Pour la reprise des dégustations post-confinement, nous commençons par une matinée qui doit faire rêver bon nombre d'amateurs.
A peine sortis du domaine Jean-Jacques Confuron, nous arrivons chez Thibault Liger-Bélair pour une seconde dégustation.
Il recommence doucement les visites et nous avouera avoir pu profiter du confinement pour être encore plus présent dans les vignes que d'habitude.
Au registre des conséquences liées à la pandémie, il nous dira avoir perdu 50% de ses ventes sur le marché australien.
Les incendies avaient peut-être également joué un rôle négatif sur le commerce dans cet état.
Il s'inquiète pour les restaurateurs mais reconnaitra qu'il n'a pas trop de difficultés pour vendre ses bouteilles.
Concernant le marché américain, il nous indique qu'on trouve actuellement de nombreuses bouteilles en vente qui proviennent des caves des restaurants.
Ces derniers ont là une solution d'urgence pour se faire un peu de trésorerie face à la crise qu'ils traversent.
Nous descendons en cave et je remarque plusieurs fûts des hospices de Beaune.
Il fait parti des vignerons qui élèvent les vins pour les acheteurs.
Sur la photo, il s'agit d'un fût de Mazis-Chambertin adjugé pour 85 000€
On commence par les Moulins à vent 2019 qui sont en foudre avec 2 mois de retard car leur retour sur Nuits-Saint-Georges était prévu durant la deuxième quinzaine de mars.
Moulin à Vent les Vieilles Vignes
50% de vendange entière
Une belle fraicheur pour un jus très agréable.
C'est soyeux, on en boirait déjà.
Ce n'est pas très complexe mais rapidement accessible.
Perelle
Une parcelle souvent grêlée
Plus de matière avec une charge tannique plus forte pour cette parcelle exposée sud
La roche
Un vin plus ample, plus minéral pour une vigne qui comme son nom l'indique n'a que peu de terre.
La montée en gamme liée aux sélections parcellaires nous semble logique et va se poursuivre avec les deux suivants.
Champ de cour
C'est plus chaleureux, épicé avec plus d'ampleur mais ça fini un peu "carré"
Une cuvée qui aura besoin de plus de garde pour être à point.
Vignes centenaires
2 pièces pour 50 ares qui donneront 300 magnums qui seront mis en bouteilles avec une chèvre.
Il va désormais les garder plus longtemps avant de les commercialiser car il estime que cette cuvée mérite vraiment d'attendre.
Tout comme sur 2015, j'ai eu un gros coup de coeur pour ce gamay atypique et difficilement localisable à l'aveugle.
Les vignes qui ont entre 140 et 150 ans permettent l'élaboration d'un vin très complexe qui a une finesse à faire rougir des bouteilles de Vosne ou Chambolle.
On passe maintenant aux pinots.
Mes notes sont assez succinctes car j'essayais surtout de profiter du moment en écoutant les explications de Thibault.
Il n'est pas simple de dialoguer, tenir un verre, goûter tout en essayant de gratter quelques mots.
Cette fois ci l'exercice était d'autant plus compliqué que j'avais des appels téléphoniques de mon fils qui faisait école à la maison.
"Au secours papa, maman me donne encore des trucs à faire"
Heureusement pour moi, notre hôte a également des enfants dans la même tranche d'âge que les miens.
Il comprenait donc aisément la situation.
On commence par des 19 sur fûts
Bourgogne
2/3 commune de Chambolle, 1/3 Nuits
Un début de gamme qui montre immédiatement le niveau du domaine.
Le vigneron prend soin de toutes ses cuvées.
De la griotte bien mûre, c'est déjà gourmand sans aucune sécheresse en bouche.
Hautes-Côtes de Nuits Clos du Prieuré
Un vin qui a de la structure, plus en largeur
Hautes-Côtes de Nuits La Corvée de Villy
Un vin plus tendu.
Une parcelle naturellement plus fraiche qui donne là un vin avec de l'allonge.
Les 2 Hautes-Côtes ont chacun leurs caractéristiques.
Côtes de Nuits villages "Les Lerey"
Un vin plus charpenté, moins léger mais qui doit bien convenir pour une côte de boeuf au barbecue
Chambolle-Musigny VV
Un nez fumé, c'est élégant avec des notes florales
Un joli Chambolle qui a les canons de l'appellation
Une cuvée qui bien que réduite des deux parcelles désormais isolées garde de la complexité.
Chambolle-Musigny "Les Beaux Bruns"
A priori ce lieu-dit doit comporter une partie classée en village.
De la cerise noire, du fruit mûre, nous avons là un Chambolle un peu plus musclé qui aurait un peu des caractéristiques de Morey.
Il ne manque pas de charme pour autant et nous comprendrons d'autant mieux l'intérêt de l'isoler lorsque nous dégusterons le suivant.
Chambolle-Musigny "Les Fouchères"
Ce sera notre cuvée coup de coeur, la révélation de la dégustation car nous ne connaissions pas ce lieu-dit.
Les Fouchères sont situées juste au dessus des borniques donc dans un coin qui commence à sentir le Musigny.
Le nez est très floral et la bouche d'une grande finesse avec une finale longue et délicate.
Celle là, il m'en faudra une !
L'alloc de Gérard est modeste mais j'espère que Thibault pourra nous en laisser un peu sur les 900 bouteilles que comptera cette nouvelle cuvée.
Après tout, il n'y a encore pas d'allocataires historiques sur celle-ci
Nuits Saint-Georges "les Charmottes"
Jolies notes de griottes, légèrement floral, une belle acidité qui étire le vin.
Un Nuits en finesse
Nuits Saint-Georges "Belle Croix"
Un vin plus en largeur, Thibault dira qu'il a plus d'épaule.
Un vin un peu carré à ce stade qu'il faudra revoir avec plus de garde.
C'est en tout cas intéressant de le comparer aux charmottes et une nouvelle fois nous saisissons combien il est logique de faire des cuvées parcellaires pour bien percevoir les nuances des différents terroirs.
Gevrey Chambertin "Croix des Champs"
Une robe rubis, un panier de fruits rouges pour ce vin qui pour le coup ne fait pas trop Gevrey.
Un vin gourmand à ce stade qui se livre sans retenu.
A ce moment de la dégustation, il est temps de parler du mercato qui vient de s'opérer.
Adieu les
"Gruenchers" à Chambolle que la famille Sigaut a repris suite à l'installation de la fille mais bonjour
"Le Créot" car une parcelle de 93 ares va venir remplir les fûts du domaine dès cette année. Située sur le coteau de Brochon, Thibault a hâte de pouvoir la vignifier car il est persuadé de pouvoir en tirer de jolies choses.
La suite de la dégustation se fera sur les
2018 qui ne sont pas encore en bouteille.
Les échantillons ont été prélevés quelques jours auparavant .
Vosne-Romanée "Aux Réas"
Pas de vendange entière, je le signale car ce n'est pas habituel pour les différentes cuvées du domaine.
Une très grosse matière ( on comprend pourquoi il nous l’a fait goûter avec les crus) et un vin bien plus puissant que les 19 sur fût.
Il nous expliquera alors l'intérêt d'un élevage long, notamment pour permettre de faire légèrement baisser le taux d'alcool.
Dès cette première comparaison, je me demande si les 19 ne seront pas à boire avant les 18.
Louis Meunier semblait déjà le penser en début de matinée.
Charmes Chambertin
Robe profonde, fruits noirs, de la violette ... nous sommes en Côte-Rôtie
Cela fait sourire le vigneron qui nous dira apprécier les vins de cette appellation.
Une cuvée souvent atypique et qui une nouvelle fois ne semble pas correspondre au style du domaine.
Un vin moins vertical mais doté d'une puissance peu commune en Bourgogne.
Corton Renardes
Des notes fumées, du fruit mûr et un soupçon de minéralité.
Bref c'est toujours aussi complexe.
Une cuvée que l'on apprécie beaucoup pour son nez original mais aussi pour sa bouche tout en longueur.
Un vin ample et équilibré dont la finesse se marie parfaitement avec une puissance contenue.
J'en veux une !!!
Clos Vougeot
Les épices dominent le nez, je pense immédiatement à la badiane.
Une nouvelle fois, le nez ne trahit pas son terroir.
Très grosse structure en bouche, puissant, complexe et long tout en étant parfaitement équilibré.
Là il y a une sacrée cartouche.
Ce sera ma cuvée préférée pour cette dégustation.
Nuits Saint Georges 1er Cru Les Saint Georges
Un vin très minéral qui n'est pas le plus facile à appréhender.
Une petite sécheresse en fin de bouche perturbe un peu nos sens.
A mon avis il n'est pas au meilleur stade pour que nous puissions bien le juger.
Richebourg
Un nez floral et un vin tout en finesse.
Etonnement c'est après l'avoir avalé ( je ne crache jamais un richebourg) que l'on perçoit plus de qualités en rétro.
Thibault le qualifiera de vin de fin de bouche.
A ce stade il reste néanmoins un peu sur la réserve.
Une cuvée qu'il faudra laisser patiemment murir en cave pour qu'elle puisse se révéler.
On termine par une cuvée d'un millésime plus ancien
Clos Vougeot 2015
Un nez fumé, une légère réduction nécessite un peu d'agitation dans le verre.
Grosse complexité avec un panier d'épices douces.
On trouve encore beaucoup de fruits sur cette cuvée qui reste très jeune.
Le vin débouché depuis 48h s'ouvrirait seulement selon le vigneron qui l'avait moins bien goûté les deux jours précédents.
En tout cas nous sommes passés au bon moment car le vin mêle à la fois gourmandise, complexité, amplitude et longueur.
Autant de qualités que j'aime trouver dans un vin.
Il semble toutefois évident qu'il reste préférable de l'oublier en cave pour qu'il gagne encore en complexité.
Encore une visite magnifique chez un vigneron extrêmement sympathique.
Thibault reste très pédagogue et ouvert à nos questions.
Il a le soucis de faire excellent sur toute sa gamme et ça se ressent devant chaque fût ou bouteille qu'il nous fait déguster.
Vivement la prochaine fois