Monsieur l’agitateur,
Non ce n’est pas la contradiction qui est malsaine, c’est la façon dont vous l’exprimez.
Ce serait plus agréable de débattre avec quelqu’un qui soit effectivement plus un agitateur qu’un agité. Le problème est qu’après avoir dit que j’écrivais des conneries, après avoir dit que j’étais de mauvaise foi, maintenant vous continuez dans un style très déplaisant, fait d’insinuations, de mépris... Maintenant, ce que j’écris est « énorme », et vous vous « gaussez ». Dommage.
Mais sur le fond, et par égard aux participants un peu plus calmes et positifs de ce forum, je me dois d’apporter encore quelques points de vue à vos « gausseries ».
Vous m’avez soupçonné de mauvaise foi « Vous mélangez les méthodes additives que l’on peut réprouver ( chaptalisation) avec des méthodes physiques (osmose – dont la capacité à concentrée est légalement limitée - et cryo) qui n’ont rien à voir et vous le savez. » A ma réponse, qui vous reprochait de douter de ma bonne foi, vous remettez le couvert en inversant les rôles « les méthodes additives et physiques : qui est malhonnête ? ». Mise au point : j’ai dit que les méthodes étaient utilisées complémentairement souvent. Ceux qui le font trouvent cela très intéressant économiquement, surtout l’osmose. Nous avons eu quelques cas fumants, en Anjou, de Layon osmosés en toute illégalité, et pris la main dans le sac. Croyez moi, ceux là savent mieux compter que moi, entre le coût de production d’un layon « naturel » à 22%, et le même fait à partir de moûts à 12%. Vous voulez que je vous envoie la pétition de producteurs de Sauternes d’il y a quelques années, qui revendiquaient le droit de monter à + 5 en combinant ces méthodes ? Vous n’avez pas lu les « essais » menés à ce sujet, voulant prouver que l’osmose, c’est mieux que la chapta ?
Vous avez encore du mal à rester aussi poli après ma référence à J. Boivin…je vous explique. Nous discutions du rapport entre le soufre et le sucre, et du problème de la stabilisation du vin avec sucres résiduels. J’ai replacé cette question dans l’histoire des vins du Layon. Parce que c’est une très ancienne question sur ces vins. Or le tournant, au moins dans ma région, est très précisément décrit dans cette thèse. J. Boivin a fait son stage à Sauternes, pour sa thèse, et il y a comparé point par point Sauternes et le Layon. C’est passionnant. Pour ce qui est du Layon, il explique très concrètement comment, pour échapper aux dangers du botrytis, pour échapper à la misère, il faut que le vigneron angevin surmonte sa répugnance pour le sucre et le soufre, apprenne à chaptaliser systématiquement, et à stabiliser au soufre. Bref, j’ai fait un travail de recherche il y a dix ans sur l’histoire des vins du Layon, qui s’appuie sur de nombreux documents du 19ème et du XXème siècle, dont cette thèse de JBoivin. Je le tiens à disposition de quiconque est intéressé, je peux l’envoyer par mail sous pdf, c’est léger, il n’y a que vingt pages, je ne prétends pas que cela soit le fin mot de l’histoire, juste une contribution. Mais cette recherche m’a plutôt permis de comprendre comment ma région en était arrivée aux layons soufre et sucre.
Ma référence à Boivin est sans doute pour vous conne, ringarde, à l’heure des tangentiels. Ce que je trouve intéressant c’est votre phrase après sur le botrytis : « est-ce suffisant pour une protection en bouteille ? Hum..je n’ai rien contre le tangentiel, au contraire. Mais cherchez plutôt la stabilité de ce côté-là.. » C’est intéressant, parce que révélateur de deux points de vue différents, au moins pour le segment « vins de terroir ». Pour ces vins, je fais effectivement le choix de chercher la stabilité non du côté de la technique ou de l’œnologie corrective, mais du côté des vignes, du raisin, des choix à la vendange. Mon objectif est d’abord d’avoir un moût, un vin qui a le plus d’équilibre par lui-même, et qui se stabilise le plus possible par lui-même. Notez bien « le plus possible ». Ce qui veut dire que je ne rejette pas, pour ces vins, la filtration, le S02, mais pour moi ce n’est pas le moyen principal, le principal c’est la nature du vin. Apparemment, pour vous c’est la béquille technique.. Alors vous allez rire encore de ces vieux trucs, mais j’ai aussi épluché un vieux bouquin de 1924, écrit par le Docteur Maisonneuve, sur les vins d’Anjou. Il donne des chiffres d’équilibre atteints par les vins d’Anjou sur différents millésimes. Eh bien figurez-vous que là où les potentiels sont les plus élevés, les degrés d’alcool acquis sont les plus bas, en particulier sur une Coulée 1921. Gaussez vous si vous voulez, mais un peu d’humilité ne fait pas toujours de mal.
Si j’ai cité Mc Leod, ce n’est pas par hasard. Je le lis depuis 10 ans, j’ai organisé, avec Sève, un colloque scientifique sur le goût et la dégustation, qu’il a animé en partie, colloque qui a été d’une certaine utilité, je le pense, dans la réforme actuelle des aoc, colloque auquel participait aussi FBrochet, toutes personnes avec lesquelles je suis toujours en contact. Donc votre réflexion sur le pourcentage de la population qui se soucie de mon Essence de Chenin, je n’ai pas besoin de sa vulgarité pour la partager. Idem, je comprends tout à fait ce que dit Eric sur le château de Monbazillac, et aussi sur votre réflexion sur la « ménagère de moins de cinquante ans » « Elle achetait un layon AOC par le passé, et maintenant il se retrouve en Layon VDQS car chaptalisé ? Peu importe, elle l’achètera quand même car le Lyon AOC botrytisé, même à tarif quasi identique, il ne lui plait pas. Et çà, il faut croire que c’est dur à entendre. Alors à écouter, pensez donc…. »
Oui c’est vrai pour la majorité. Parce que le goût est lié à l’histoire hédonique de chacun, lire Mc Leod, Holley, Brochet, etc…Et qu’une fois qu’on a compris cela, qui touche à l’être humain dans ses profondeurs, on ne méprise plus les goûts du consommateur lambda, on reste modeste et prudent sur les siens.
Mais une fois qu’on a compris cela, on peut aussi comprendre ce que dit Françis B sur la perversion du goût. Imaginez la même ménagère à cinq ans, par exemple. Pure imagination..elle fait les vendanges chez ses parents, et ils lui font goûter le moût d’un futur liquoreux puis une goutte (une goutte, rien qu’une goutte M. Got) d’un bon liquoreux non chapta : à votre avis, quel type de liquoreux déclenchera plus tard son plaisir d’adulte ?
Et aussi on comprend mieux le phénomène « mouton ». Mais c’est dommage que vous ne vous en gaussiez que pour le « type qui voit « sans soufre sans levure raisin bio » sur l’étiquette, ça remonte au cerveau direct, et ça actionne la case « plaisir ». Parce que cela existe aussi pour d’autres étiquettes, ce phénomène, par exemple les étiquettes « zh, drc, médoc » déclenchent aussi des vrais drames de Panurge chez certains « types »….
Mais cette vérité ne contredit pas pour moi la nécessité d’une information correcte du consommateur sur le type du vin qu’il boit, dans la mesure où le vin est régi par des règles d’étiquetage différentes de celles des Patek Philippe. J’oserai même dire qu’elle la renforce.
Vous faites dans le persiflage : « j’ai cru comprendre qu’au moins un producteur de bon layon imaginerait bien ses cuvées dans une future super aoc d’élite », pour tenter de me mettre en contradiction avec moi-même quant à la guerre stupide entre les différents segments. Mais pourquoi tant de haine ?
Oui je pense que les layons de terroir, et qui peuvent le prouver, ne devraient pas être dans le même segment que les layons chaptalisés.
Mais contrairement à ce que vous semblez penser, je ne suis pas contre les vins industriels, je ne suis pas contre les vins techniques, je ne suis pas contre le travail œnologique. Je ne suis pas non plus contre les vins de fruit sympas, gouleyants, et qui ne prétendent pas durer trois siècles. Je peux tout à fait apprécier un tel vin s’il est honnête, bien fait, sans défaut, et qu’il me permet ce qu’on attend du vin : un moment de plaisir, d’échange, de convivialité…Si je pense que les vrais vins de terroir ne peuvent représenter plus de 10 ou 15% de l’offre et du marché, c’est qu’il en reste la différence…et que cette différence, les vignerons, les consommateurs, en ont besoin : cela s’appelle une gamme, et début de gamme ne devrait pas forcément rimer avec mauvaise qualité imbuvable.
Et qu’effectivement cette différence est produite pour un marché, un autre marché, qui cherche plus de simplicité, plus de répétitivité, plus de stabilité, plus de repères…Et contrairement à ce que vous dites, je crois qu’une bonne partie de ces vins peut aussi être produite autrement qu’à contre cœur… Et ce n’est pas le problème, comme disait Eric, de réduire au chômage les « médiocres »…surtout pas. Ce n’est pas un problème de médiocre, c’est un problème de cohérence. Le seul vrai problème de la viticulture française, c’est la confusion totale de la segmentation. Si on avait un segment « terroir » bien défini, fiable, tous les vins qui pourraient s’en revendiquer y seraient visibles et pourraient même peut-être du coup être rentables, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Mais pour que cela marche, il faut définir un segment « vin de plaisir » qui ne soit pas dévalorisant culturellement, qui produise de la qualité, et aussi rentable…En fait, c’est le vrai enjeu des AOP/IGP à venir.
Alors monsieur l’agitateur, au lieu de moquer, de persifler, de brasser de vieilles haines recuites qui reposent en partie sur une segmentation actuelle semeuse de désordre dans la profession, mais bientôt obsolète, il serait bien plus intéressant d’être positif, constructif…on en a besoin..PB