Ce domaine viticole réputé est aussi un centre d’aide par le travail. Raymond Papaix, œnologue, m’a accueilli pour me faire découvrir ou redécouvrir la grande qualité de la gamme des vins produits ici, leur originalité et m’a ménagé quelques surprises que je voulais vous faire partager.
Le CAT de Boissel est administré par l’association des Papillons Blancs et accueille des déficients intellectuels. Il est dirigé par Jean Michel Tirefort, aidé dans sa tâche par Raymond Papaix qui supervise les ateliers, en même temps qu’il officie en œnologue pour les vinifications. Les 40 handicapés sont encadrés par 6 moniteurs d’atelier et travaillent sur trois activités : l’aménagement et l’entretien d’espaces verts, le conditionnement et l’emballage de produits divers, le travail de la vigne et du vin. L’exploitation viticole est située sur l’ancien domaine René Rieux, incontournable propriété locale, déjà fort réputée pour ses vins doux effervescents de méthode gaillacoise.
L’association des papillons blancs a repris les 9 hectares de ce domaine en 1988 en fermage. Le CAT a été officiellement créé en 1990 et la construction des chais remonte à 1991.
10 hectares supplémentaires ont été ou seront acquis et le CAT dépassera bientôt le cadre du cru historique.
C’est donc un domaine très particulier de Gaillac qui n’en reste pas moins très typique et représentatif, que ce soit par son terroir, de type argilo calcaire, par son encépagement très traditionnel ou encore par sa production très variée, qui couvre la quasi totalité des nombreux types de vins produits à Gaillac, en AOC ou en vin de pays.
En rouge, on retrouve bien sûr le braucol, la syrah et le duras, les trois piliers gaillacois, mais aussi du gamay et du merlot, alors qu’en blanc les traditionnels loin de l’œil, mauzac et muscadelle laissent un peu de place au sauvignon et au chardonnay. Ce sont au total 850 hectolitres qui sont produits chaque année.
Lors de ma visite, je me suis essentiellement concentré sur les vins blancs doux, effervescents et tranquilles pour lesquelles ce domaine possède une grande notoriété, à juste titre.
Le vin nommé
Symphonie est un mousseux de méthode gaillacoise. Cette méthode de vinification encore appelée ancestrale s’oppose à la vinification selon la méthode traditionnelle aussi appelée champenoise. Le vin ne subit qu’une seule fermentation qui a lieu en bouteille, sans adjonction de liqueur de tirage, comme c’est le cas pour la double fermentation des Champagnes. Cette méthode n’existe que dans deux autres vignobles : Limoux pour sa blanquette pour laquelle, d’ailleurs, le cépage est le même qu’à Gaillac, à savoir le mauzac, et Die pour sa Clairette à base de muscat. C’est donc un vin très original en même temps que rare et que peu de domaines gaillacois, hélas, perpétuent, même si un regain d’intérêt se fait sentir actuellement.
J’ai goûté le millésime
2002 qui s’annonce par une belle robe et des arômes de coing, de pomme et de miel. Une légère note oxydative lui va à ravir. La bulle est très fine, elle offre en bouche une sensation crémeuse. Le fruit est généreux et la sucrosité de ce vin en fait une véritable gourmandise de fin de repas.
Il faut savoir que ce vin vieillit à merveille : je garde un souvenir ému du 1995 et Raymond Papaix m’a fait goûter un
1989 absolument remarquable, aucunement usé, avec un nez très caractéristique de pomme blette, une bouche onctueuse à la bulle fine mais encore bien vive, des notes beurrées très originales et un très grand équilibre sur la finale très fraîche.
Si ce doux effervescent est un vin à la fois original et remarquable, le domaine produit un vin liquoreux que l’on peut qualifier sans crainte d’exceptionnel ; il s’agit de la cuvée nommée
Concerto, réalisée à partir de la muscadelle seule d’une parcelle de 1 hectare qui ne donne que trois barriques par an. Cette cuvée existe depuis le millésime 1998 et en voici une dégustation verticale débutant par le 1999 :
1999 : le nez présente des notes de poire très mûre avec un sentiment d’acidité volatile assez net, mais très fréquent sur les vins liquoreux très concentrés. La bouche est liquoreuse, les saveurs sont confites, la finale est très longue avec une légère et belle amertume.
2000 : Le nez embaume le caramel et des notes de graphite très complexes apparaissent. C’est un vin très concentré, énorme d’opulence à la finale éblouissante sur l’orange confite. C’est un vin qui fait la roue, comme cela se dit dans le milieu des dégustateurs, une finale en queue de paon, apanage des grands vins.
2001 : un nez de pomme blette, de coing et de café torréfié. La liqueur est superbe avec des sucres d’une très grande qualité. La finale est éblouissante et signe magistralement ce qui est à mon avis le plus grand millésime de cette cuvée. Grand vin.
2002 : Le nez est encore discret, c’est un vin en devenir. La bouche est très équilibrée et présente une belle vivacité qui amène une bonne fraîcheur et une grande longueur. Ce vin est à attendre particulièrement.
2003 : J’ai dégusté ce vin sur fût. Il est issu d’un millésime très particulier, chacun s’en souvient, marqué par une très forte canicule. Millésime atypique pour un vin qui ne le sera pas moins et pour lequel Raymond Papaix a voulu ménager une légère oxydation. Du coup, ce vin prend des airs de Xeres assez étonnants. Une production qui promet d’être très originale.
En guise de conclusion à cette belle dégustation, je dois avouer ma surprise lorsque j’ai trempé mes lèvres dans un verre d’un vin rouge du domaine, un pur braucol de 1989, première vinification de Raymond Papaix, ce dernier m’en ayant offert un magnum. Le vin était splendide de fraîcheur et de jeunesse, de typicité gaillacoise due à ce cépage et d’équilibre. Je garde un souvenir ému de ce vin. Qui a dit que les Gaillac rouges vieillissaient mal ? Moi peut-être ! Vivent les contradictions qui nous rendent si humbles dans notre passion du vin !