Quelques nouvelles...
C’est le début des vendanges sur le domaine. On a l’impression que ces choses-là reviennent plus rapidement d’année en année !
C’est l’occasion de donner détailler quelques éléments qui font la vie de Pontet-Canet sans forcément parler du vin.
Durant l’hiver et le début du printemps, on a affiné nos pratiques de curetage des souches malades de l’Esca et de regreffage de celles qui n’étaient pas récupérables.
Pour mémoire, le curetage c’est la suppression des tissus attaqués par le champignon, sur le même principe que le dentiste avec une carie.
Le regreffage est plus fastidieux. En général, quand une souche est morte d’Esca, c’est uniquement le cépage français qui est mort. Le porte-greffe « américain » est en général vivant. On va donc regreffer le cépage français sur le porte-greffe existant. Si le succès est au rendez-vous, on aura l’année suivante un cep productif qui aura le niveau de qualité de raisin correspondant à l’âge du système racinaire.
On retrouve un « vieux pied » en un an. C’est tout bénéfice mais c’est beaucoup de travail et une réussite incertaine.
Les résultats sur le nombre de nouveaux plans de vigne à mettre en terre semblent nous montrer que l’on va dans le bon sens.
Je n’oublie pas que ces pratiques destinées à régénérer des vieilles souches malades ne sont que des palliatifs et que les vraies solutions sont en amont. On travaille à ces solutions mais on ne néglige pas les fondamentaux !
Le cahier des charges que je me suis fixé est simple : on ne supprime plus une souche qui n’est pas intégralement morte jusqu’à l’extrémité des racines !
Je profite de ces nouveaux travaux de greffage pour donner une compétence supplémentaire à nos vigneronnes. Elles ont eu une formation dans ce sens et semblent éprouver beaucoup de fierté à maitriser ces gestes très techniques.
C’est aussi une fierté certaine pour moi aussi d’en être à l’origine...
Dans quelques semaines, on fera un bilan de cette saison de regreffage. Mais je suis persuadé qu’il y a encore beaucoup de gains d’efficacité à aller chercher en optimisant tous les détails.
Lorsque la vigne a commencé à pousser, les conditions humides ont rendu le mildiou particulièrement virulent sur la région. Il s’agit de notre 12ème millésime en biodynamie. L’expérience et les échecs ont sûrement joué un rôle fondamental dans la réussite que nous avons eue. Notre vignoble est resté presque totalement indemne d’attaques pourtant, nous n’avons jamais été dans la précipitation.
Les moments difficiles du passé m’ont donné une humilité éternelle qui m’empêche de penser qu’on y est arrivé définitivement. Chaque année est un nouveau défi qu’il convient de relever avec rigueur.
Pourtant, l’information selon laquelle la récolte de Pontet-Canet était compromise, a circulé et circule sûrement encore. Je reste toujours impressionné de voir comment les gens peuvent véhiculer des informations fausses avec autant d’aisance. En nous lançant dans la biodynamie, je ne comptais pas forcer l’admiration. Par contre, je ne pensais pas que notre engagement génèrerait autant d’agressivité sinon de haine.
Notre vignoble est visible de loin et les gens en question peuvent se déplacer ; d’autant plus que beaucoup ont mon numéro en mémoire dans leur téléphone !
Heureusement, la pluie a cessé en juillet qui a été chaud et très sec.
On attendait les traditionnels orages du 15 aout mais ceux-ci ne sont pas venus.
Tout au plus avons-nous eu 8 mm dans la première semaine d’aout.
Une vraie pluie est arrivée au début septembre ; mais un peu tard pour quelques jeunes plants.
Cependant, pour l’ensemble du vignoble bordelais cette chaleur fut très bienvenue.
Il n’y a pas vraiment de précipitation durable en vue.
On peut donc espérer produire de très bons vins. Mais on en reparlera.
Quand parle de l’actualité du domaine, on doit aussi mentionner les travaux de construction qui ont commencé, il y a pratiquement 2 ans et qui doivent encore durer une année supplémentaire.
Pour ceux qui ont loupé le début, il nous fallait des écuries capables de recevoir les 15-20 chevaux nécessaires pour cultiver la totalité du domaine de cette façon. Actuellement, avec 8 animaux, on ne peut assumer que la moitié des surfaces.
Mais essayant d’avoir une vision plus globale, ce chantier de construction a intégré de nombreux bâtiments différents qui doivent répondre aux besoins du domaine pour les décennies à venir.
Ils répondent aussi à la dimension « éthique » que nous comptons donner à notre action. Quelques exemples : des logements de fonction pour les vignerons, 19 chambres à deux lits pour les vendangeurs (on en loge 100), du bois local pour les charpentes,…
L’ensemble du site est connecté à 67 puits géothermiques pour être en phase avec notre philosophie biodynamique. Les logements auront eux-aussi leurs propres forages géothermiques pour ne pas avoir deux niveaux d’exigence différents.
Les murs extérieurs de tous ces bâtiments sont en pierre de taille et moellons, le tout monté à la chaux ; comme au 18ème siècle et par souci éthique vis-à-vis des constructions existantes qui sont déjà rénovées en interne par des salariés dédiés. On ne peut pas réparer dans les règles de l’art ici et monter là, du béton armé doublé de pierre pour faire joli.
L’intérêt de travailler avec cette famille propriétaire, c’est qu’ils acceptent de faire l’effort supplémentaire pour aller au bout des idées.
Détail supplémentaire, le sable de construction provient de la cour où sont construits les bâtiments. Il s’agit de grave extraite pour les fondations et qui a été lavée et tamisée. Le sable revient pour les mortiers et les enduits à la chaux. Les petits cailloux vont dans les dalles en béton. Enfin, les gros cailloux pas utilisables en l’état serviront aux assainissements des parcelles de vigne.
Ainsi, les murs contiennent l’âme de l’endroit.
On reparlera de tout cela dans le futur.
Enfin, il est difficile de ne pas dire quelques mots du projet californien de Pontet-Canet. En début d’année et après plusieurs années de recherche de ma part, missionné par la famille Tesseron, un vignoble a été acheté à Napa en Californie.
C’est le début d’une nouvelle aventure. Il y a 18.5 acres de vignes soit environ 7.5 ha dans un domaine de plus de 600 acres de bois, prairies,...
Les cépages sont bordelais avec une majorité de Cabernet Sauvignon. On reste dans ce qu’on connait !
Ce domaine n’a jamais produit de vin sous son nom car les grappes étaient vendues au kg ; ce qui est une pratique très courante dans cette région.
Il est situé sur l’appellation Mount-Veeder qui se trouve sur la petite montagne à gauche de la Napa-Valley. L’endroit n’a rien à voir avec la « Valley » car c’est en altitude pour avoir des températures moins chaudes et c’est très escarpé. Les sols sont beaucoup plus argileux et sédimentaires que dans le reste de la région. C’est pour toutes ces raisons que cet endroit a été choisi.
Dès cette première saison, nous avons souhaité cultiver en biodynamie avec une inscription à Demeter-USA. On ne peut pas avoir deux approches opposées qui cohabitent dans la même tête !
L’irrigation a quant à elle été supprimée ; en une seule fois. Durant la prospection, j’avais pris beaucoup de soins à évaluer les vignobles en vente qui pouvaient être sevrés de l’irrigation avec une bonne chance de succès.
Dans notre cas, j’étais confiant mais on n’est jamais totalement sûr. Heureusement, tout s’est bien passé. Je ne dis pas que tout fut parfait à 100%, mais c’est au-delà de mes espérances.
Maintenant, il nous restera à améliorer les choses par une biodynamie dédiée et plus précise, bâtie sur notre nouvelle expérience.
Ce millésime sera donc le premier où le vin sera commercialisé sous sa propre marque. Pour l'instant, on n'a encore rien prouvé donc humilité...
Pour la famille Tesseron, c’est un vrai projet de long terme.
En ce qui me concerne, j’ai y fait quelques voyages dans l’année. Je considère cette aventure comme une vraie opportunité car c’est très excitant de pouvoir lancer un nouveau projet sur un autre continent et de mettre en œuvre nos idées dans un contexte totalement différent.
Cerise sur le gâteau, c’est mon fils Thomas qui réside là-bas. Me voilà donc transmettant mon expérience à mon fils !
Je pense que c’est tout pour le moment. J’ai laissé de côté tout notre travail biodynamique pour ne pas heurter les susceptibilités… Je le précise pour ne pas laisser penser qu’il n’y a pas de différence au quotidien entre bio et biodynamie.