CR:Quand le Pape du braucol, l'empereur du l'en de l'el, le Prince du mauzac invite, il est dur de dire non.
Benoît, infatigable dénicheur de perles, qui n'a d'autre défaut que de ne pas écrire sur LPV, nous a donc donné rendez-vous jeudi soir pour une petite soirée entre amis. A table, les pilars de LPV Haute-Normandie rejoints par un artisan-caviste - plutôt bavard - installé en Eure et Loir.
Soirée mystère : pas de thème, pas besoin d'apporter une boutanche, tout est pris en charge par le maître des lieux. Le plus dur : tirer sur la chaise, s'asseoir dessus et se replacer pour ne plus bouger pendant... quatre heures.
Ayant récemment dressé le portrait de Pierre, je vais donc m'attaquer à celui de Benoît aujourd'hui.
Benoît, c'est déjà un nom que je ne dévoilerai pas pour ne pas trahir son intimité mais qui, à lui tout seul, est toute une poésie. Il y a des patronymes qui invitent autant au voyage qu'un climat bourguignon. Le sien en fait partie.
Le cul entre deux âges, Benoît est réservé mais loin d'être timide. Discrètement en retrait, mais toujours acteur. Une retenue non feinte qui rend le bonhomme aussi mystérieux qu'attachant. En fait, Benoît, c'est l'authenticité sans la fioriture, à l'instar des vins qu'il nous servira ce soir. Franc, avec son caractère, à multiples facettes brillantes mais pas clinquantes. Bref, pour le peu que j'en connais, un gars bien dont on a envie d'être l'ami.
Nous voici donc, Laurent, Gildas, Pierre et moi partis pour un beau voyage à l'aveugle.
Les blancs :
Le premier vin accompagne une tête de moine.
La couleur s'annonce jeune, brillante, jaune paille très pâle. Le premier nez est avenant, discret, avec un très léger côté fumé. A l'aération, de fines notes florales, portées par un une discrète odeur beurrée apparaissent.
La bouche est riche, onctueuse, grasse. La finale, légèrement amère, s'achève sur l'amande. L'amertume est souvent pour moi un élément rédhibitoire, mais pas cette fois-ci.
Il s'agît du
Chemin de Martin, Limoux sec 2005 titrant 13 ° et vinifié par la
cave coopérative Anne de Joyeuse. La fermentation et l'élevage se font en barrique, mais le boisé n'est absolument pas caricatural. A 5,30 €, l'acheteur en a pour un peu plus que son argent.
Arrive le
Corbière Cuvée Prestige 2006 du château Ollieux Romanis qui accompagne une petite tourte aux fruits de mers à l'armoricaine :
Impression de jeunesse partagée sur cette bouteille présentant une couleur quasiment identique à celle du 1er vin.
Le nez développe quelques arômes de fleurs blanches portés par la vanille. Un très léger boisé enveloppe le tout. Mais plus que ces senteurs, c'est une note épicée, très précise mais indéfinissable (oui ! Ça existe !) qui apporte son intérêt au vin. A la rédaction, je me demande s'il ne s'agirait pas du lys...
La bouche est grasse, mais non dénuée de vivacité. La finale est un peu plus amère que celle du limoux. J'accroche moins.
Un 50 % marsanne, 50 % roussanne, élevé dans un style moderne, plutôt international, titrant 14°. Ce n'est pas mal, mais vu le prix, le rapport qualité/prix/plaisir me paraît défavorable.
Notre hôte nous sert ensuite une tartelette crémeuse à l'andouille et au livarot. Petite gastronomie de bistrot, facile à réaliser et ô combien savoureuse. De ces plats sans fard ni chichi que l'on prend plaisir à déguster en lisant une carte Michelin...
J'en vois déjà qui clignent des yeux, froncent les sourcils et s'interrogent.
Benoît, c'est encore la vieille école. Normal, il est instituteur. A l'heure du GPS, il doit être le dernier à partir en vacances muni de la carte Michelin localisant tous les vignobles de France. Ceci dit, c'est pratique : un doute et... hop ! Direction Rasteau via Savennières avec pose obligatoire à Château-Châlon.
L'immense Marcel Gotlib devrait le rencontrer car il arrive - tenez-vous bien - à replier cette fameuse carte du 1er coup ! Comme le disait le célèbre dessinateur : UN MUTANT !:
En attendant l'avant-dernier blanc est loin de l'être.
Le Vouvray sec du
Domaine du Clos Naudin s'annonce par une couleur jaune soutenu.
Le nez, très mûr, offre une belle palette daromatique dominée par le coing, le miel. Très mature, il est trompeur ! D'aucuns auraient probablement identifiés un demi-sec.
La bouche, acide m'a semblée un chouïa oxydée, mais sans défaut et d'une belle persistance. 13° de plaisir.
Le dernier blanc développe un nez peu expressif, a l'ananas dominant, livrant à l'aération quelques notes beurrées.
La bouche est peu expressive, plutôt fluide et acide, sans être très longue. Le Montlouis 2002, cuvée Rémus, du Domaine de la taille au loups ne m'a pas vraiment convaincu. 13,5°.
Les rouges arrivent, précédant l'entrée des rillettes et pâtés maison. Boudiou ! L'gars Benoît est aussi un pro de la conserve !
Un filet grenat brillant se déverse dans mon verre. Le nez exhale la rose fannée, la pivoine, le cuir, réussissant la dure équation d'être à la fois floral et animal.
Bien qu'en rapport avec le nez, épicée, la bouche est plutôt fluide.
“Un peu dissocié” estime Laurent. Je le rejoins et n'accroche pas. La suite me dira pourquoi. Il s'agît d'un
Bourgueuil Domaine de la butte de Jacky Blot, cuvée “mi-pente” 2003.
Malgré les efforts de Benoît, en dépit du talent et du travail du vigneron, rien à faire : je suis toujours allergique au cabernet.
Je n'arrive pas à trouver la clef qui me permettra de comprendre ce cépage que je trouve trop vert, rustique, trop souvent pas mûr, pas fin.
Message solennel : aidez-moi à aimer le cabernet franc !
Descendre ensuite par la nationale, puis prendre la départementale. Tourner à droite à Coudarmagnac, passer le Verdouble et remonter vers Remémoissat pour arriver en pays du
Duché d'Uzès où nous prenons d'assaut le
Domaine du Camp Galhan et sa cuvée Ripa Alta 2002 100% syrah.
Le vin s'annonce par une jolie robe rubis profond, dense. Au nez, l'herbe fraîchement coupée, quelques notes viandées, balsamiques et épicées font leur apparition. C'est très sympa. Les copains, plutôt alignés sur les fruits noirs que je n'ai pas trouvés, s'interrogent sur l'herbe coupée. Non ! Les gars! Je n'ai rien fumé...
Bien que titrant 13,5°, la bouche est fraîche et fruitée. Un joli vin, sympathique qui a lancé la discussion sur les mérites respectifs du basset artésien et du Bleu de Gascogne. Un Bleu, plus très jeune, qui n'a rien a voir avec un bleu de Bresse ou de Geix.
Le Bleu de Gascogne se caractérise par son regard mélancolique, ses oreilles tombantes et des pattes aussi grandes qu'un verre INAO. La plupart d'entre-nous pourrait voir dans cette description un animal bancal, tout juste bon à mettre devant la porte d'entrée pour éviter les entrées d'air. Il n'en est rien. Aussi bizarre que cela puisse paraître, le Bleu de Gascogne est au chevreuil ou au sanglier ce que l'élastoplast est au rugbyman : une plaie.
Pas un sprinter, mais un dur à la tâche, increvable, de ce type canin qui donnerait des complexes au meilleur des marathoniens. Et si Robert à un chien qui pète, Benoît a un chien qui ronfle. Avez-vous déjà entendu le doux son du bleu ronflant au coin du feu ? Non ? Aaahhh il faut voir ça mes amis ! C'est un spectacle dont on ne se lasse pas!
En attendant, nous passons du bleu au pourpre.
Le premier nez combine les fruits rouges aux notes plus animales. Une touche minérale, graphitée relève le tout.
La bouche est structurée, confirmant les fruits rouges, mais livrant une finale sur l'amande amère, le noyau.Malgré ses 13,5°, aucune sensation de chaleur.
La finale, assez longue, signe un bien joli vin. Belle fin de verre toastée.C'est un
cahors 2001 du château Eugénie, cuvée réservée de l'aïeul. A 10 €, le rapport qualité/prix/plaisir est indéniable.
Nous restons ensuite dans le sud-ouest avec un vin livrant une robe presque noire à reflets rouge profond.
Le nez est plutôt discret, délicat, fin, plus floral que fruité. Le détecteur à molécules de Gildas se met en marche et livre sa sentence : Lilas et fruits cuits. Rien à dire de plus.
L'attaque est plutôt fluide, la bouche est ronde, mais la finale est vraiment tannique. La longueur est moyenne. Le
Madiran 1999 cuvée Charles de Batz du Domaine Berthoumieu est honnête, franc, mais semble un peu en retrait. 13,5°
Fin des rouges et passage à
l'or.
Laurent amène une antiquité. Je ne parle pas du vin, mais de la chaussette qui cache la bouteille qu'il nous propose. Une magnifique chaussette en laine noire, modèle réglementaire de l'armée française, qui nous tenait trop chaud en été et qui favorisait les engelures en hiver.
“Jamais lavée depuis 82 !” lance-t-il fièrement ! Une telle performance force le respect des anciens...
Le jus de chaussette de Laurent envahit donc les verres tout doucement. La couleur est jaune-orangée, presque rousse.
Au nez, je ressens la poire, la rose fanée, une légère touche fumée, l'infusion. Mais l'infusion de quoi ? Mystère. Je butte...
Quelle est donc cette fragrance incroyable ? Tout excité, l'organe de Gildas se remet en fonction et rend son jugement : C'est du thé. In-cro-ya-ble ! En plein dans le mille !
La bouche est riche, onctueuse, en totale osmose avec l'olfaction et propose une très belle liqueur. Bizarre. Cela ne ressemble à rien de connu.
C'est la première fois que je goûte la cuvée
Roussillière 2004, en fait un moût de raisins partiellement fermenté provenant du Domaine Cuilleron. C'est très sympa.
Nous nous sommes interrogés sur l'amertume de ce vin. Quelques convives l'ont perçue alors que les autres n'ont rien ressenti de probant.
Pierre sert ensuite un très beau vin à la couleur jaune citron limpide. Il s'agit un vin Autrichien, un
Prädikatswein du Burgerland, Ruster Ausbruch 2002 du domaine Feiler Artinger (enfin, je crois !
).
Le nez est d'une richesse folle. Il “sent” le sucre. C'est rôti, c'est confit, sur l'ananas et la pêche.
En bouche, ce qui frappe, c'est le gros, gros, gros sucre. Mais la bouche garde une certaine fraîcheur car l'acidité vient contrebalancer le sucre. Néanmoins, j'ai trouvé qu'il écrasait un peu trop la liqueur. C'est assurément un beau vin, mais j'avoue avoir été dérouté par son opulence. 11,5°
Pour finir Benoît propose un
Rivesaltes ambré 1998 “Le Serrat” du Domaine Sardat Malet. Ce vin, qui titre 16° est élaboré à partir de grenache blanc et gris.
Jolie couleur vieil or.
Nez légèrement oxydatif sur l'amande, la noisette.
La bouche est un peu plus parlante : pomme verte, amande, fruits secs, mais un peu monolithique bien que présentant un fin rancio. Finale légèrement amère.
Voici donc mes impressions sur cette sympathique soirée durant laquelle nous nous avons eu des discussions animées, émis avis des tranchés ou consensuels. Prochain rendez-vous mi-avril. En attendant :
RRRRRRrrrrrrrrRRRRRRRrrrrrrr..........
Vougeot