Pour moi qui utilise le mot minéralité à tours de bras dans mes CR, il ne faut pas chercher midi à 14h00. Minéral est un terme générique qui représente une famille d'arômes au même titre que floral, empyreumatique, etc. Dans un vin, je peux très bien éprouver des arômes floraux sur lesquels je n'arrive pas à mettre un nom précis parce que je ne suis pas fleuriste. J'indiquerai donc qu'il y a des notes florales au nez ou en bouche (oui, certaines fleurs se mangent), sans plus de précision. Je serai plus précis si j'arrive à identifier l'arôme, ce que je suis capable de faire pour un nombre restreint de fleurs (rose, lavande, acacia, tilleul jasmin et c'est à peu près tout. De même avec la minéralité, j'utiliserai le terme générique si je n'arrive pas à être plus précis. Et si j'utilise souvent ce terme, c'est que je sens ou je goûte souvent dans le vin des arômes que j'associe, peut-être à tort, à de la minéralité. Sur certains, je peux mettre un nom, craie, silex, iode, hydrocarbures, sur d'autres non. Devrais-je pour autant m'abstenir de le dire ? Je ne suis pas géologue, mes sensations proviennent de souvenir de randonnées, de baignades en rivière, de bains de soleils sur des galets chauffés à blanc, de visites de chantiers (plâtre, sables, chaux, graviers, aciers,...)
Ce qui est plus problématique, c'est de définir si tel arôme doit effectivement être associé à la famille "minérale" ou pas. L'odeur de tourbe que je retrouve dans le Rancy Sec Ambré de Verdaguer est-elle minérale ? L'odeur que je retrouve dans certains vins du Jura et qui m'évoque les mares en cours d'eutrophisation est-elle minérale ? Est-ce l'odeur de la marne ? Peut-on parler de minéralité à -propos d'une sédimentation en cours ? L'odeur merveilleuse de la terre après une pluie d'orage en été est-elle minérale ?
J'ai ressenti une profonde sensation de minéralité, tant au nez qu'en bouche, en dégustant un Ermitage - Le Pavillon 92 de Chapoutier. Une réelle impression de sucer du caillou. Oui mais quel caillou ? Du granit ? Je n'avais pas un échantillon de granit sur moi pour comparer, alors, que dire ?
Et puis, il y a aussi le brûlage du fût. Du bois carbonisé, c'est du charbon, donc, du minéral, non ? Alors, comment s'étonner de cette mode à mettre le minéral dans tous les CR alors que la mode est également de plus en plus à la barrique brûlée ?
Dans quelle famille faut-il classer les arômes de tabac ? Végétal ou épices ?
Et le miel, empyreumatique ou floral ou animal ? Et la vanille, épice ou floral ou boisé ? Et la noix de coco ? Boisé ou fruit ? C'est plutôt une marque de l'élevage.
En fait, le monde des arômes est complexe et passionnant, et il n'y a pas une vérité puisqu'on a chacun son référentiel. Et est-ce tellement important ? Si je dis dans un CR qu'il y a tel et tel arôme, c'est avant tout un exercice que j'ai fait pour moi-même, pas dans le but de convaincre quiconque que c'est ainsi.
Hervé, bien sûr que tu peux mémoriser le goût des minéraux, au même titre que tu mémorises des goûts de fruits, des odeurs de fleurs. Mais pour cela, il faut goûter et sentir et encore goûter et encore sentir. C'est comme pour tout ce qui touche à la mémoire, il faut l'exercer.
Pour rebondir sur certaines choses qui ont été écrite ci-dessus, je ne considère pas que la minéralité soit associé à l'acidité ou à la structure. J'ai encore fait l'expérience récemment d'un vin blanc qui m'a paru très minéral au nez et qui était mou en bouche. Est-ce qu'on cherche à associer les autres familles d'arômes avec une caractéristique organoleptique bien précise ? Est-ce qu'un vin fruité est nécessairement gras ou volumineux ou alcoolisé ? Est-ce qu'un vin animal est obligatoirement réduit ou trop jeune ou trop vieux ? Et pourquoi lier minéralité et qualité ? A nouveau, ce n'est pas parce qu'un vin est floral qu'on peut en déduire qu'il est de qualité. Alors, pourquoi vouloir tirer des conclusions sur la présence d'un indice aromatique là où on sait qu'on ne peut en tirer avec les autres ?
Amicalement
Didier