Déguste avec les loups
En cette soirée brumeuse et lugubre, j’avais rendez-vous avec les loups hurlants dans un cimetière de Bangalore …. Ou tel était ce que je croyais vu que la nuit était claire et que l’endroit de rencontre était un hôtel luxueux de la Silicon City ou un associe de cette « boutique winery » jeune de 3 ans qu'est
Howling Wolves nous invitait (enfin presque, vu que la soirée a été sponsorisée a 80%) pour un repas autour des vins du domaine.
Howling Wolves tient son nom pour le moins mordant d'une discussion des 3 associes devant un bon verre de vin ... Dieu sait ce qui leur a passe par la tete !
Mon impression en fin de soirée était celle d’un autre film, Dr. Jekyll et Mr. Hyde, tant il y a un fossé dan l’approche et le résultat entre les vins « courants » et ceux « premium ». Le domaine ne se cache pas de son attirance pour la technologie de pointe et le fait que la fin justifie les moyens (in vino veritas), concept que le parterre de passionnes indiens ne peut que partager, tant il est ancre dans le style de vie de ce pays. Il n’en est pas forcement de même pour votre serviteur, qui a plusieurs reprises a grince des dents devant certains détails de vinification. Mais passons aux vins proprement dit :
En apéritif, un
2004 White Shiraz provenant de leur Churchview Estate vineyard. Un vin blanc, qualifie comme tel, fait a partir du jus qui s’écoule des grappes avant d’avoir été pressées. Tirant à 12.5% d’alcool, il est conçu pour être bu dans l’année. Les peaux de raisins sont ensuite utilisées pour la macération de la cuvée de Syrah (rouge), ce qui aura son impact comme on le verra par la suite.
La robe est rosâtre, me faisant penser à celle d’un Gewurztraminer.
Le nez oscille entre des aromes fruites et citronnes, un peu a l’image d’un Sauvignon Blanc de climats chauds, et une légère douceur qui rappelle le Gewurzt. J’apprécie la fraicheur et la jovialité que dégage le verre.
La bouche me semble pas encore (ou déjà plus) en place, un peu anguleuse, malgré une belle présence. Aucune trace de sur-maturité et en fin de compte, une belle surprise en tenant compte qu’il s’agit déjà du millésime 2004. Ce vin me semble encore bon pour 1-2 ans.
Suit le
Sémillon – Sauvignon Blanc 2004, les 2 cépages provenant de vignobles différents a raison de 65% de Sémillon. Vendanges (a la machine) de nuit, fermentation classique pour un vin de cuve.
La robe est jaune claire aux reflets verdâtres.
Le 1er nez est distinctement sur la sueur humaine et il faudra quelques minutes pour que cette odeur dont je ne raffole guère disparaisse. Et non, ce n’était pas mon voisin …
Les aromes de citron, d’agrumes, de figue et de pêche prennent ensuite le devant de la scène. Un joli nez, assez simple et direct, mais sans surmaturite.
La bouche est menue, présentant une belle acidité et une jolie structure. Mais c’est une bouche a 2 vitesses en série, le sémillon avec son côté futile et légèrement douceâtre marquant l’entrée de bouche alors que le sauvignon et son cote sur les agrumes et sa plus grande acidité prend contrôle de la finale.
Un vin sympa, qui gagnerait quelques points s’il avait une plus forte personnalité.
Vient ensuite le
2004 Cabernet Sauvignon, issu du vignoble de Magenta Vasse Loams. Ici commence mon problème « moral » car ce vin a été vieilli en cuves avec des lattes de chêne français et micro-oxygéné. Le représentant de Howling Wolves ne s’en cache pas, avance des raisons pratiques et financières, ce qui enlève au moins le cote hypocrite de la chose. Et dire que mon voisin leur a pose la question d’élaborer sur leur terroir … j’ai bien ri !
Ce vin présente une robe rouge grenat assez limpide.
Le nez me parait très, trop, simple, sur des aromes de chocolat et de bonbon anglais.
La bouche assèche (ils auraient pu économiser encore plus en mettant moins de lattes !), sur les fruits rouges. Simple, basique et sans grand intérêt, même si une partie de l’assemblée a aimé. Je passe.
Nous continuons avec le
2003 Shiraz, du même vignoble que le Cabernet. Ici encore, un vin vieilli pour moitie en barrique de bois américain et pour moitie en cuves, avec lattes de chêne français et micro-oxygénation.
La robe est foncée.
Le nez présente une jolie palette de fruits murs, de poivre noir avec une typicité Syrah assez prononcée (violette).
Malheureusement la bouche est agressive, avec une acidité et une amertume par trop prononcées. Nous évoquons la possibilité que le ratio de peaux / pulpe (avec le rajout des peaux du White Shiraz) soit trop important. Un cote salin se mélange aux notes de cassis et de framboise. Un vin a l’équilibre totalement absent qui a plu a la partie plus novice de l’assemblée et qui a laissé les autres indifférents.
Nous terminons la dégustation proprement dite a ce point et continuons avec les 3 vins phares du domaine a table. A ce moment, je me réconcilie avec les loups …
On commence avec le
2004 Small Batch Chardonnay provenant d’Adams Vineyard, vendange la nuit et, plus surprenant, vinifie en cuves.
Robe jaune paille, de belle intensité.
Nez iode, très minéral et frais, me rappelant un Chablis de Laroche bu récemment, sur le graphite. Long et subtil, ce nez m’envoute.
La bouche est sèche, florale, avec une superbe présence et une longueur remarquable. C’est fin, c’est aérien (malgré les 14 degrés d’alcool), c’est beau et c’est bon ! Quel changement par rapport à la gamme « basique ».
Suit le
2004 Small Batch Grenache compose en fait de 86% de Grenache et 14% de Merlot, provenant de Ruby Nest Yelverton Road. Vinification un peu particulière dans le sens ou des raisins entiers ont été utilise pour donner un caractère de macération carbonique, puis des levures exogènes provenant de Chateauneuf-du-Pape ont été utilisées. Vieillissement en barrique de chêne français.
La robe est rouge grenadine, assez claire.
Le 1er nez est sur la sueur (encore !), puis s’ouvre sur les petits fruits rouges, la grenadine et les épices. J’aime beaucoup ce fruit mur et pur.
La bouche présence une structure encore non-vue dans cette soirée, avec des tannins encore jeunes, un cote un peu brut de coffre et un manque de gout a ce stade. Il me semble que tous les paramètres sont réunis pour donner un beau vin d’ici a 3 ans.
Nous finissons par le
2004 Small Batch Cabernet Merlot, compose pour 65% de Cabernet Sauvignon et 35% de Merlot, provenant de leur Rockfield Estate et vieilli pour 18 mois en barrique a majorité française.
La robe est rouge-noir.
Le nez est épicé, sur le fruit mur, avec une superbe tenure.
La bouche est belle, ample, fruitée et fraiche, ouvrant sur un finale longue a souhait.
Rebu 48 heures plus tard (bouteille ouverte pendant cette soirée mais non dégustée), le nez s’est ouvert sur un cote oriental tout en gardant son atout vineux et fruite.
La bouche présente un léger vanillé et surprend par sa jeunesse, par ses tannins encore marques et sa superbe matière. Je me réjouis de voir ce que cela donnera d’ici a 2 ans.
En fin de compte, il y a un fossé de différence entre les 3 cuvées « Small Batch », qui sont réellement belles, avec une matière et un élevage de qualité, et les vins de début de gamme, trop techniques et superficiels a mon gout. Sachant que les Small Batchs ne sont plus cher « que » de 50% par rapport aux autres, mon choix sera vite fait !