Visite au domaine Matthieu Delaporte
Ayant appris que l’ami Didier venait lui rendre visite ce samedi, je me suis bien entendu joint à lui, d’autant que j’avais prévu d’y aller en ce début d’année.
Nous avons d’ailleurs appris que Gérard y était passé seulement quelques jours auparavant : on aurait pu faire un tir groupé !
Nous avons eu aussi une pensée émue pour André Vatan dont l’enterrement avait lieu en même temps.
Matthieu nous a fait faire une dégustation complète avec pas moins de quatre lieux de dégustation différents. Cela a pris deux heures, les dégustations étant ponctuées de nombreuses explications et discussions, mais on ne les a pas vues passer.
Nous allons déguster dans la salle de dégustation les vins en bouteilles.
Nous apprenons à cette occasion que chaque bouteille possède une petite gravure près du culot qui indique notamment le mois de mise en bouteille (L9 signifie une mise en bouteille en septembre).
Il n’y a plus de Chavignol blanc ni rosé en vente, les 2020 étant épuisés et les 2021 ne devant être mis en bouteilles qu’à partir de février.
Mais d’abord quelques informations sur le millésime 2021 : il n’y aura ni Chavignol rouge ni Cul de Beaujeu (le peu de pinot noir récolté hors terroir Silex passera dans le rosé).
Au total sur le domaine la perte d’exploitation est de 50 %... Bien entendu la première cause est le gel de début avril mais en raison des conditions climatiques difficiles tout au long du cycle, les grappes étaient très hétérogènes et il a fallu faire des tris drastiques.
Nous commençons par les rouges sur ma suggestion, et Matthieu précise que pour ces trois cuvées le soufre n’excède pas 50 mg/l en total et 18 mg/l en libre.
Chavignol rouge 2020 (mise en bouteille en décembre)
Le nez est friand et bien fruité.
La bouche est soyeuse et charnue mais ce que nous goutterons sur cuve et qui sera utilisé pour la dernière mise nous a semblé posséder un peu plus d’éclat.
Bien ++ en tenant compte du fait que la mise très récente a un peu perturbé le vin.
Silex rouge 2020
Le nez est une véritable bombe de fruit.
La très belle bouche possède du coffre, une aromatique teintée d’épices, une trame serrée et de petits tanins qui lancent une finale persistante.
Très Bien (+)
Le Cul de Beaujeu 2019
Le nez très intense joue plus sur la finesse.
La bouche marie puissance et élégance, plus sur le fruit, la cerise bien sûr, et moins sur les épices, avec encore une très belle allonge.
Très Bien +(+)
Chavignol blanc 2020 (en demi-bouteille)
Le nez très intense associe des notes de fruits blancs bien mûrs à une touche de buis.
La bouche affiche une belle longueur
Bien ++
Silex blanc 2020
D’une belle intensité, le nez ajoute des accents minéraux à la palette aromatique.
La très belle tension est au rendez-vous en bouche, sans se départir d’une matière fruitée très pure. La finale s’allonge en révélant une fine salinité.
Très Bien (+)
Les Monts Damnés 2019
Le nez me paraît moins expressif mais fin.
En revanche la bouche est large, ample, puissante, magnifique, d’autant que vivacité et salinité sont aussi bien présentes.
Très Bien +(+)
Les Monts Damnés 2020 (mise en bouteille en décembre)
Le nez est cette fois-ci très ouvert, sur des fruits exotiques, une touche mentholée et une autre anisée.
La bouche est marquée par la dualité puissance – finesse des grands vins mais sa densité paraît en même temps un peu comprimée. Un très bel avenir s’ouvre pour cette cuvée lorsqu’elle se libérera.
Très Bien (+)
Nous évoquons alors la future (retardée à cause du Covid...) dégustation d’Amphores, mon club berruyer, ayant pour thème la comparaison des Monts Damnés de François Cotat, Gérard Boulay et de notre hôte, sur les millésimes 2014, 2015 et 2016.
Matthieu est très avide d’en connaître l’issue, annonçant un millésime 2014 bien droit, un millésime 2015 bien rond et ample sans mollesse et un millésime 2016 très équilibré et qui commence à truffer…
Et nous passons dans la cave de l’arrière-grand-père, qui ne servait plus depuis très longtemps car le sol étant situé très en dessous du niveau de la route, elle était régulièrement inondée. Après l’avoir entièrement nettoyée, Matthieu et son père ont eu la grande surprise de découvrir, sous 30 cm de terre et de matières décomposées, un magnifique dallage ! Un système hydraulique permettant d’évacuer l’eau en cas d’inondation, un moyen pour surélever les fûts et voilà une magnifique cave destinée aux fûts neufs pour une toute petite partie du Chavignol blanc.
Il n’y en aura que 10 % dans le 2021, afin de donner un peu de patine au vin, mais certainement pas de goût boisé. Puis Matthieu jugera le résultat et fera évoluer cette proportion, mais aussi en jouant sur l’âge des fûts.
La nouveauté de cette année : une magnifique petite cave voutée
Chavignol blanc 2021 sur fût
Les fûts de quatre origines différentes sont utilisés. C’est d’un fût La Grange des meilleurs chênes de la forêt de Tronçais qu’est tiré ce que nous goûtons.
Le nez rayonne en proposant une aromatique chatoyante au boisé léger.
La bouche présente encore un peu de gaz, l’équilibre est remarquable avec beaucoup de fraîcheur mais pas de vivacité saillante, un boisé au service du vin.
On passe maintenant dans la grande salle voutée en béton autrefois utilisée par son oncle.
Silex blanc 2021 en foudre
Le vin n’a pas encore été soutiré et n’est pas soufré.
Le côté fumé et la grande tension sont exacerbés par les caractéristiques du millésime frais. D’ailleurs il titre 12,8 °. Mais ce serait réducteur de croire qu’il n’y a que cela dans le vin, car il dégage une belle impression de concentration.
Les Monts Damnés 2021 en foudre
Nez et bouches sont extravertis, avec des arômes exotiques et une bouche associant puissance et précision.
Chavignol rosé 2021
Sur ce millésime, le rosé bénéficiera de raisins provenant en petite partie du Cul de Beaujeu !
Ce que nous goûtons est élevé dans un contenant en grès en forme d’œuf (rendu disponible par l’assemblage réalisé de la cuvée La Côte d’Amigny 2020) et sera intégré à l’essentiel du vin élevé en cuves.
Ce rosé étonne par sa vinosité, surtout pour 2021, mais les petits fruits rouges sont bien présents également.
Silex rouge 2021 en foudre
La malo ne sera faite qu’au printemps, ce qui explique la grande droiture que l’on ressent. Une belle matière mûre a aussi été obtenue grâce au tri effectué.
En nous dirigeant vers la grande cave de vinification et d’élevage en cuves, Matthieu nous explique qu’il s’est fixé un nouveau challenge : élever ses vins plus longtemps, y compris ses cuvées Chavignol qu’il souhaite mettre autant en valeur que ses parcellaires car il a la chance de disposer de terroirs de caillottes parmi les tout meilleurs.
Il a d’ailleurs commencé en apportant le même soin à la vigne depuis longtemps et en diversifiant l’élevage depuis le millésime 2021 pour apporter plus de rondeur. Pour les élevages longs, cela pourrait lui prendre dix ans en raison des investissements nécessaires pour stocker en même temps deux millésimes consécutifs.
Le Cul de Beaujeu 2020 sur cuve (après début d’élevage en fûts de plusieurs vins)
Il conjugue avec brio élégance et densité.
Difficile de le comparer au 2019 bu en début de dégustation, mais on a affaire indéniablement à l’équivalent des tous meilleurs villages de Bourgogne et sans doute à pas mal de premiers crus.
Chavignol rouge 2020 sur cuve
L’exercice de passer après Le Cul de Beaujeu est périlleux mais ce Chavignol s’en sort bien avec son côté croquant et son éclat.
Chavignol blanc 2021 sur cuve
C’est donc ce qui constituera 90 % du futur Chavignol blanc 2021, avec les 10 % élevés en fûts neufs.
Ce jus sauvignonne mais sans excès, avec des beaux arômes fruités, notamment d’agrumes, et une belle vivacité.
On retrouve un Sancerre de grand classicisme après trois millésimes extravagants, mais un classique dans le haut du panier.
Et pour finir en apothéose :
La Côte d’Amigny 2020
Ce sera donc bien le nom de cette cuvée, comme annoncé en avril dernier, qui est donc le nom cadastral de cette parcelle, nommée La Grande Côte chez Cotat et Boulay.
L’assemblage final, de quoi faire un millier de bouteilles environ, comprend 50 % de vin élevé en fûts neufs, 25 % en wine globe et 25 % en grès.
Le nez allie des fruits blancs à des fruits secs de style noisette que l’on verrait plus dans un chardonnay.
Mais c’est la bouche qui est extraordinaire par sa puissance, son aromatique luxuriante, exotique et épicée, un boisé classieux et intégré dans la riche matière, tout en possédant une bonne fraîcheur. La persistance est XXL et permet de profiter longtemps de ce nectar.
Quelle baffe prise avec cet OVNI !
La puissance d’un grand Meursault, l’élégance d’un grand Puligny et en même temps une aromatique évoquant ni le chardonnay ni le sauvignon…
Le vin devrait ressembler beaucoup à ce qui sera mis en bouteilles dans quelques mois et je peux donc prédire une note
Excellent au minimum.
Un immense merci à Matthieu qui a pris le temps de tout nous faire déguster ou au moins goûter, et qui a cherché à expliquer ses choix. Il les assume d’ailleurs tous, y compris ceux moins heureux, comme de peu soufrer les 2018, en faisant confiance à la nature. Il confirme donc ce que certains LPViens avisés ont annoncé récemment : les blancs 2018 ne vieilliront pas autant que les millésimes précédents (conditions plus classiques) ou les suivants, pour lesquels il a tiré la leçon.
Et pour tous les 2020 et 2021 dégustés, tout est bon et bien dans le respect du millésime !
Jean-Loup