Dégustation de quelques millésimes de ce château en présence de Eric de la Kethulle de Ryhove (ci-après « EKR »), directeur de zone export du Château.
Les verres de tous les millésimes ont été servis deux heures avant le commencement de la dégustation, tout de suite après l’ouverture des bouteilles. La dégustation des rouges ayant duré environ 1h15, du millésime le plus jeune (2007) au plus vieux (1988), ce dernier a donc bénéficié d’un temps d’aération d’autant plus important.
Cette dégustation aurait pu fort bien ne jamais avoir lieu puisque EKR nous a appris que le vignoble de Pape Clément avait vocation à être remplacé à la veille de la première guerre mondiale par des habitations et que seule la guerre avait mis fin à ce projet. C’eut été vraiment dommage pour un vignoble qui est, toujours d’après EKR, la plus ancienne exploitation viticole en vie.
Il est par ailleurs impossible de procéder à une quelconque extension de ce vignoble au vu de l’urbanisation : environ 80 voisins, cette proximité ayant pour conséquence de limiter fortement les traitements sur les vignes. D’ailleurs, EKR a indiqué que sur certaines parcelles ne sont utilisés que les chevaux afin d’éviter les vibrations des roues qui abiment les racines.
Château Pape Clément 2007 rouge
D’après EKR, un millésime marqué par une année fraiche qui a conduit à l’élimination de pas mal de cabernet sauvignon puisqu’il a été considéré comme n’étant pas assez mûr. En temps normal, les vignes rouges se répartissent en 60% de cabernet sauvignon et 40% de merlot. Or, le millésime 2007 a abouti à 46% de cabernet sauvignon et 50% de merlot, le solde étant constitué de cabernet franc.
« Une année de vigneron » du fait du nombre de traitements de la vigne.
Du coté de son homologue blanc, EKR a considéré cette année comme étant
« exceptionnelle ».
Mes impressions :
Une robe rubis ayant une intensité assez forte.
Le premier nez montre lui aussi une intensité assez forte et est puissant. Il mêle des fruits noirs, des épices (cannelle et réglisse), des arômes de tilleul et d’herbe coupée auxquels se joint un boisé relativement léger. Le deuxième nez apporte encore plus cette sensation de verdeur due aux herbes coupées.
En bouche, une attaque franche qui continue sur une évolution tannique qui confine même à une astringence certaine. Un vin à la trame serrée et qui doit continuer à s’affiner.
Pas mal, pour parler trivialement.
Château Pape Clément 2006 rouge
Pour EKR, ce millésime a une nettement plus grande capacité de vieillissement que le 2007.
Mes impressions :
Une robe rubis très nette.
L’intensité au nez est moyenne. Le premier nez s’avère discret et suggère un coté floral et aérien. Le deuxième nez met en avant un aspect plus boisé accompagné de baies sauvages, de tabac et, en retrait, de réglisse.
En bouche, force est de constater qu’on a affaire à un vin acide avec des tannins bien affirmés : un vin viril avec une longueur phénoménale. Une très bonne concentration. Pour moi, il est clairement supérieur en bouche au 2007, mais il demande vraiment à vieillir. Sur ce point, je suis d’accord avec EKR. Dans dix ans, voire quinze, il pourrait fort bien donner une très belle bouteille.
Beau vin.
Château Pape Clément 2004 rouge
D’après EKR, Bernard Magrez a, entre autres idées fortes, la volonté de vouloir toujours vendanger à bonne maturité. Cela s’est manifesté clairement sur ce millésime, alors même pourtant que le degré d’alcool est resté 13°.
Mes impressions :
Une robe grenat.
Au nez, il s’agit du premier millésime de la soirée que je trouve empreint de finesse et non de puissance. Des arômes de mine de crayon, de résine légère et surtout de fruits rouges nets.
En bouche, une belle complexité et je confirme qu’il s’est agi d’un vin dont les raisins ont été récoltés à maturité car il a un coté onctueux, sans aller jusqu'à un coté soyeux pour autant. Une belle matière et un vin qui peut être grandement apprécié dès à présent.
Un beau vin et mon préféré de la soirée pour le fait qu’il était le plus « consommable » en l’état tout en étant pourvu de grandes qualités.
Château Pape Clément 1995 rouge
On aborde les millésimes d’avant les grands changements intervenus en 2001 : en effet, à compter du millésime 2001, Bernard Magrez a décidé de procéder à l’égrenage et à des vendanges manuelles sur les 26 parcelles qui, d’après EKR, composent Pape Clément.
EKR n’a pas précisé quels critères permettent de déterminer ce nombre (critères géologiques, cadastraux ou autres…).
Mes impressions :
La robe tend vers une teinte pourpre. Au nez, des arômes de cerise, eau-de-vie, kirsch, cuir et subsidiairement des arômes empyreumatiques (fumée et café). En bouche, un coté animal et sur les champignons. Un vin sur la finesse qui a dépassé son apogée malgré la présence d’une certaine fraicheur.
Château Pape Clément 1988 rouge
C’est la première fois que EKR déguste ce millésime et il est étonné par sa qualité malgré son âge.
Mes impressions :
Une robe tuilée et un nez pas du tout engageant qui tend vers le vinaigre. Je crains le pire. Surprise : en bouche, une belle matière, même si on sent que se dirige tout doucement vers le Portugal, et plus particulièrement du coté de la ville du champion en titre de football de cette saison, à savoir le FC Porto.
Pourtant, cette bouche a beaucoup à dire : une finesse certaine qui confine même à l’élégance et une bonne fraicheur.
Château Pape Clément 2006 blanc
Le seul millésime blanc de la soirée et qui permet de la clôturer.
Pour EKR, un vin élevé
« à la bourguignonne », avec barriques neuves et batônnage. Le château Pape Clément blanc se compose généralement de 45% de sauvignon blanc, 45% de sémillon et 10% de muscadelle.
« Le seul vin qui mérite de la garde ». Je n’ai pas trop bien compris ce que EKR voulait dire par là, peut-être ai-je mal entendu, désolé.
Mes impressions :
La robe est jaune pâle. Un nez montrant une forte intensité mêlant de façon harmonieuse des cotés floraux et fruités : citron, noix de muscade, melon, mirabelle et… raisin. On peut y ajouter un coté poivré (mais blanc, le poivre!)
Une attaque assez ronde pour un vin solide doté d’une longueur exceptionnelle.
En résumé, une belle dégustation pour un vin dont je n’apprécie pas toujours le coté « bodybuildé ». Peut-être le fait de déguster de façon isolée ces vins, sans concurrents, a-t-il permis d’atténuer cet aspect. Quoiqu’il en soit, j’ai grandement apprécié cette dégustation.
Luc