En tant que participant occasionnel à ce forum et anglophone basé à Bordeaux (et, je précise, ne travaillant pas dans le vin), je confirme que ce désamour n'est pas unique a LPDV, ni aux consommateurs français.
Grand amateur de bordeaux devant l'éternel, cela m'attriste car certains attaques sont perfides à mes yeux.
Question prix, je suis d'accord avec vous tous. Je ne peux plus me payer les grands vins non plus, et encore moins attendre 20 ans pour les déboucher.
Soit.
Maintenant, certaines critiques me rappellent la fable du Renard et le Raisin.
Le Bordeaux est devenu hors de prix, donc il n'est pas bon : un raisonnement que je récuse.
Je constate dans les forums anglophones une très nette remontée d'intérêt pour les bourgognes, ainsi que l'idée que Bordeaux n'est qu'une étape pour enfin voir la lumière et apprécier les vins de la Côte d'Or.
Là, bien évidemment, c'est une question de goût. Mais je ne vois pas pourquoi on ne peut pas adorer ces deux vins. C'est certainement mon cas.
Les grands Bordeaux exigent souvent un vieillissement important en cave. Cela devient de moins en moins possible au 21ème siècle. Il n'est donc pas étonnant que les gens se tournent vers des vins qui se livrent beaucoup plus dans leur jeunesse. Cela dit, il y a une confusion sempiternelle entre "Bordeaux" et "grands crus". On ne le dit pas assez : les crus classés et assimilés ne constituent qu'environ cinq pourcent de la production bordelaise ! J'entends parfois dire "Ouais, mais le reste, c'est de la m*****!". Je m'élève contre de telles remarques. Dans l'océan de Bordeaux pas cher, il y a des bijoux, et de nombreux bons vins à 5-10-15 euros la bouteille. Certes, il faut les chercher, mais cela vaut largement la peine. J'ai reçu le livre de J.-M. Quarin à Noël. Je ne l'aurais jamais acheté moi-même, mais je me suis trouvé pris au piège, et j'ai bien apprécié l'inclusion de crus que peu de gens connaissent, et qui coûtent très peu cher.
Certains ex-amateurs de Bordeaux critiquent une supposé mafia bordelaise et décrient une opacité dans la vente. Pour moi, le système bordelaise a fait ces preuves, et il est nullement responsable de la montée des prix car la vente est soumise à des règles on ne peut plus concurrentielles ! Il n'y absolument aucune entente sur les prix !
D'ailleurs, si jamais la bulle éclate, ce n'est pas les châteaux qui se trouveront en délicatesse, mais les négociants, importateurs, distributeurs, etc.
La Chine est devenue la première cliente de Bordeaux à l'export aussi bien en prix qu'en volume. Il faut analyser cette nouvelle donne avec sang froid, ni la sur-estimer, ni la sous-estimer. Mais il est indéniable que la demande asiatique absorbe les quantités précédemment achetées par les marchés traditionnels, avec une influence certaine sur le prix des étiquettes les plus en vue.
Est-ce que les vins de Loire ou Châteauneuf-du-Pape, par exemple, remplaceront avantageusement les grands bordeaux ? Il est permis de s'en douter, surtout en ce qui concerne leur durée de vie. Car c'est ça les meilleurs bordeaux : des vins que vous pouvez laisser à vos enfants.
Pour moi (et sauf exception, bien entendu) parmi les vins français, seuls les bourgognes et les syrah de Côte Rôtie et Hermitage ont la finesse, la longueur et disons l'envergure des meilleurs bordeaux.
Les clients traditionnels sont remontés contre "Bordeaux", et les jeunes n'ont pas assez d'argent pour se les procurer (s'entend les grands vins). Est-ce que toute une génération va "sauter" ces vins, et Bordeaux perdre à tout jamais une clientèle normalement acquise ? Je ne le crois pas, mais qui vivra verra... Le marché des grands vins est extrêmement sensible. Alors que je n'imagine pas un effondrement des prix, je peux facilement envisager une "correction" importante - à commencer par le millésime 2011.
Je pense que les grand crus de Bordeaux, c'est le pinacle des vins français : indémodables et classiques avec une magie qui ne peut être reproduite ailleurs. Les consommateurs en France, ailleurs en Europe et aux Etats-Unis en achetèront peut-être moins, mais ils resteront toujours fidèles a ces grands vins de référence.
Enfin, on entend que le Bordeaux "n'est plus ce qu'il était". Effectivement, on retrouve des tisanes sur-extraites et trop boisés. Mais, heureusement, il ne représentent qu'une minorité des grands châteaux.
Meilleures salutations,
Alex Rychlewski