Benoît Ente et le millésime 2015
Dans la continuité de mes discussions découvertes avec nos "Huggy les bons tuyaux", un message parmi les autres ressortait "Allez-voir Benoît Ente, il fait de superbes choses.". Ca tombait bien, après avoir multiplié les domaines murisaltiens, il manquait un vigneron de Puligny à mes camarades et moi depuis 3-4 ans. Nous prîmes donc nos bâtons de pélerin et arrivâmes aux alentours de la rue de la Mairie non sans demander notre chemin. Parce que j'adore réserver des surprises à mes comparses, je suis le seul à connaître la destination. Nous voilà devant un pavillon d'habitation, rien n'indique le domaine. Nous sonnons et c'est Coralie Ente qui vient nous ouvrir.
"Bienvenus, entrez. Nous allons faire la dégustation dans la maison. Nous avons un projet de bâtiment pour le domaine mais il est en cours. Et puis ce sera tout aussi convivial sur l'ilôt." Chose toujours fort appréciable: nous allons déguster dans des Zalto Universal. Notre hôte va ouvrir au fur et à mesure les bouteilles.
Un petit mot sur 2017
- Avant d'aborder 2015, comment s'est passé 2017?
- Nous commençons les vendanges le 25 Août pour terminer le 1er Septembre. Il y a eu 25 à 30% de fleurs en moins. Cela a tout de même donné beaucoup de grappes et des petites baies. C'était assez lâche avec de très beaux fruits. L'ensemble était sain et nous n'avons pas eu de pourriture. Nous faisons 42hl sur le Clos de la Truffière.
- Et il y a eu l'épisode de gel au Printemps?
- Une chaîne spontanée de solidarité s'est mise en place. De nombreux feux de pailles humides ont été allumés afin de bloquer les rayons du soleil au petit matin. Ce sont les brûlures qui sont le plus à craindre. Et finalement, nous avons été assez épargné par le gel sur le village alors que les alentours ont davantage souffert.
La génèse du domaine
- Pouvez-vous nous raconter l'histoire du domaine?
- Benoît travaillait au domaine de son grand-père maternel. L'ensemble de la production était vendue en moût à Louis Latour. Il a travaillé avec sa tante de 1990 à 1997. Elle voulait vendre et a décidé de partager le domaine entre Arnaud et Benoît. Ils ont eu 3ha chacun. Champs Gains et les Réferts ont été redonnés à Arnaud qui les travaillait. Benoît commence donc avec le millésime 98. Pas de chance, il a gelé et grêlé. Ce qu'il a fait cette année-là ne lui a pas plu. Il débute donc la bouteille en 99. Nous nous agrandissons en 2014 en récupérant un métayage que sa tante avait. Nous atteignons aujourd'hui 5ha 65.
- Heureusement que la superficie du domaine s'est accrue, la région n'a pas été épargnée par les intempéries ces dernières années.
- En 212, nous grêlons à 80% Nous faisons 4 000 bouteilles au lieu de 20 000. En 2010, 2011 et 2013, nous perdons la moitié. 14, 15 et 16 furent OK.
- 2016?
- Nous avons été épargné et les vignes touchées sont bien reparties. Aux environs du 16 Septembre, nos analyses nous montrent que la maturité est bloquée. L'alcool est à 11,5. Il faudra chaptaliser un peu, 0,5 au maximum même si 12,5° nous va habituellement bien. Benoît fait un énorme travail pour déterminer la date des vendanges. C'est presque obsessif. Il fait beaucoup de prélèvement 3 semaines avant, puis une semaine avant, 3 jours, 2 jours, etc. Et la date de vendange bouge tout le temps. Avec le ban des vendanges il fallait faire les démarches pour demander une dérogation, notamment à partir de 2003. Chaque année l'épisode se reproduisait. Et à force, les bans ont été abandonnés en 2006.
- Comment se répartissent vos ventes?
- Nous exportons à 85%.
Bourgogne aligoté
"Nous avons 1,1 ha. Nous taillons en cordon pour limiter la vigueur du pied."
SP: Un léger réduit. C'est vif, frais avec un léger perlant. Un aligoté assez remarquable
AB+
De l'importance de l'obturation
- Nous élevons 12 mois en fûts et demi-fûts. Nous avons également 6 cuves et des foudres de 600l. On a en moyenne 15-20% de bois neuf.
- Vos bouteilles font l'objet de grande attention.
- La mise s'effectue en Février. Et nous les cirons. Les vins ont une bonne capacité de garde. Il convient donc de les protéger de façon adéquate. Nous mettons d'ailleurs de bouchons longs du 49 sur l'Aligoté et du 54 pour le reste. En 2003, Nous nous sommes décidés à aller rendre visite aux bouchonniers pour voir et comprendre leur façon de fabriquer. Nous prenons plusieurs rendez-vous en Espagne. Il y a de sacrées disparités. Nous avons pu éliminer rapidement plusieurs producteurs et faire notre choix sur une poignée. C'est passionnant. Je vous incite d'ailleurs si vous avez l'occasion à aller y faire un tour.
Bourgogne Golden Jubilee
SP: un fruit plus mûr, plus jaune dans son expression. De la prune jaune, de la quetsche, du citron confit. C'est sapide, salivant et avec du fond. C'est long.
B
OG: dégusté après le Puligny faute à une arrivée tardive. Se présente sur un nez de réduction grillée, arômes de pomme. En bouche, le CO2 apporte perlant et tension faute desquels l’ensemble, construit autour d’une matière fruitée, risquerait de tomber laisser une impression pataude. Belle finale juteuse pomme/citron.
- C'est digne d'un village.
- Nous avons récupéré cette parcelle qui se situe du côté des Gagères. Elle sera peut-être classée village un jour.
Puligny Montrachet
SP: Un vin plus riche. Il y a toujours cette avenante acidité. Elle est complétée par un côté salin dans cette cuvée.
B+/TB-
OG: Nez expressif, élégant duquel jaillissent des arômes floraux sur un fond citronné, grillé, frangipane. La bouche est construite sur un équilibre de danseuse entre gras, amers, tension et épices. Accroche légèrement végétale assez agréable en finale. Beau vin de gastronomie.
- Travaillez-vous en bio ou bio-d?
- En 2010, 2011 et 2012, nous avons pu le faire. Nous n'avons pas encore la certification. Nous travaillons avec de vieux tracteur de 50 ans. Il est difficile de faire bio avec. Nous en cherchons d'occasion plus récente. Le bio amène de nombreuses réflexions. Il faut accepter les pertes par exemple. Il faut se poser la question de l'enherbement. Quel est le bon équilibre, la bonne concurrence? Le bio est bien notre objectif.
Puligny Montrachet 1er cru Clos de la Truffière, Monopole
- Nous possédons 1 ha. 1 partie se situe en terrasse, l'autre est planté en perpendiculaire
- C'est étonnant.
- Le travail y est difficile. La parcelle a été plantée en 4 fois: 55, 57, 79 et 79. Le sol est argilo calcaire par endroits et stratifié à d'autres. Le grand père de Benoît y a consacré beaucoup d'énergie. Il n'est pas impossible que Benoît y tente quelque chose.
SP: De l'épaisseur, de la gourmandise. Les dimensions sont supérieures. Il existe un léger perlant. L'acidité se manifeste dans les joues. De la matière sèche résiduelle sur les papilles. Un vin plein, un équilibre taillé pour la gastronomie. Et un bel avenir devant lui.
TB+/Exc-
OG: Nez un peu en retrait dans lequel on devine des arômes de fruits blancs tel que la pêche de vigne. La bouche offre une pointe de gaz, qui n’empêche pas une matière soyeuse et délicate de s’exprimer. Finale toujours sur ces notes plaisantes légèrement végétales, belle longueur s’ouvrant sur la pêche, le sirop d’orgeat, les fleurs blanches. Un vin plus plaisant par sa sensation tactile que par son aromatique timide à ce stade.
Des blancs de haute volée. Un millésime 2015 qui ne tombe pas dans le confit. Du bel ouvrage donc. Dommage qu'il ne soit pas accessible tarifairement à tous les amateurs.