme était nécessaire. Et nous y sommes.
De multiples associations, regroupements, labels…de vignerons se sont formés pendant ces années, cherchant à rendre visible aux consommateurs leur rapport différent au terroir, au vin, leurs efforts qualitatifs noyés dans un système AOC devenu le gestionnaire de 50% de la production, c'est-à-dire ne distinguant plus les vins de terroir des vins de volume, en fait établissant la gestion des vins de terroir par la majorité des vins de volumes : Union des Gens de Métier, Vignerons dans nos AOC, Renaissance des Appellations, Biodivin, Sève, Association des Vins Naturels, Académie Internationale des Vins, etc…Différentes sensibilités, mais une même origine : la défaillance de l’AOC.
SEVE fait partie de ceux qui se battent depuis plus de dix ans maintenant pour réformer l’AOC, non seulement dans ses principes d’exigence de rapport au terroir, mais aussi dans ce qu’avait voulu le sénateur Joseph Capus et les vignerons comme le Baron Leroy, Gouges, Briand… c'est-à-dire gérée par la vie collective de vignerons réunis dans une association d’exigence, (ce qu’étaient les syndicats), garantie par l’Etat… par l’INAO.
C’est tout l’enjeu de 2010 : l’INAO demande aujourd’hui aux vignerons d’appellation de rédiger le paragraphe « lien à l’origine » en un an…et de cette rédaction dépendra le « passage » de chaque AOC dans le nouveau signe de qualité européen, l’Appellation d’Origine Protégée, en 2011.
Soyons clairs : après toutes ces années de travail, de difficultés, après une première phase de réforme de la gouvernance (transformation des syndicats en ODG, mise en place d’un système de contrôle indépendant, abandon de la « typicité » comme critère organoleptique d’élimination, transfert du contrôle par la dégustation à celui du respect du cahier des charges de la production..), nous arrivons à la phase décisive, à l’enjeu fondamental : c'est-à-dire la refonte de la segmentation globale de l’offre vins française. De la pertinence de cette refonte dépend le succès ou l’échec de la réforme.
LA REFORME PREND LE CHEMIN DE L’ECHEC
Or nous nous voyons dans l’obligation de sonner le tocsin auprès de tous les vignerons, de toute la filière, mais aussi des consommateurs, de la presse…ACTUELLEMENT TOUTES LES INSTANCES OFFICIELLES ET PROFESSIONNELLES N’ONT QU’UN MOT D’ORDRE : « Toutes les AOC doivent passer en AOP, la rédaction du lien à l’origine n’est qu’une formalité qu’il faut remplir habilement pour ne pas échouer à l’examen de Bruxelles. »
Si le travail sur le lien à l’origine se limite à cela, nous allons droit au désastre, et au final à l’éclatement dans le réel du concept d’appellation et de la structure INAO/AOC. Car malgré tout ce qui aura été fait pour que « tout change pour que rien ne change », la réalité aussi bien de la production que du marché imposera alors le changement, mais violemment.
L’objectif de René Renou, de Jacques Berthomeau, le but officiel de la réforme était de RENVERSER LA PYRAMIDE DE L’OFFRE DES VINS FRANÇAIS. Jusqu’à aujourd’hui, la structure de cette pyramide, comme l’avait dessinée René Renou sur le document joint, est aberrante : elle repose sur sa pointe ! les vins « de table », et les vins d’AOC, théoriquement la quintessence des vins français, en forment le sommet en forme de base, avec plus de 50% en ce millésime 2009 !
Rappelons le texte signé Olivier Nasles, paru dans Vitisphère en août 2005 (extraits) :
On trouve des Vins de pays vers le haut de la pyramide et des AOC dans les
« Basic ». Si nous voulons que notre système perdure et reste crédible, il faut absolument que nous arrivions à remettre de l’ordre sous peine de le voir exploser. Dans le monde du commerce, il est un mal bien connu, imputable tout autant aux acheteurs qu’aux vendeurs, celui de vouloir donner à un prix donné, un produit de la catégorie supérieure.
Ce genre de pratique a la particularité d’entraîner le système dans une spirale que le monde du vin connaît actuellement. Pour le prix d’un vin de base, je propose une bouteille d’appellation. L’effet pervers de cette méthode de vente est de scier la pyramide par le bas en abaissant le socle. La conséquence est simple, c’est toute la pyramide qui s’effondre.
Deux erreurs fondamentales, à mon sens, ont été commises dans la gestion de cette crise : • La baisse du rendement de l’appellation. C’est une réaction très française ; quand certains sont malades, on donne le remède à tout le monde quitte à rendre malade les biens portants. On se rend compte que le remède n’a pas vraiment servi si ce n’est à pénaliser ceux qui faisaient le plein de rendement et qui vendaient bien. • L’absence de volonté des professionnels de réorienter la production sur une catégorie inférieure. Baisser le prix d’une appellation jusqu’à un niveau proche de celui des vins de table ou de pays a pour conséquence de plomber durablement les vins de l’appellation. Au résultat, au lieu de descendre une partie de la production dans la catégorie inférieure pour renforcer l’offre de celle-ci et l’aider à conquérir de nouveaux marchés extérieurs, on se contente d’aller piquer le marché de la catégorie inférieure qui elle n’a plus la possibilité de se retourner puisque sous elle, il n’y a plus rien. Cette catégorie devient moribonde et disparaît. C’est ainsi que la pyramide s’effondre d’un étage comme un immeuble. On a, depuis trente ans, quasiment fait disparaître l’étage des vins de table, le suivant qui est en train d’y passer est celui des vins de pays. Attention, si rien n’est fait, le prochain c’est les AOC génériques, et après….
Si l’on veut que nos appellations restent crédibles, L’AOC NE DOIT PAS COUVRIR l’ensemble de la Pyramide. IL FAUT, EN FAIT, ADAPTER LA DENOMINATION DE VENTE À LA STRATE DE PRIX et s’y tenir. C’est simple à dire mais difficile à faire surtout dans un système ancestral qui a du mal à se remettre en cause. Pourtant les faits sont là, tenaces.
Le mot d’ordre officiel actuel : « toutes les aoc doivent passer en aop, la rédaction du lien au terroir n’est qu’une formalité » est la négation de toute la réforme. C’est d’autant plus extraordinaire que nombre de ceux qui ne croyaient pas à la stratégie de René Renou en 2005 sont en train aujourd’hui de reconnaître qu’il avait raison. Alors, nous sommes face à deux difficultés :
- La première, la véritable, c’est un manque de courage politique des responsables, mais encore plus, un retard de leur position sur l’évolution réelle de la situation et des vignerons. La profession a certes vécu du tout AOC pendant…40 ans ? et il est vrai qu’il y a 30 ans, ou même 10 ans, une proposition de resegmentation était quasi inaudible. Aujourd’hui la viticulture est en crise, et les vignerons, pourvu qu’on leur propose une sortie de crise respectant leur dignité et leur permettant de vivre de leur travail, sont tout à fait en position d’accepter une solution de resegmentation réelle AOP/IGP. Ce n’est plus un débat qui opposerait une partie des vignerons à une autre : quasiment toutes les entreprises viticoles ont besoin économiquement d’une mixité efficace sur les marchés. Nous sommes face à une crispation complètement anachronique, décalée par rapport à la profession réelle, des divers niveaux de responsabilités.
- La deuxième, qui peut être utilisée pour justifier la première, est fondamentale, mais soluble très rapidement. La viticulture ayant brandi le « terroir » comme un totem aussi hermétique qu’intouchable pour de pures raisons commerciales pendant des années, aujourd’hui personne ne sait trop comment définir le lien au terroir, car les travaux sérieux sur cette question ont été très marginaux, minoritaires, la recherche officielle ne s’y était pas intéressée.
Dans des travaux (pj) en 2006 et 2007, Sève avait écrit :
« L’idée, c’est de ne pas attendre d’avoir des réponses scientifiquement prouvées sur toutes ces questions pour établir un cahier des charges de l’AOC d’expression tout en continuant à soumettre ces cahiers des charges à la réflexion, à la critique, à la recherche. Il faudrait partir d’une éthique et d’une philosophie, (et aussi d’exigences citoyennes, environnementales, qui deviennent incontournables dès maintenant, y compris indépendamment des pures questions viticole), qui nous mettent dès le départ sur des choix, certains prouvés, d’autres moins, d’autres non. Continuer à soumettre ces choix à l’expérimentation, à la recherche, au doute. Laisser les questions les moins évidentes ouvertes dans les critères applicables dès maintenant. »
« Il faut rapidement établir un cadre général, basé sur une éthique, les acquis et des hypothèses, pour avoir un outil de terrain pour la définition des critères des vins d’expression de terroir. Et soumettre continuellement cette base à la recherche, l’expérimentation. »
« …comment définir rigoureusement, scientifiquement, les itinéraires techniques d’un vin de terroir ?Personne ne semble avoir de réponse complète, y compris sur le plan scientifique. Mais sommes nous pour autant démunis, ne savons nous rien, n’avons nous rien à proposer ?
..nous ne devons pas attendre 20 ans de recherches pour commencer à fixer des règles, des critères. Car si nous voulons rendre crédible notre revendication d’expression de terroir au marché international, qui a beaucoup de mal à saisir ce concept, c’est dès maintenant qu’il faut avoir des réponses, fussent-elles (et elles le seront nécessairement) évolutives. »
« On peut déjà discuter d’une hypothèse, la prendre comme orientation de travail : plus on veut exprimer un grand terroir dans un vin, plus le travail à la vigne est déterminant, moins l’intervention à la cave doit être lourde. Mais sans jamais perdre de vue que de toute façon, la question n’est pas : nous n’intervenons pas –il ne s’agit pas de sombrer dans un « naturalisme »- , mais de choisir nos interventions (ou nos non-interventions). »
A l’issue de ce travail de réflexion de vignerons de toutes la France, nous avons dégagé un principe souple mais exigeant : fixer une dizaine de critères de lien au terroir, fixer un minimum de ces critères à remplir (par exemple : 6/10) avec des objectifs d’évolution, et quelques critères obligatoires, mais peu, de façon à tenir compte des situations régionales, particulières, individuelles, tout en créant une dynamique collective de progrès.
En résumé, l’argument d’impossibilité de rédaction d’un réel lien au terroir ne tient pas. S’accrocher au « tout AOC » ne se justifie même plus d’un point de vue « syndical », et la crise va discréditer de plus en plus cette position vis-à-vis des vignerons. Par ailleurs, le marché, les consommateurs, remettent complètement en cause cette segmentation malhonnête.
Où l’INAO, les organisations professionnelles, prennent les deux années que nous avons devant nous pour lancer, organiser, soutenir, la fin du « tout aoc » et la mise en place d’une nouvelle segmentation permettant aux vignerons d’en vivre dans la mixité de la production, dans le maintien du modèle INAO/AOC vie collective, en donnant l’exemple en Europe dans la réhabilitation d’un modèle « terroir » que le monde entier copie sans se limiter au vin,
Ou bien par aveuglement, faiblesse,…, nos dirigeants prennent la responsabilité de reconduire sous de nouveaux oripeaux un modèle en faillite, dont ils devront rendre compte aux vignerons, en particulier aux nouvelles générations. Mais il ne faut pas s’y tromper : ceux-ci n’attendront pas longtemps, le besoin de vivre de son métier ne supporte pas de délais, ils disloqueront le système.
VOTE DU COMITE NATIONAL DE L’INAO LE 1er JUIN 2006, sous l’impulsion et en présence de René Renou :
« Dans le cadre de la ré-écriture des décrets des Appellations d'Origine Contrôlées, le Comité National des Vins et Eaux-de-Vie de l'INAO s'est prononcé sur une segmentation de l'offre des AOC. Ceci afin de répondre au mieux aux attentes du marché et des consommateurs et ouvrir de nouvelles perspectives à l'ensemble des producteurs
Cet objectif de proposer une offre claire et simplifiée de l'ensemble des vins français, répond aux orientations fixées par le Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Dominique BUSSEREAU.
Le cadre juridique souhaité par le Comité National permettra de développer la commercialisation des Appellations d'Origine Contrôlées en segmentant leur offre en deux catégories:
.- la première répondant à des critères stricts de production relatifs à un lien fort au terroir, une notoriété établie alliés à des facteurs humains et naturels. Il s'agit des vins jouissant actuellement d'une forte valeur ajoutée.
- et une seconde, plus souple, qui se mettra en place en concertation avec l'ensemble de la filière, permettant notamment d'utiliser de nouvelles technologies, afin de répondre aux besoins de la production d'accroître sa compétitivité sur le marché international. »
JOSEPH CAPUS 1947 :
« Il n’y a pas de produit de qualité sans une appellation qui le distingue du produit ordinaire. Mais il n’y a pas d’appellation viable sans protection. »
Ecrit par M Parcé , president de SEVE ( Je suis vice president de cette assos , je crois !
JM