[size=x-large]LPV75 de retour dans la parenthèse Rayas pour le millésime 2014[/size]
Nous revoici 2 ans plus tard dans la parenthèse géographique et temporelle du Château Rayas. Se rendre au domaine est toujours un moment particulier. Nous savons que nous allons retrouver le clos bordé d'arbres où se trouve le coeur de Rayas, les fûts âgés de plusieurs décennies et surtout Emmanuel Reynaud, son couvre-chef aposé sur sa tête.
Le domaine couvre 15 ha. C'est une "petite propriété" selon le propriétaire des lieux. "Nous avons toujours la même façon de travailler. Il faut respecter ce que l'on nous a confié. Chaque année apporte des couleurs nouvelles. »
Il nous explique que la fraîcheur, la longueur et la finesse de Rayas proviennent "du sable de mer léger du sol. Il n'y a aucun argile ce qui signifie que très peu de nourriture. Nous ne pouvons donc avoir que peu de souches à l'hectare, 2 500. Les terres sont exposées au Nord et la proportion de forêt est 4 fois plus grande que la moyenne sur Châteauneuf."
- Savez-vous jusqu'à quelle profondeur on peut trouver ce sable?
- Il faudrait des moyens conséquents pour creuser à différents endroits. Pour les quelques travaux que nous avions eu à faire, il y en avait jusqu'à 8 mètres. En dessous, c'était de la roche.
Fonsalette se trouve également au Nord, mais il est moins protégé. Les Tours se situent en face. Ce sont 40 ha, plus ouverts.
[size=x-large]2015, un millésime trop chaud?[/size]
- Beaucoup de vos confrères dans d'autres régions louent la qualité des raisins sur 2015. Ils ont pourtant souffert des chaleurs et du manque d'eau. Il y avait peu de jus à la presse. Nous imaginons qu'il a fait plus chaud encore ici et que vous avez récolté plus tôt.
- Une année se fait avec l'année précédente. 2013 et 2014 ont été tardives. 2015 a été chaud mais dans un sol froid. Et nous avons eu la chance d'avoir 200 mm de pluie fin Juin/début Juillet sur 3 jours. Auxquels se sont ajoutés 80mm fin Août. Le tout nous a amené au 24 Octobre pour les vendanges.
- N'avez-vous pas craint que les précipitations fin Août abîment les fruits?
- La pluie et les orages fort ravinent effectivement les terres mais avec le Mistral, le raisin ne bouge pas. Et puis nos stocks nous permettent d'être sereins. On peut sauter une ou deux années. 2015 est une année où il n'est pas besoin d'être vigneron pour faire du vin, reprend Emmanuel Reynaud avec le sourire.
- Vous nous aviez indiqué la fois précédente récolter à de hauts degrés. Qu'en est-il cette année?
- Nous avons vendangé à 15. 2003 et 2006 étaient plus riches.
Nous montons dans la grange pour déguster les blancs. Il flotte dans l'air un parfum de fève de cacao. Nous avons du mal à en déterminer précisement la provenance. Le bois des fûts est trop ancien pour l'exhaler. L'odeur n'en est pas moins agréable.
- Nous soutirons après la malo.
- La faîtes-vous sytématiquement? N'êtes-vous pas tenté de la bloquer pour conserver de l'acidité?
- Toutes les étapes doivent être faites et respectées. Nous la faisons donc à chaque fois.
Fonsalette blanc 2014
"Le terroir est froid. (...) La fermentation se déroule dans les tonneaux puis en cuve. L'assemblage se fait en Février et la mise au Printemps."
CM: De beaux amers et une belle présence.
SP: C'est frais, léger. De la prune, de la reine-claude. Le breuvage est bien moins amer que le Château des Tours de la même couleur.
AB+
- Vous nous aviez indiqué la faiblesse des volumes sur 2013. Qu'en est-il sur 2014?
- Nous sommes à 70% de la récolte possible. Nous sommes plutôt contents. A 30% c'est plus compliqué.
Château Rayas blanc 2014
50% Clairette, 50% Grenache blanc. "La fermentation se fait en tonneau. Il faut alors savoir observer et ne rien faire."
CM: Nez fin floral, abricot et fruit jaunes.
SP: Une légère impression de sucre résiduel, de l'abricot asséché de son sucre. Le vin remonte sur le citrus. Nous gagnons en acidulé et finesse. Comme un zeste déposé pour réhausser un plat. Le vin est très digeste. Sa persistance est belle et sa largeur appelle à la gastronomie.
B
Nous rendons compte à Emmanuel Reynaud le délicieux Fonsalette 2003 récemment dégusté.
- Il nous était impossible de détecter l'année solaire tant c'était fin et plein de fruits. Aucun pruneau, ni compote, ni confiture.
- Ah, ce sont les mystères des années excessives. Nous sommes toujours surpris de la qualité que cela donne au final.
Il est temps de redescendre. Très prévenant, Mr Reynaud signale à notre progéniture venue nous accompagner les marches et aspérités risquant de les faire trébucher.
Le Cinsault de Fonsalette 2014
Sur l'équilibre des cépages complémentaires au Grenache: "Le Cinsault donne une légèreté. La Syrah les épices. Les excès de l'un sont compensés par les excès de l'autre."
CM: Superbe fruité très présent. Fraise, épices. Très beau soyeux. Long et fin.
SP: De la fraise, de la fraîcheur et de la légèreté à foison. La pureté du fruit faite. Les rendements sont petits.
TB-
[size=x-large]Les fûts, témoins de l'histoire des domaines[/size]
- Nous utilisons des barriques de 600 et 450. Lorsque nous en cherchons, il faut qu'ils aient 10-15 ans. Ils entrent d'abord aux Tours. Et ce n'est qu'à partir de leur 25ème année qu'ils peuvent arriver ici. Si nous prenons des fûts neufs, ils servent au Vin de Pays.
- N'avez-vous pas peur qu'ils se fragilisent avec le temps?
- Non, ceux qui disent ça veulent vendre du neuf, nous répond notre vigneron amusé. Le bois qui marque, c'est ou cela a été une mode qui plaît. Les vins trop travaillés donnent une plus grande impression de vins industriels. Ce n'est pas la vision du domaine.
Le Grenache de Fonsalette 2014
CM: Plus structuté, épices en finale. Floral, de l'amerture et des fruits acidulés.
SP: La bouche est épicée, sur la groseille. Elle possède une grande netteté. Très peu de sensation d'alcool.
TB-
- Tout le monde se demande comment vous parvenez à apporter tant de fruits dans vos vins. Démarrez-vous la fermentation à froid?
- Nous ne chauffons pas et nous ne refroidissons pas au moment de la fermentation. Il faut se rappeler que nous récoltons plus tard. Les raisins sont donc plus froids.
Le Grenache de Pignan 2014
CM: Plus épicés, fruits noir herbes eucalyptus. Très équilibré.
SP: La robe est d'une grande clarté malgré la pénombre. La bouche est pareillement épicée, du poivre et toujours cette si délicieuse fragola.
TB
" Récolté à 15,5. Pignan a toujours un peu plus d'alcool que Rayas. Fonsalette est plus souvent autour de 13-13,5. Lorsqu'il reste + de sucre, la fermentation est plus longue."
Le Levant de Rayas 2014
"Le Coeur et le Couchant autres sont laissés au travail."
CM: Floral aérien soyeuxet superbe longueur.
SP: La complexité apparaît immédiatement plus grande. Les nuances, le volume et les saveurs sont plus importantes. Du clou de girofle, une déclinaison de fraises gariguettes, mara des bois. C'est long. Waouh effect.
Excellent et annonciateur de grand vin.
- Tout ce que nous avons bu jusqu'à présent est déjà très aimable et très accessible. 2014 est-il un millésime plus prêt?
- Ouvrir un Rayas jeune, ce n'est boire que 20% de la bouteille.
[size=x-large]Protéger le vin[/size]
- Dans quelle proportion utilisez-vous du SO2?
- A la vendange 1,5 de libre, qui ne reste pas longtemps. Les levures agissent ensuite, puis viennent les bactéries. La malo peut démarrer avant la fin de la fermentation alcoolique. Ca peut aller vite, 15 jours après les vendanges. Nous la freinons alors avec du souffre. Une cave chaude favorise la malo. Enfin un peu de SO0 avant la mise. Nous n'avons jamais de libre dans le verre.
- Prêtez-vous une attention particulière au CO2?
- Pas spécialement. Il en reste parfois un peu selon les années s'il reste du sucre. Cela nous oblige à déboucher pour dégazer.
- Et en terme de niveaux, où se situent vos vins?
- Moins de 500 pour les rouges et approximativement 700 pour les blancs.
Le Syrah de Fonsalette 2014
"Les 10 premières années on boit le Cinsault. La syrah vient après. Nous avons peu de Fonsalette de 2008 à 2010."
CM: Structuré droit, vertical avec une fraicheur de fou sur l'eucalyptus. Du fruit également, superbe!!!
SP: Très floral. La fraise caractéristique du domaine parvient tout de même à se frayer un chemin. De la griotte confite, un fond de litchi. C'est plus vertical, minéral et contenu. C'est diablement bon.
Excellent-
Pour terminer notre visite, nous interrogeons notre hôte sur l'avenir du domaine
- Comment voyez-vous Rayas demain?
Il nous répond spontanément:
- Comme hier. Nos prédécesseurs ont travaillé pour le futur. Nous faisons de même. Un domaine doit savoir garder sa ligne de conduite, sa part de mystère et sa philosophie. Après c'est l'effet des millésimes. Nous ne faisons pas des vins pour l'argent. Nous faisons des vins pour qu'ils soient bus, partagés. c'est d'ailleurs pour cela que nous avons fait le choix d'ouvrir aux particuliers.
La nuit est tombée. Il est malheureusement temps de fermer cette parenthèse. 2014 est déjà très, très plaisant. Et Emmanuel Reynaud demeure un formidable conteur de son domaine. Nous le remercions ici pour ce magnifique aparté de lieu et de temps. Nous avons déjà hâte de revenir.