Visite au Cellier de la Baraterie, chez Julien Viana
Merci à Laurent d’avoir ouvert ce fil qui, j’espère, va vite s’enrichir.
Pour ma part je continue de rendre visite, à l’occasion de mes escapades en Savoie, aux jeunes vignerons savoyards qui montent. Après Brice Omont (janvier 2014) et Adrien Berlioz (août 2016), j’ai profité plus récemment de l’excellent article de Philippe Barret dans Le Rouge et le Blanc (n° 128 du printemps 2018) sur les jeunes vignerons prometteurs de Savoie (avec Jean-Luc Milleret dans le rôle d’éclaireur), pour aller à la rencontre de Matthieu Goury (août 2019) et Nicolas Ferrand (juillet 2020).
Aujourd’hui c’est Julien Viana qui m’accueille au Cellier de la Baraterie à Cruet. C’est le plus jeune de la bande (27 ans) mais pas le moins doué ! On dit souvent que les vins ressemblent au vigneron qui les a conçus : ne vous fiez alors pas à sa charpente d’ancien 2ème ligne de haut niveau mais plutôt à ses yeux rieurs …
Nous commençons par recueillir quelques informations générales. Le domaine a démarré en 2014 avec un ha puis s‘est agrandi à cinq ha en 2015 et il en comporte maintenant dix. La moitié des raisins est revendue à d’autres vignerons bio et il confectionne huit cuvées en propre, quatre de blancs et quatre de rouges. Tout le domaine est donc en agriculture biologique, avec une conversion en biodynamie (il a même fait un mémoire sur le sujet dans le cadre de sa licence pro), entamée mais ralentie en raison du contexte sanitaire.
En effet les ventes ont fortement régressé, comme un peu partout en France, mais particulièrement en Savoie : 40 à 50 % de la production est écoulée auprès des restaurants et cavistes du département, au profit des touristes et skieurs… Julien Viana vend aussi 30 % de sa production à l’export, secteur également en difficulté. Seuls les cavistes parisiens s’en sortent bien (pour info, vinossimo, que les LPViens connaissent bien, propose toute la gamme sauf le crémant).
Concernant les millésimes, après 50 % de gel en 2017, les trois années suivantes ont été très bonnes en qualité et en quantité. Le millésime 2020 est riche et précoce, ressemblant pas mal au 2018 (vendanges démarrées juste avant le 20 août).
Concernant les vinifications, Julien pratique la malolactique systématiquement sur ses blancs (« parce que j’aime la rondeur dans les blancs et que cela les stabilise complètement »). Cela explique l’étonnement de Laurent ci-dessus à propos de la rondeur et de la souplesse de la jacquère qu’il a dégustée. Laurent, il va falloir t’y faire, y compris pour les concours de dégustation, car quasiment tous les bons vignerons savoyards la pratiquent (je peux nommer Jean Masson en plus des jeunes cités précédemment).
Pour les rouges, il réalise des vinifications en grappes entières, avec fermentation intra-cellulaire en gros pour moitié, pratique issue de son séjour en Beaujolais pour son BTS. Comme de plus les fermentations sont réalisées à 20 – 25 °C, cela donne une souplesse de tanins que j’ai rarement rencontrée pour des mondeuses.
Enfin il limite l’apport de soufre à un total inférieur à 50 mg/l.
Nous allons déguster les différents vins sur cuves, disséminées entre plusieurs petites caves. Il y fait encore très froid, malgré le réchauffement depuis deux jours, ce qui aurait pu nuire aux rouges mais finalement pas tant que cela.
Roussette de Savoie – 2020
Une aromatique très présente, sur de beaux fruits jaunes, des notes miellées et une pointe fumée. La verticalité en bouche est remarquable, sans manque d’étoffe, et la longue finale ravit.
Vin de Savoie – Malvoisie – 2020
Un terroir de marnes noires un peu différent des calcaires et argilo-calcaires qui dominent pour les autres vins.
Un vin à l’aromatique étonnante, très fumée, une belle densité qui s’accentue sur le déroulé en bouche jusqu’à une finale d’une grande salinité.
Mondeuse de Fréterive – 2020
Cette cuve rentrera en fait dans l’assemblage de la cuvée « Paroxysme » qui comprend 45 % de gamay, 45 % de pinot noir et 10 % de mondeuse.
Certes ce n’est pas une mondeuse de cru comme celles qui vont suivre, mais le fruité éclatant, teinté d’une touche épicée, la rondeur et le toucher moelleux en bouche sont remarquables.
Vin de Savoie – Mondeuse de Saint Jean de la Porte – 2019
Nez explosif de fruits rouges et noirs, complexifié par des notes florales et épicées. La bouche combine étoffe, sapidité, souplesse et finesse.
Vin de Savoie – Mondeuse d’Arbin – 2019
Le fruité éclatant du nez parait exacerbé par une pointe de volatile qui disparait vite. La bouche est encore plus souple et confortable, une fine amertume lui apportant une bonne relance en finale.
Vin de Savoie – Mondeuse de Saint Jean de la Porte – 2020
Les épices et le poivre sont plus présents, tout en s’appuyant sur une grande maturité de fruits. C’est le seul vin qui m’a donné une impression d’un manteau de tanins, sans doute car le vin est bien jeune et issu d’une cave à la température encore plus froide.
Vin de Savoie – Montassoulaz – Gamay – 2020
Nez de petits fruits rouges sur lesquels viennent se greffer des notes fumées intéressantes.
Trame relativement corsée et charpentée, sur un fuité franc. Toujours à la recherche d’un gamay de Savoie de caractère, je crois que je l’ai trouvé !
Gamay – 2020
Cette cuve rentrera dans l’assemblage de la cuvée « Paroxysme ».
Nez plus fin et moins profond, sur les petits fruits rouges et la groseille. La bouche est juteuse, friande, avec de très légers tanins qui ressortent seulement en finale.
Pinot noir – 2020
Cette cuve rentrera dans l’assemblage de la cuvée « Paroxysme ».
Nez très fin sur la cerise. La bouche est gouleyante et charmeuse, dotée d’un charnu bien fruité.
Je n’ai pas dégusté la jacquère ni le crémant, qui complètent cette belle gamme très cohérente.
Nous prenons congé de Julien Viana, non sans avoir pris un peu de tout car chaque cuvée a ses points forts et sa personnalité, et le rapport plaisir / prix est indéniablement à l’avantage de ce domaine.
Jean-Loup