Bonsoir,
Comme je lis sous la plume d'un agité que j'écris des conneries, je me sens un peu obligé de donner mon point de vue.
- sur la chaptalisation des liquoreux : ce qui me gêne, c'est que sous la même étiquette d'aoc, qui théoriquement indique au consommateur qu'il achète un vin de terroir, on trouve des vins qui n'ont pas du tout la même histoire. On trouve des vins obtenus par concentration naturelle à 10hl/ha, et des vins à 30 ou 40 avec 2,5 de betterave, de canne à sucre, de mcr, d'osmose, de cryo, et parfois additionnés. Et ne soyons pas naïfs. N'oublions pas qu'en 2003, année puissante, la DGCCRF a trouvé avec la RMN des Layon revendiquant les SGN à + 10. Donc là on a un problème de manque de respect du travail des vignerons, de tromperie des consommateurs, de concurrence déloyale. L'argument de "l'élite" est bien connu, c'est l'argument démago par excellence, venant la plupart du temps de faux culs qui se gardent bien de boire ce qu'ils soi-disant défendent. Le problème n'est absolument pas d'être élitiste, il est simplement que le marché doit être le plus transparent possible. Pour ceux que ça intéresse,
www.seve-vignerons.f...
- je lis sous la "plume" de l'agité ceci :
"Si on veut faire du moelleux avec du sec (pour faire simple) sur une vendange pas botrytisé (je reprend juste le cas cité), alors on aura besoin de trés peu de soufre, à savoir autant qu'avec le sec, mais moins qu'avec n'importe quel liquoreux superbement riche de beau botrytis. Parce que dans ce vin sec (disons qui aurait fait 12°) auquel on rajouterai l'équivalent en sucre de 3°, pour avoir un moelleux, et bien il n'y a pas de substances qui combinent le SO2 et qui réclame de forcer la dose."
Si je réponds à une telle ânerie, c'est par pur respect pour ce forum. L'agité donne des leçons, mais n'a sûrement jamais vinifié la moindre goutte de liquoreux, ou alors, c'est encore pire. Et puis c'est facile de pérorer dans l'anonymat. J'ai horreur de cela, donc si j'interviens, c'est signé. Donc je ne prétends pas tout savoir ni tout connaître, mais mon expérience d'une vingtaine d'année de ces vins, un tour d'Europe des liquoreux, des relations constantes avec des vignerons qui travaillent dans toute l'Europe avec les liquoreux, m'ont amené à constater le contraire.
Plus un moût est botrytisé, plus il a un potentiel alcool important, mais moins il lui est facile de le réaliser : c'est ce que j'ai constaté. Les levures sont énormément gênées dans leur travail fermentaire non seulement quand il y beaucoup de sucre, mais surtout quand le milieu est très botrytisé. Le botrytis secrète des substances qui inhibe les levures. Le cas d'école chez moi est 1997. Ma première trie à 40% potentiel a été mise en bouteille au bout de 6 ans et demi, avec 0,9% d'alcool acquis, et sans soufre. J'ai du avoir deux ou trois flacons qui ont poussé le bouchon, et c'est tout. Ma dernière trie s'est stabilisée à 13+90, et je l'ai sulfitée. Mais là c'est encore un équilibre facile. Les équilibres les plus délicats à stabiliser sont justement ceux que l'agité donne pour les plus stables. En particulier sur des vins secs chaptalisés pour faire des layon fabriqués : on donne un maximum à manger aux levures, et rien dans le moût ne les contrarie : au secours, où est le frein ???? il est dans le S02. C'est la recette de base des layon fabriqués qui ont donné des migraines épouvantables à plusieurs générations, et ont démoli l'image et le marché de nos layon. Désolé l'agité, mais bien sûr que la chaptalisation a démoli le marché des liquoreux, à partir du moment où la segmentation de l'offre de ces produits n'était pas correcte. Là aussi, cela m'étonnerait bien que ce monsieur je-sais-tout ait bossé vingt ans sur le marché mondial de ces vins.
Les liquoreux allemands ne sont pas mon modèle. Mais aussi bien les TBA que les Ausbruch que les 6 puttonyos que les Eszencia ont une réglementation qui : leur interdit la chapta, leur permet d'avoir des degrés minimum très faibles. Tout le contraire de la France, dont la réglementation est basée sur un hypothétique équilibre alcool sucre, sans tenir compte de la structure, des arômes, de l'acidité, puiqu'il faut équilibrer sur une perception pâteuse, résultat d'un sucre ne venant pas de la surmaturité du raisin, avec tout ce que celle-ci a modifié dans sa composition. Je suis d'accord avec le collègue qui travaille chez BBilancini, là-dessus : l'équilibre, ce n'est pas les chiffres, ce n'est pas la concentration maximum, c'est ailleurs que cela se passe.
Effectivement, je respecte beaucoup Saussignac, la plus petite aoc de liquoreux de France, la seule a interdire la chapta. A Sapros, nous en avions fait les invités d'honneur de notre dégustation à Vinexpo, j'en suis très fier, mais c'est vrai que cela en avait énervé quelques uns, de ceux qui se prennent pour les champions du monde, mais ne veulent surtout pas interdire la chapta dans des premiers crus classés.
Il y aurait beaucoup à dire, mais je pense que sur l'essentiel, les amateurs (au sens large) ont commencé à voir la différence. Il ne s'agit pas en fait d'interdire grand'chose, simplement de trouver les moyens que les différentes façons de travailler soient reconnues, permettent aux vignerons d'en vivre et aux consommateurs de s'y retrouver. Si l'agité veut boire du sucre à pas trop cher, ça ne me gêne pas du tout. Simplement, qu'il évite de trop dire de conneries sur ceux qui font et aiment autre chose...
Et bonne année vineuse à toutes et tous. PBaudouin