Sous ce titre abscons se cache une réunion du désormais fameux QSCB. Comme l'année dernière, nous avons fait un petit concours. Divisés en trois équipes de 5 personnes, nous devions identifier 10 vins. Indiquer le pays, l'appellation, le cépage dominant, le producteur, le millésime ... et le prix de vente (choix entre plusieurs "fourchettes" de prix). Chaque élément apporte un ou plusieurs points. C'est pour cela que même si nous nous trompions d'appellation, nous pouvions nous rattraper sur d'autres éléments.

La réunion se passait au Domaine de la Solitude pour lequel deux des membres du Club travaillent (ceux qui sont également à Chevalier qui gère le vignoble appartenant à une congrégation de religieuses).

Après avoir dégusté le 2007 du domaine, nous passons aux choses sérieuses (veuillez excuser les commentaires des vins, ils ont été faits, de mémoire, ayant égaré mes notes).

Premier vin : nez sur la pâte d’amande, le miel, la cire. Bouche ample, moelleuse, mais soutenue par une grande acidité. Finale vive, très nette.

Au départ, je suis parti sur un Riesling, mes collègues sur un Chenin. On note tout d’abord Riesling, et puis comme le troisième vin fait encore plus Riesling que celui-ci, on finit par mettre Chenin. Mais d’Afrique du Sud le Chenin ! En fait, ca s’avérera être une Marestel 2005 de Dupasquier. Nous étions déjà fait avoir lors de notre préparation au concours RVF

Deuxième vin : le nez explose sur des arômes de bourgeons de cassis avec une puissance et une intensité rarement rencontrées. S’y ajoutent quelques arômes beurrés/vanillés qui indiquent que le vin est élevé en barrique. La bouche est également d’une puissance rare, fraîche, très ronde, très très aromatique, ce qui doit rendre difficile tout accord avec un plat. La finale est intense, avec des notes amères certainement dues à la barrique.

Pour moi, c’est évident que ce n’est pas français. C’est forcément THE sauvignon néo zélandais. Cloudy Bay. Mais élevé en bois. Donc Te Koko (que je n’ai jamais bu). On dévoile la bouteille… Et c’est …. Te Koko de Cloudy Bay 2005! Youpi !...

Troisième vin : le nez est dominé par l’élevage, avec des notes de fruits bien mûrs en arrière plan. La bouche est longiligne, tranchante, amenant peu de plaisir. La finale est acide. Je n'accroche vraiment pas..

Je pars sur Chablis. Mes collègues sur Saint Joseph (à cause du nez de fruits mûrs). Bon, allez Saint Joseph. Mais je n’y crois guère. Ni l’un ni l’autre : c’est un Saumur blanc Brézé 2003 du Clos Rougeard. Ben dis donc, quand on voit la réputation et le prix de ce vin, ça laisse perplexe…

Quatrième vin : nez très pétrolé, avec quelques notes de pin, d’agrumes. Là c’est un Riesling. Aucun doute. La bouche est douce, confortable, avec une acidité plutôt en filigrane. C’est élégant, bien équilibré. Pas d’une puissance redoutable, mais vraiment bon.

Je suggère un Wiebelsberg de Kreydenweiss pour sa douceur très granitique. C’est en fait un "Clos Saint Urbain" GC Rangen de Thann 2005 de Zind Humbrecht.

Cinquième et dernier vin : la robe est la plus dorée de la soirée, presque cuivrée. Le nez est très beau sur des notes de pommes rôties, d’encaustique, d’épices de fruits secs. La bouche est tendue, sèche, d’une grande puissance aromatique. La finale est puissante, longue, très parfumée.

Ca me fait penser à un Rioja blanc que j’avais bu il y a quelques années. Mes collègues me suivent. Ils ont tort. C’est un Arbois Savagnin 2002 du Domaine de la Pinte.

Nous passons ensuite aux rouges

Premier vin : la robe est fluide. Le nez est le poivron pas très mûr, les fruits rouges pas trop mûrs non plus. La bouche est aussi fluide que le nez, assez marquée par l'acidité. La finale est un peu dure.

Pour nous, c'est soit un cabernet franc de Loire soit un médoc d'une mauvaise année. C'est en fait un Merlot d'une bonne année, ce qui pose vraiment question... Ce vin nous avait déjà piégé au concours RVF : c'est le Côtes de Bourg Haut Maco 2005.

Deuxième vin : le deuxième a un nez de fruits compotés, d'épices, et fait assez évolué. En bouche, c'est rond, doux, plutôt fruité, avec une finale un poil chaleureuse. Bien, mais pas vraiment emballant.

Pas de doute, c'est un Grenache. Vincent part sur du pinot noir. Je remporte le suffrage. On part sur Châteauneuf. Résultat. C'était un Pinot noir! Un Chambolle Musigny 1er cru du Comte Georges de Vogüé 2000. Pour avoir bu un vieux Musigny de ce même producteur, je sais qu'il faut du temps pour les apprécier. Mais je ne suis pas certain que celui-ci qui me paraît un peu vieux prématurément tienne la route une vingtaine d'années.

Troisième vin : nez d'une grande noblesse sur les fruits noirs, le cèdre, les épices, la boite à cigare. Vous vous dites, c'est un Médoc. Nouz'ossi. La bouche est d'une belle ampleur, à la fois puissante et austère, mais très classieuse aussi. La finale est ferme et d'une bonne longueur.

On en est à se demander, si c'est un Pauillac ou un Saint Julien. On finit par tomber d'accord sur Barton. Tout faux. C'est un "super Toscan" Tignanello 2000 du Comte Antinori (à base de Sangiovese principalement).

Quatrième vin : nez sur la tapenade, le poivre, la fumée. Bouche ronde, élégante, d'une grande fraîcheur, et un joli fruité. Finale un peu ferme mais intense et parfumée.

On est a peu près tous d'accord sur le fait que ce soit une syrah. Après Côte Rôtie ou Cornas... Finalement, l'élégance nous fait partir sur Côte Rôtie. Ben non. C'est la mythique Grange des Pères 2003 (40% syrah, 40% mourvèdre, 20% cabernet Sauvignon).

Cinquième vin : nez très complexe et profond sur les fruits bien mûrs, le cuir, les épices, les herbes sauvages... La bouche est à l'avenant : charnue, puissante, avec un fruité noble et frais, légèrement épicée. Finale longue et riche légerement amère. C'est très bon et d'un équilibre superbe.

Je me tate entre carignan et mourvèdre, plutôt espagnol. Nous concluons sur un Priorat (Mogador). C'est bien en Espagne, mais c'est un Ribera del Douro : Alion 2004 (majoritairement tempranillo).

Au final, mon équipe a gagné (merci Te Koko), et pourtant vous aurez remarqué que nous n'avons pas été des plus brillants. En tout cas, comme toujours avec ce club pour lequel je fais 200kms dans une soirée, c'est instructif et distrayant, dans une ambiance des plus sympathiques

Pas brillant, pas brillant, je voudrais bien m'y voir, tiens !

J'aime vraiment beaucoup ce type de CRs inversés où l'on peut suivre le cheminement intellectuel qui mène le dégustateur à postuler une appellation, un millésime, un domaine.
Je trouve que c'est extrêmement instructif.

Oliv

[size=x-small]PS: quel millésime, le Vogüe, Eric?[/size]

Pas brillant, pas brillant, je voudrais bien m'y voir, tiens !

J'aime vraiment beaucoup ce type de CRs inversés où l'on peut suivre le cheminement intellectuel qui mène le dégustateur à postuler une appellation, un millésime, un domaine.
Je trouve que c'est extrêmement instructif.

Tout pareil !

Eric,
Quel est le millésime du vin de De Vogüé ?

Olivier

C'était un 2000 (rajouté dans le texte. Merci de la relecture ) Je l'ai trouvé un peu trop évolué pour son âge (nous étions partis sur un millésime 1995, c'est dire).

Eric,

Je suis curieux de connaître le millésime de Musigny de Vogüé auquel tu fais allusion.

En ce qui concerne Marestel Dupasquier 2005, que je connais bien, Chenin... compréhensible, Riesling... beaucoup moins !

Cela dit, l'exercice est périlleux... le récit louable !

1985, si je me souviens bien. L'un de mes plus beaux souvenirs de dégustateurs : une pureté et une finesse rares.

C'est très sympa ce genre de dégustation, avec nécessairement une bonne humeur garantie. Je suggère le thème pour un prochain LPV Paris

Eric,

J'ai dégusté sur fût 1985...

C'était l'équipe précédente. Alain Roumier à la baguette si je me souviens bien...

Ma note : Glou glou ! pour ce merveilleux CR.
Merci pour votre pédagogie participative Monsieur Eric.
Alex

Bonjour à tous,

J’avais prévu cette petite sélection en pensant que les résultats seraient meilleurs, du moins sur la série des blancs. La série rouge était difficile à cadrer, disons qu’une sélection de vins internationale apporte beaucoup de possibilités au dégustateur ; peut-être la prochaine fois devrais-je préciser quels sont les vins qui ne sont pas français... ( ?)

Je suis assez d’accord avec les commentaires d’Eric, à l’exception du Bourgogne. Ce Chambolle Musigny est ma plus belle émotion de la soirée au sein des vins rouges. Un grand vin selon moi ! Certes en dessous du 85 évoqué plus haut, mais d’un registre temporel si différent que la comparaison ne peut pas réellement avoir lieu à mon humble avis.

En vins blanc, j’ai trouvé le Rangen immense, très typé riesling avec des senteurs de citron frais, de citron confit, de roche etc, avec une puissance notable et un équilibre manifeste. Une bombe de vin blanc sec.

Enfin, ma grande déception est le « Te koko ». Un vin semblant surmûri à la finale évoquant la pourriture, caractère évoqué par plusieurs dégustateurs... Beurk !

Bien cordialement,

Etrange, j'avais mieux goute Te Koko 2005 au domaine en novembre dernier ( ici )

Comme c'est plutot le Haut de Gamme de Cloudy Bay, je doute qu'ils y mettent des raisins pourris.

A regouter, si vous avez le courage ?!

Benji

Eric
je me régale à chaque lecture ,dans la série tout faux ,ou presque:D
9a me fait penser à moi, et dire que mes amis disent que je suis un connaisseur:)-D
Excélent
didier

bibibi0 écrivait:

---

"et dire que mes amis disent que je suis un connaisseur:)-D"

Merci Bibi comment mieux résumer l'apparente contradiction dans la quelle beaucoup d'entre nous nous trouvons.
Convaincu de l'ignarité dans la quel nous (je) sommes (suis) et passant pour des érudits aux yeux de ceux avec qui nous tentons de partager nos plaisir viniques.
Au fond, cette synthèse ne résume t-elle nos rapport avec le vin et l'autre?
Tellement insondable est l'océan des connaissances qu'il nous faudrait posséder pour que nous puissions estimer y comprendre quelque chose que notre quête est inexorablement incrémentielle.

Il y a bien sûr l'aspect connaissance et expérience qui est effectivement incrémentiel, car plus nous avançons, plus nous rendons compte que nous ne savons rien - le philosophe Gabin avait raison - mais il y a aussi l'aspect variabilité du vin et du dégustateur. Pour avoir vécu à quelques reprises le fait d'avoir deux fois le même vin - de deux bouteilles différentes provenant de deux caves différentes - je n'ai jamais fait le rapprochement entre les deux ni mis les mêmes notes (il pouvait y avoir jusqu'à 2 points d'écarts). Et ce n'était pas psychologique ou je ne sais quoi : une fois les bouteilles découvertes, je dégustais les deux : rien à voir!

Je vis également ce phénomène au travail : je déguste en général avec les clients qui viennent à Tirecul. Je ne "goûte" jamais les vins pareillement. A chaque fois, je suis surpris en les buvant, car ils ont une aromatique et un équilibre différents.

Benji, je me souviens du sympathique partage littéraire de votre dernier voyage en N-Z.
Etrange comme tu le soulèves que ce vin soit à mes yeux moins bon que la cuvée en dessous... Je fus d’ailleurs déçu Mercredi dernier de goûter ce vin que j’espérais très bon. Est-ce le boisé qui m’a dérangé en finale ? Je ne saurais l’analyser à posteriori, mais la finale présentait un petit quelque chose de douteux...

A très vite
JU