Un superbe dîner au Fil du Zinc
Cette année, deux de mes punks sont restés à la gare, dûment remplacés par une paire de Gunthards et un petit jaune sans gilet.
Ils manqueront donc cette étape désormais incontournable de notre séjour annuel à Chablis qu'est devenue le Fil du Zinc.
Et c'est peu de dire combien ce restaurant est enthousiasmant !
Pour la qualité de sa cuisine, précise, moderne sans modernisme artificiel, technique sans chichi ni épate, calibrée idéalement pour éviter le si détestable effet bouchée qui me fout si souvent en rogne.
Ici pas de virgules d’esthétique ou de shampoing d’ego dans les assiettes, des produits et du goût !
Et à tous les LPViens curieux qui auront un jour la chance de s'attabler au Fil du Zinc avec un peu de temps devant eux, je recommande vraiment de poser les ego, les attentes, les noms à faire et les a priori au vestiaire et de laisser carte blanche au patron, Fabien Espana.
Ce garçon a tout compris au monde de la restauration pour amateurs de vin, respectant les producteurs, les clients et la cuisine qu'il sert en proposant des accords d'une rare intelligence.
Il maitrise sa carte comme je l'ai rarement vécu, avec une intimité simple et un contact avec les vignerons qu'il sait défendre et avec le client qu'il sait respecter et qui se traduit par des discussions passionnantes, ouvertes d'esprit, curieuses et sans jamais imposer ses goûts.
Il sait vous claquer des découvertes, transcender les réputations d'appellations en vous sortant des rapports qualité prix redoutables sans pousser à la conso, le tout dans une atmosphère simple et décontractée, sans jamais verser dans le revers du pesant ni du copinage faux-cul avec le client.
Le genre d'adresses comme on rêverait d'en trouver partout en France !
Gnama gnama, concombre mariné au yuzu
Domaine François Raveneau, Petit Chablis, 2014
Robe toute claire, à peine teinté.
Nez précis et délicat, parfait compromis de notes florales et minérales d'une grande finesse et précision.
Bouche ciselée absolument géniale de tenue et d'expression, sur une trame acide énergique et racée d'une grande force motrice. Le vin s'exprime sur un pointu frais et fuselé brillant de contrôle, conciliant fraîcheur désaltérante d'une acidité parfaitement intégrée et une vraie force d'expression avec une matière qui a du fond, sur des goûts délicatement citronnés et pierreux.
Finale scintillante et nerveuse, irrésistible de plaisir et de classe et qui appelle la soif.
Chapeau bas !!
Domaine Paul & Marie Jacqueson, Bouzeron Les Cordères, 2016
Robe jaune grisée très peu teintée.
Nez pur et franc, sur les fleurs blanches, le citron jaune, un petit côté anisé et de notes crayeuses très agréables.
Jolie attaque tonique, sur une acidité bien présente et qui propulse une matière agréable, offrant un certain volume et beaucoup de fraîcheur.
Goûts délicats en phase avec le nez, un peu plus sur le minéral peut-être.
La finale est en revanche totalement inexistante, le vin s'abimant un peu dans un côté presque plat qui ferme un peu tôt l'envol.
Mais j'aime beaucoup quand même, même s'il n'a pas la cohérence ébouriffante du Raveneau !
Autour de l'asperge, culatello, sauce moutardée
Domaine Vincent Dancer, Bourgogne blanc, 2015
Robe jaune paille.
Nez d'un grand classicisme et d'une totale maîtrise, quand l'élevage bois est perçu mais qu'il soutient le fruit (fruits jaunes léger, fleurs blanches) sans s'imposer ni l'épuiser. C'est très pur, classe et plein de gourmandise.
Bouche délicieusement facile, sur un volume plein mais bien droit, parfaitement porté par une acidité mûre remarquablement intégrée et qui donne au vin une assise et un rythme très agréable.
Ajoutez une grande précision et pureté aromatique, signes là encore d'une parfaite maitrise de l'élevage et pas besoin de vous dire que des chardonnay de ce niveau, on aimerait en croiser plus souvent.
La finale est juteuse et pleine de relance, appelant à se resservir avec avidité.
Un petit délice !
Et v'lan, Fabien nous refait le plan du Saint Aubin 2015 d'Hubert Lamy de l'an dernier.
Si ce coup là, on était bien en Côte de Beaune, personne n'a misé un kopeck sur le millésime.
Une entrée de gamme de compétition !
Maquereau mariné, galette de pois chiche, pomme de terre au Masala
Plat brillant où le croquant de la galette répond au fondant du maquereau dans un chaud froid génial, la pomme de terre épicé apportant fondant et le petit twist aromatique qui emporte l'ensemble !
Bravo !
Domaine Albert Mann, Pinot noir Grand P, 2013
Robe violacée et profonde d'une grande concentration.
Nez mat sur les fruits noirs, avec de la droiture et un côté sérieux qui manque d'expressivité.
Bouche puissante, d'une grande densité de matière mais que je trouve un peu sévère, avec un côté brut d'extraction, manquant de confort et de déliés.
L'aromatique restant comme comprimée, sur un fruit noir qui tirerait presque sur la syrah de granit, j'ai peine à situer ce vin et surtout à prendre du plaisir face à ce bloc masculin et anguleux.
Mais ouf, je suis pas seul, Marc est là pour me soutenir car l'Enzo est déjà en train de hululer au fragile qui comprend rien à la grandeur de la mâche des vins qu'ont du fond.
J'ai bien conscience que je suis pas en train d'arranger ma réputation d'intolérant notoire au palais pénible mais j'y peux rien. J'ai beau y revenir, le réchauffer ou l'aérer, ce vin dont je reconnais les qualités de constitution me laisse totalement froid.
Bon, à la fois, au vue des prix de sortie domaine, quitte à ce qu'un miracle arrive un jour et que je fasse ma révolution copernicienne, autant que ce soit sur un domaine ou un secteur qui satisfassent mon banquier.
Je passe la main aux copains pour qu'ils décrivent leur plaisir car je suis passé totalement à côté des mérites de cette bouteille.
A revoir.
Gâteau de ris de veau, oignon, jus de homard
Autre plat d'un niveau ** remarquable de maîtrise par son jeu de texture sur le fondant et par son puissance de goûts.
Brillant !
Château des Tours, Côtes du Rhône, 2013
Robe rubis tuilée clair.
Nez qui ne laisse pas 5 secondes de doute sur la provenance, déroulant la gourmandise classique de la maison, compromis de notes d'orange sanguine, de fraise poivrée mentholée, de cendre, de réglisse avec un peu d'alcool.
Après le pinot alsacien, là, c'est sûr, ça cause !
La bouche est gourmande à souhait, sur un jus doux avec une petite sucrosité gourmande bien portée par une acidité agréable. L'ensemble est lascif et suave, très facile, sur des goûts de fraise, de poivre, d'agrumes.
Bon, vu que je suis déjà le pisse froid de service, autant en profiter... car j'ai un peu de peine à suivre le réchauffement qui accentue l'alcool et crée un point d’écœurement face à ce côté froufroutant. En gros, un verre ça va mais pas plus.
Alors bien sûr, si tous les vins pouvaient avoir cette évidence, personne ne serait contre cette forme de garantie de plaisir.
Mais si j'aime bien savoir ce côté évident et consensuel accessible dans ma cave, je n'en boirais pas des litres non plus.
Finale douce, totalement sur le fruit, sans tanins mais un peu chaleureuse quand même.
Je chipote mais c'est très bon quand même.
Canette de Chalans au BBQ, endive, purée de carotte au cumin
Fromages, confiture de pissenlit
Eric Bordelet, Poiré Authentique
Robe jaune grisée.
Nez sur la... poire, le citron jaune, une pointe de bretts (étable) pas écœurante.
C'est la bouche qui est bien plus intéressante, proposant une très grande acidité qui tranche dans une sucrosité fraîche très agréable offrant un équilibre désaltérant portée par une finale légèrement tannique qui fait saliver par son petit côté astringent.
Bien pour conclure un repas long.
Fraise, rhubarbe, bavarois au kirsh
Comme très souvent, la qualité des desserts au Fil du Zinc est remarquable !
Fraîcheur et précision des goûts, avec un bavarois magnifique de gourmandise.
Quelle superbe soirée !
Le genre de moments entre amis comme on les adore sur LPV, ouvert d'esprit, pétulant, gueulard parfois quand on est pas d'accord (je devrais jamais sortir sans mon Santa !).
Et au final, du bonheur et du plaisir, rien que du plaisir.
Mimi, t'es prévenue, tu pourrais bien prendre cher l'an prochain.
Parce que la gentillesse et la générosité, à ce niveau là, ça mérite une revanche !
Merci à Fabien et toute l'équipe du Zinc comme à ma bande de copains pour ce moment d'exception.
Bisous aux absents, y'en aura d'autres pour rattraper ceux-là !
Oliv
Crédit photos Philippe Ricard