Avant de continuer une précision de vocabulaire : pour moi on utilise le terme de "fermeture" pour qualifier une phase provisoire. Manque de matière ou selon certains d'arômes, on ne va pas s'enliser dans les détails. Si on parle de fermeture, on parle d'une chose qu'on suppose provisoire, sans cela on dirait que le vin est faible, qu'il manque de matière ou d'arômes etc.
Tout le monde évidemment peut reconnaître un vin qui manque de matière / d'arômes. La question est de savoir si on est capable de dire pourquoi : Le vin est il fermé? (en quel cas c'est peut-être provisoire) Le vin est-il simplement faible ou déjà mort? (en quel cas il n'a pas d'intérêt).
Luc :
"Tu n'as jamais dégusté un vin qui ne délivre que très peu d'arômes ?"
Si, bien entendu!
Parmi lesquels certains n'en ont jamais développés (je les appelle faibles ou manquant de saveurs).
Et d'autres les ont développés plus tard : je dis donc après coup qu'ils étaient fermés avant de se rouvrir. Je ne peux l'affirmer de manière certaine qu'après coup, à l'instar des économistes qui expliquent très bien après la crise pourquoi elle a eu lieu mais ne savent pas la prévoir.
Luc :
"Si oui, comment le qualifierais-tu ? Si tu réponds fermé, tu gagnes le droit de revenir en deuxième semaine. Si tu réponds médiocre, je te ferai parvenir une caisse de 12 vins particulièrement médiocres qui délivrent une aromatique explosive."
Justement je n'en sais rien, comment puis-je savoir si il est fermé ou médiocre? Je sais juste que sur le moment il n'apporte pas de plaisir.
Mais pourrait-il en apporter demain? S'il est seulement fermé, il peut s'ouvrir demain, comme il peut ne plus jamais s'ouvrir. Mais puis-je affirmer qu'il n'est pas fermé, que c'est sur, c'est juste un mauvais vin qui ne sera pas meilleur demain?
Comment pourrais-je le dire?
Je ne défend pas le domaine des Lambrays qui n'a que faire d'être défendu ici, j'ai même indiqué que mes propos pouvaient être déplacés ailleurs avec ma bénédiction. En revanche, je demande une nouvelle fois à ceux qui savent faire la différence entre un vin qui manque d'arôme ou de matière parce qu'il est fermé (donc qui peut ou va se rouvrir) et un vin qui manque d'arôme et de matière parce qu'il est médiocre (sans espoir) de m'expliquer comment ils font.
Tu te doutes, Luc que je ne conteste pas l'existence de vins médiocres mais très ouverts
Pour la caisse
d'Audouze de douze, tu peux envoyer, j'ai du vinaigre à préparer.
Oliv :
"Il y a d'autres arguments pour défendre les domaines que l'on apprécie que de verser dans une telle vulgarité, qui plus, quand le père Enzo n'a finalement fait qu'énoncer une vérité facilement vérifiable : le bénéfice du doute profite bien plus facilement aux vins d'appellations prestigieuses à l'histoire ancienne qu'à des vins moins renommés qu'on écartera avec bien plus de facilité."
Bien entendu Oliv, ce que tu dis là est évident. Il serait insensé de croire que si un vin à grande étiquette est peu expressif, c'est automatiquement qu'il est fermé (provisoirement) alors qu'un vin à petite étiquette peu expressif est simplement sans intérêt. Je crois bien Oliv que j'ai assez défendu la même chose que toi plus haut dans la discussion et que sur ce point, nous sommes parfaitement d'accord. La recherche exclusive des grandes étiquettes me semble une grosse erreur qui montre qu'on ne cherche pas à comprendre le vin. Les petites étiquettes peuvent être de très grands vins et les grandes peuvent recouvrir des flacons très médiocres. J'ai cette possibilité cela en tête, Lambrays inclus. La question qui s'est posée ici et qui n'a rien à voir avec notre domaine des Lambrays, c'est que certaines personnes affirment qu'elles savent faire la différence entre un vin qui est décevant parce qu'il est fermé provisoirement et un vin qui est décevant parce qu'il est simplement médiocre et ne se réveillera pas.
Qui peut m'expliquer comment on fait cette différence?
Le seul argument que je reçois est celui-ci : ils savent faire la différence entre une matière/des arômes qui ne s'expriment pas et une matière/des arômes qui ne sont pas là. Ca alors! Comment peuvent-ils la sentir si elle ne s'exprime pas? Ils voient les fantômes? Faut-il être médium pour savoir repérer un tel vin? Comment se fait-il qu'on ait sur LPV trois génies de l'oenologie qui seuls contre tous affirment en haussant les épaules que c'est facile alors que tous les grands oenologues s'y sont cassés les dents, que les grands vignerons eux-mêmes ne savent pas et affirment qu'on ne peut pas savoir?
Je suis ravi qu'on ait une brochette de génies de l'oenologie ici sur LPV, mais ils doivent nous expliquer!
Enzo, pardon pour le ton de ma réponse, Herbey à raison, je suis un gentil garçon même si ces paroles étaient déplacées. Sache que je suis parfaitement d'accord avec toi et Oliv sur la vigilance qu'on doit avoir parce que la grande étiquette n'est jamais une garantie que si le vin est faible, c'est forcément provisoire. Sur ce sujet, j'ai été le premier à donner des avertissements lors du dernier débat similaire qui avait eu lieu dans la rubrique Bordelais. Je suis de tout coeur avec toi et avec les petits domaines qui sont victimes d'une grande injustice malgré un travail souvent excellent, parce que la spéculation et les idées préconçues causent une grande maldonne dans le monde du vin. Il y a beaucoup de vrais grands vins derrière les grandes étiquettes, et aussi beaucoup de moins grands qui bénéficient d'une réputation excessive alors que des vignerons de génie restent méconnus injustement. LPV est un lieu formidable pour faire bouger les choses, la meilleure façon est de mettre en avant ces vignerons méritants qui font de superbes choses et figures-toi que je m'y emploie, sans pour autant avoir pour règle de dire du mal des grands crus sur lesquels je dis ce que je pense. J'ajoute, cher Enzo, que je n'hésite pas à dire ma déception à propos de certains d'entre eux, lorsque je crois cela justifié. Nous voilà sur ces points-là, je crois, assez d'accord non?
Alors puisque mon raisonnement
"JFCD" "CQFD" n'a pas convaincu, reprenons...
Prenons un vin qui manque de matière ou d'arômes. Il peut en manquer parce qu'il ne les a jamais eu et ne les aura jamais, on l'appelle faible / médiocre etc. (mais pas "fermé"). Il peut aussi en manquer parce qu'il est en phase de fermeture, en quel cas il en aura peut-être dans quelques années. Il existe ainsi des vins qui à un moment donné paraitront fades et sans grand intérêt, et qui des années plus tard seront beaux, intenses et parfumés. Ce fait est un mystère, mais nombre de gens de bonne foi en témoignent abondamment, en fait à peu près tous les amateurs qui suivent régulièrement certains vins au fur et à mesure des années. Tout amateur aimerait être capable de faire la différence, car dans un cas il peut mettre le vin au vinaigre ou le boire avant qu'il soit complètement mort, tandis que dans l'autre cas, il a intérêt à le garder dans sa cave patiemment. Il est assez connu en Bourgogne que les grands crus ont parfois des phases de fermeture spectaculaires avant de rayonner à nouveau (mais ce n'est pas un phénomène qui exclue les petits vins) et que c'est particulièrement le cas de certains millésimes (comme 1988). On dit aussi qu'il est très difficile de prévoir quand cela se produira et quand cela s'arrêtera, mais qu'en gros les vins ont souvent d'abord une phase "sur le fruit", puis une phase de fermeture, puis une vie plus ou moins longue et plus ou moins brillante de vins à maturité. Il est temps de revenir sur le raisonnement initial incriminé :
Dans une pièce sans lumière on ne voit personne. Qui peut dire qu'en allumant la lumière on ne verra personne? Si quelqu'un parle par exemple, on peut dire : "il y a quelqu'un, si j'allume la lumière je le verrai". Mais si rien ne se manifeste, comment savoir si il y a quelqu'un ou pas? Même à tâtons on ne peut pas être sûr que la pièce est vide.
Si on ne sent pas assez de matière ou d'arômes dans un vin, comment être sur qu'il n'y en aura pas demain? Qui peut dire cela? Qui peut affirmer : "non il n'est pas fermé"?
Oui Oliv, le bénéfice du doute joue certainement en faveur des grandes étiquettes car on est plus porté à imaginer que la fermeture est en cause, c'est vrai. Ça je n'y peux rien, moi qui défends ardemment les petits vins sur LPV, comme je le faisais plus haut d'ailleurs dans cette rubrique même! Cet effet trompeur, vous m'en voyez le premier ennuyé, mais je ne vais pas nier qu'il existe une fermeture sur certains vins pour autant? Et quand tout un tas d'indices convergent dans ce sens, c'est à prendre en considération, même si ce n'est jamais "sûr et certain".
J'ai bu des vins manquant d'expression et qui quelques années après sont devenus très expressifs. Si des personnes boivent un grand cru de huit ans et d'une grande année et le trouvent décevant car manquant de matière, je dis "il est
peut-être fermé", lisez bien, jamais je n'ai affirmé que ce vin est fermé (je ne sais pas), j'ai juste demandé qu'on envisage l'hypothèse. Hypothèse qui est loin d'être très hardie. Et là on me répond : "non non, je sais reconnaître un vin fermé". Et bien je continue de demander des explications! Je crois que dans le monde du vin, celui des professionnels, personne ne se permet d'affirmer des choses comme "je sais qu'il n'est pas fermé" quand un grand cru
manque de matière en plein dans la période suspecte. Ici il y avait bien d'autres indices que j'ai soulignés dans mes précédents messages et qu'il n'est pas utile de répéter. Comment un amateur peut-il déclarer aussi catégoriquement, à contre courant de ce que tous les professionnels disent, qu'il sait reconnaître un vin fermé? S'il veut maintenir une affirmation aussi difficilement tenable, il doit au moins expliquer comment il le reconnait et donner sa méthode rigoureuse qu'on pourra expérimenter nous-mêmes pour la vérifier.