Rendez-vous cet été avec Jean-Michel Comme à la propriété.
Cela faisait quelques temps que je n'étais pas retourné à la propriété (hormis quelques balades dans le vignoble avec mon chien). Quelques échanges de mails autour d'un reportage diffusé quelques jours plus tôt et rendez-vous est pris.
Je déjeune sur Pauilac avec Benoit, un ami de Paris qui vient d'emménager à Bordeaux. Nous devons être au château pour 14h. Il fait une chaleur écrasante sur Pauillac mais heureusement le vent de l'estuaire rend l'air respirable.
Nous rentrons dans la cour et croisons les saisonniers qui débauchent, accablés par les conditions climatiques mais toujours le sourire aux lèvres dans une ambiance bon enfant. Comme je l'ai vécu dans ma jeunesse où nous trouvions dans les rangs de vignes le labeur qui finançait notre émancipation.
Jean-Michel nous reçoit et nous demande ce que nous souhaiterions faire ensemble. Du tac au tac et comme une évidence, je lui réponds que je souhaiterais faire un tour à la vigne.
Nous montons ensemble en voiture et descendons vers la voie ferrée (la partie la plus froide et marécageuse). Nous n'allons pas voir de la vigne mais rendons visite aux vaches du château. Pourquoi diable une propriété viticole a besoin de bovins alors que le travail des sols est confié aux chevaux?
Jean Michel nous explique qu'il a souhaité réintroduire ces espèces historiquement élevées en Médoc (avec la participation du conservatoire des races de l'ENITA) afin de produire lui même sa bouse de corne. Afin d'établir une connexion directe et continue avec son terroir, il est important pour lui que cet engrais soit produit avec des espèces médocaines, qui évoluent sur leur terroir et qui mangent le fourrage et l'herbe issue de ce même terroir (recevant les tisanes biodynamiques).
Ceux qui me connaissent savent combien je suis attaché à mes origines médocaines (on est à quelques mètres du collège que je fréquentais). Toute cette démarche me parle et cet attachement aux détails qui fait le bon sens paysan est l'essence de ce qui m'anime. Certains jouent du piano debout et d'autres élèvent des vaches...
Notre balade se poursuit dans le vignoble qui est en cours de "tressage" (ponts). Jean-Michel nous montre comment il entreprend les curages et regreffages sur les bois malades. Ainsi, il donne une chance supplémentaire à un pied en le soignant et en lui laissant son enracinement (et donc sa connexion au terroir of course).
Nous continuons à sillonner le vignoble en échangeant sur tout un tas de sujets (au delà du vin), puis nous passons par le château afin de prendre conscience du chantier entrepris. Je suis soufflé de voir le nombre de corps d'état en part propre dont bénéficie le château. C'est un peu le Guédelon (où j'étais la semaine dernière) médocain. Ainsi les tailleurs de pierres, menuisiers, maçons, peintres s'ajoutent au personnel administratif, les ouvriers viticoles, le personnel agricole, les cuisiniers... Tout le tissu social des châteaux d'autre fois est recrée et trouve un équilibre dans un modèle économique que l'on croyait révolu à l'heure de l'externalisation.
Une salle pour les vendangeurs avec une cuisine collective flambant neuve est en cours de finition. Tout est fait pour que les salariés s'y sentent bien. Des logements de fonction cossus sont construits. Certains au sein du château et d'autres au milieu du vignoble. Cela parait encore plus décalé quand on sait que les grands châteaux rachètent des maisons, les rasent et replantent de la vigne.
L'extension du château doit intégrer les écuries et des locaux supplémentaires. Afin que le projet reste ancré dans son terroir, Jean-Michel (au delà des architectes et bien en phase avec son époque) a souhaité que le chauffage soit issu de la géothermie exploitée en sous sol. Ma vision technique des choses me conduit à penser que la circulation des réseaux dut être un casse tête pour le bureau d'étude. Mais qu'importe, le château et l'extension seront eux aussi en connexion avec leur terroir.
Je trouve formidable que cette démarche soit conduite et poussée jusqu'aux plus petits détails et que les choix qui ont conduit à la qualité, puissent à présent servir l'homme et la société. Je me souviens des critiques visant Pontet Canet au moment de la réintroduction du cheval. On entendait les plus virulents dire que c'était de l'esclavagisme.
Aujourd'hui j'ai vu dans ce château ce que je n'ai jamais vu ailleurs. Du bon sens, du travail et du partage.
Messieurs les présidents de grands groupes, prenez-en de la graine. C'est ainsi que l'on devient grand. Pas par ce que l'on a construit mais par ce que l'on a partagé.
Je souhaite plus que tout parvenir à insuffler cet élan et cet attachement à la terre dans ce que je vais entreprendre.
Merci Jean-Michel pour cet accueil, ce temps offert, ces paroles données et cette immuable volonté d'être honnête.
Amitié.
Syl20
Mon
BLOG