Bonsoir,
Je vous avoue ne pas comprendre certaines interventions de ce débat.
1) Chacun trouve le plaisir comme il l'entend et aucune approche n'est meilleure qu'un autre. Ce qui compte, c'est le plaisir que chacun prend.
2) Que certains veuillent porter un jugement dans l'absolu, sans voir l'étiquette, c'est leur droit. C'est leur plaisir. Elles sont en effet passionnantes ces dégustations à l'aveugle qui sont une grande école d'humilité.
3) Que certains se passionnent pour la détection de tous les arômes possibles et imaginables, c'est leur droit. C'est leur plaisir.
4) D'autres recherchent le meilleur rapport qualité/prix (vaste débat d'ailleurs puisque l'appréciation de la qualité varie d'une personne à l'autre et que 1 Euro n'a pas la même valeur pour tout le monde). Mais c'est leur plaisir.
5) Ceci étant dit, laissez donc les "buveurs d'étiquettes", dont je me targue de faire partie, prendre aussi leur plaisir qui n'est en rien méprisable. Je m'explique:
D'abord il y a le plaisir d'aller acheter (au DRC en l'occurence, mais cela marche avec tous les autres domaines où l'on peut déguster avec le vigneron) et de se préparer à la dégustation. Rien que l'idée d'aller déguster au Domaine est déjà un plaisir en soi. Puis le plaisir de déguster dans la cave (le dernier vins en fûts et quelques vieilles bouteilles) avec de Villaine ou Bernard Noblet. Puis le plaisir de regarder ces bouteilles dans sa cave en salivant à l'idée qu'un jour prochain on va goûter. Un jour on décide de l'ouvrir cette bouteille. On s'y prépare et c'est déjà un plaisir en soi. Comme le disait Clémenceau, le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier... Puis on se fait des attentes: on se remémore la dégustation en fûts, les caractéristiques du millésime au Domaine, le même cru dans d'autres millésimes, éventuellement d'autres cru dans le même millésime, voire la même bouteille dégustée auparavant. Puis vient la dégustation. Avec ses bonnes ou ses mauvaises surprises, ce qui fait, à mon sens le charme de l'exercice. C'est donc une appréciation relative à nos attentes qui nous intéresse.
Il est en effet intéressant, lorsque l'on goûte la même bouteille quelques mois ou années plus tard de constater son évolution. De plus, en Bourgogne, combien de fois les millésimes évoluent de façon surprenante. Ces 1972 soit disant acides et ratés qui ont fait de merveilleuses bouteilles. Ces grands 1976 qui sont encore aujourd'hui tanniques et peu aimables. Ces 1982 qui étaient légers au départ et qui sont devenus plus corsés. Ces superbes 1983 qui n'ont finalement pas si bien évolué que cela,... Tout cela pour dire que même en dégustant à étiquette non cachée, les surprises sont nombreuses et l'exercice passionnant.
Je ne vois, pour ma part, pas pourquoi le fait de voir que l'on boit une RC, une La Tâche ou un Pétrus nous empêcherait d'exprimer une certaine déception si le vin n'est pas, voire pas du tout, à la hauteur des attentes. J'ai déjà bu des Pétrus qui n'étaient simplement pas bons. La Romanée-Conti 1975, par exemple, est un vin fluet, même si pas dénué d'intérêt. Cette incertitude fait partie du jeu. Il ne faut donc pas confondre les "buveurs d'étiquettes" avec les personnes fortunées qui mettent une grande bouteille sur la table pour montrer qu'ils ont de l'argent ou qu'ils sont raffinés. Certes ils sont très nombreux, mais ils ne représentent pas le 100% des acheteurs de telles bouteilles.
Donc, oui, bien sûr, voir l'étiquette influence le dégustateur. Et alors, où est le problème s'il est dans une optique "relative aux attentes" plutôt que "jugement absolu"?
J'aimerais aussi tordre le cou à cette idée qu'un amateur qui peut se permettre d'acheter de telles bouteilles à de tels prix est forcément un snob sans capacité de discernement et qui n'a pas l'amour du vin. Et qu'il ne peut apprécier un fleurie ou un poulsard.
Prenez donc ma modeste contribution comme un appel à la tolérance et au respect de ceux qui prennent leur plaisir d'une autre manière que vous.
Pour terminer: belle dégustation au Domaine vendredi dernier. Les 2012 feront de très grands vins (idem chez de Vogüé).
Cordialement.
François
PS: Pour les chercheurs d'objectivité, je conseille le dernier numéro du magazine suisse Vinum et l'article passionnant sur le chercheur/oenologue/nez Richard Pfister qui démontre que chacun a sa propre perception des odeurs. Selon lui, l'être humain a 500 gènes qui influencent activement le sens de l'odorat. Et il prétend que si 3 personnes sont exposées à une molécule de Dyméthyle pyrazine, l'une sentira de la noix, l'autre du cacao et le trosième du café. Intéressant, non? Son livre devrait paraître en Août avec une nouvelle classification des odeurs. Cela semble intéressant, même pour un buveur d'étiquettes!