francois999 écrivait:
> > je ne crois pas les Lambrays de taille à
> > affronter certains voisins
>
> Par curiosité ( et sans polémique), A quel voisin
> tu penses ?
Plutôt que de m'engager sur cette pense dangereuse, je préfère préciser que je ne parlais pas de la qualité générale du vin, mais seulement de certains critères de charpente de matière etc.
Mais même ça... ce n'est pas vraiment vrai. Sur 2006, je pense qu'on a un Clos des Lambrays très intense qui devance probablement beaucoup des plus grands vins de Bourgogne sur le même millésime et sur ces critères qui font un peu la norme actuelle, tout autant que sur la finesse.
Je ne sais pas trop où mènent ces débats, n'est-il pas préférable de goûter et de voir si on ne trouve pas ce vin enthousiasmant? Quand on croise un vinificateur doué et sérieux avec un terroir de Grand Cru, il y a des chances que beaucoup aiment. De mon côté, il n'est pas certain que mes goûts en Bourgogne soient toujours tellement "dans la norme". De plus ils sont souvent contradictoires car j'essaye d'avoir dans ma cave des vins de style très très différents donc complémentaires, du coup je ne juge surtout pas avec des critères universels. Pourquoi donc voudrais-je convaincre qu'un autre devrait aussi aimer? Ajoutons que le goût personnel évolue, il est fréquent que certains styles que d'abord on n'aime pas, finissent par nous plaire, c'est un peu le cas pour moi avec ce Clos des Lambrays.
Ensuite il y a Matthieu qui nous dit qu'il trouve que le vin ne vieillit pas si favorablement, avis donné après une dizaine de dégustations de vins de huit ou dix ans d'âge (je ne me trompe pas?) parmi lesquels certains grands millésimes réputés. On est peut-être dans une période de fermeture puisque le premier cru (qui se ferme peut-être moins) n'est pas concerné alors que les vignes sont seulement plus jeunes (?). Cette question est en suspens, et j'aimerais entendre d'autres témoignages car elle a une certaine importance, y compris pour moi, ne serais-ce que pour savoir quand ouvrir des vins qui me ravissent déjà dans leur jeunesse.
Encore une chose, M. Broin a du resserrer les allocations cette année. Voyant que je regrettais de ne pas recevoir mes 1er Cru Les Loups il m'a dit d'aller au caveau (la boutique à Morey où on achète les vins locaux au prix du domaine) "parce qu'il y a là de nombreux vignerons de talent qui font aussi bien pour moins cher". C'est le régisseur qui dit ça! Outre que cela montre une ouverture d'esprit (mais que beaucoup d'autres vignerons l'ont aussi!), on voit bien qu'il existe une injustice et que les producteurs des vins les plus recherchés en sont parfois les premiers conscients et surpris : il n'y a pas que M. Broin qui m'a fait part de ça, ils sont nombreux les viticulteurs qui voient les prix de leurs vins spéculatifs s'envoler vers les sommets et trouvent absurde un tel engouement. Le premier cru Les Loups est rare. Actuellement c'est essentiellement le grand cru déclassé (vignes jeunes ou moins bien placées). Mais il y a des tas d'excellents vins à Morey et je ne crois pas nécessaire de défendre le Domaine des Lambrays, les clients se pressent tous au portillon, les millésimes les plus côtés s'échangent déjà bien au-dessus du prix du domaine alors que le régisseur lui-même affirme qu'ils ne sont pas meilleurs que le millésime d'à côté que tout le monde délaisse etc. Quelle étrange folie déconnectée de la réalité?! Mais ce que je dis là est vrai pour tous ces domaines hyper-cotés. Le hasard a voulu que j'aille aux Clos des Lambrays un beau jour, y étant admis par chance ou par hasard, et que j'aime ses vins. Depuis le prix augmente (moins que Clos de Tart mais quand même) alors que ma démarche était de chercher des vins à prix raisonnables. Je reste à cause de mon affection pour le domaine : déguster avec des personnages tels que M. Broin, c'est des moments de grâce, alors on s'attache au produit, et on encaisse les augmentations stoïquement... Mais quel est le sens de courir après? Les hasards de mes pérégrinations bourguignonnes m'ont ainsi permis de rentrer dans des domaines très cotés auxquels je me suis attaché (d'autres qui ne m'ont fait ni chaud ni froid), mais elles m'ont aussi permis de découvrir des producteurs pas cher qui font des vins totalement sublimes. Certains ont toutes les peines à vendre leurs vins fabuleux et finissent par les donner au négoce... Alors que ce sont des vins magnifiques! La différence? Le domaine des Lambrays a une jolie parcelle en Grand Cru. A cause de cela il peut se permettre de vendre un simple village à 32 euros. Est-ce bien raisonnable pour nous de poursuivre ça? Il faut goûter. Et si on n'a pas de penchant naturel particulier, je vois mal où cela mène de vouloir encaver des Grands Crus juste parce qu'ils sont Grand Cru.
Bref il y a là un grand talent, un beau terroir, mais si certains pensent que les prix sont devenus trop élevés, je ne vais pas les contredire. C'est à mon avis le cas de tous ces grands domaines spéculatifs. Comme au Clos des Lambrays on a pris le train plus tard, c'est plus raisonnable, Thierry Broin n'y est pas étranger car il n'apprécie pas tellement cet état d'esprit, mais parfois, le propriétaire lui demande "pourquoi le Clos de Tart juste à côté vend le vin trois fois plus cher et pas nous? Moi je trouve le notre meilleur..." Je ne sais pas quelle mouche pique les spéculateurs, mais je crois qu'il est bien plus intéressant d'aller en Bourgogne et découvrir par soi-même, de se faire nos propres goûts, que de courir après les vins spéculatifs "parce que". Je crois que si on part à la découverte de nos propres goûts, on s'aperçoit qu'ils sont plus simples et moins rigides que certains idéaux qu'on poursuit sans savoir pourquoi. Parfois seulement, les goûts personnels coïncident avec des vins spéculatifs, alors c'est plutôt pas de chance, aussi me voilà pris au piège du Clos des Lambrays et de quelques autres! Evidemment que si on aime le style, le "Grand Cru" apportera un plus significatif, mais encore faut-il aimer les style. Heureusement j'ai aussi des adresses de grands vins à petit prix que j'aime beaucoup aussi. Partir à la recherche de nos goûts personnels, voilà qui me semble le premier pas. J'ai hélas le sentiment que ce pas est de plus en plus rare et que l'instinct grégaire prime largement sur le bon sens...