Drôle de concept, mais j'ai été attiré par un article suivant un courrier de lecteur de la revue "L'Amateur de cigare".

Un Monsieur d'Alençon y demande si la conception des Havanes n'a pas soudainement changée.
Selon lui, "(...) la priorité est donnée maintenant [au] spectaculaire - tel le Partagas D4 nouvelle mouture, monstrueux dans sa montée en puissance - comme on trouve des Bordeaux rouges "surmûris, surextraits, surboisés (...)".

Il termine en disant :
" (...) Notre époque impose comme critère l'hypertrophie gustative, musculaire et mammaire, qui donne lieu à une surenchère effarante dans tous les domaines. Qui aurait le mauvais goût d'appeler de ses voeux un retour au siècle de la dentelle (...)".

Je trouve que la question mérite d'être posée sous ses différents aspects.
Non pas de remettre sur le tapis les éternels conflits de terroir, ou de soit-disant anciens contre soit-disant modernes (ce débat existe aussi pour les cigares et les spiritueux). Surtout pas.

1. En revanche, constatez-vous comme moi que les nouvelles (nouvelles versions ou véritables nouveautés) vitoles ainsi que les nouveaux alcools jouent pour la plupart la carte (tant visuellement que gustativement d'ailleurs) de la puissance, d'une saveur forte prédominante (épice, bois,...) ?

2. Y trouvez-vous votre compte ?

dfried

Denis,

Effectivement, je constate sur les vitoles que je déguste cette présence d'arômes à tendance boisée/épicée, donc plutôt fort en goût.

Par contre, je n'ai pas le recul suffisant (à peine 5 ans) comme en matière de vins (20 ans).
Je ne peux donc pas juger si ce type d'orientation gustative est récent.

Quant aux alcools, je suis plutôt amateur d'Eaux de Vie, parfois de Single Malt.
Je n'ai, dans ce dernier domaine, pas constaté de déviance vers des arômes "virils".
C'est d'ailleurs plutôt la pureté, le fruit, l'élégance.

Olivier

Moi je verrais la chose sous un autre angle, je ne trouve pas qu'il y a une tendance "puissance" dans les vitoles standards du catalogue Habanos, je dirais même
l'inverse, par contre sur les edicion limitada style ce nouveau D4 effectivement il y a un plus. A mon avis, ce Monsieur achète d'excellents cigares mais les
fume beaucoup trop jeunes ... Ce genre d'edicion limitada comme répété déjà plusieurs fois dans divers posts necessite une longue maturation pour obtenir un bon rapport arôme / puissance.

Pour vérifier si il y a vraiment une tendance puissance il suffit de regarder les nouveaux cigares standards fabriqués par Habanos ces 3-4 dernières années

La série San christobal ne vas pas du tout dans ce sens et plus recemment pour les nouveaux trinidad et le niveau Siglo il ya plutôt un excellent rapport puissance / arôme.

Par contre je pense qu'il ya peut-être plus à creuser au niveau des alcools ... Mais bon la c'est un peu moins mon registre, je ne consomme pas suffisement pour me rendre compte d'un quelconque changement.

Je suis assez d'accord avec vous 2 lorsque vous soulignez que c'est avec une maturation suffisante que l'on goûte pleinement ses cigares, et qu'ils ont tendance à s'arrondir avec ce processus.

Néanmoins, je trouve assez flagrant que les nouvelles vitoles qui tiennent le haut de l'affiche médiatique en ce moment sont justement des nouveaux modules qui ressemble à des cheminés de paquebot :
. Cohiba Siglo VI,
. Cohiba Sublimo EL2004,
. Partagas P2,
. Short de Hoyo de Monterrey (OK photo un peu grande, mais il suffit de garder en mémoire que c'est plus large qu'un double corona et que l'objectif avoué et officiel est : un maximum de saveurs à fumer rapidement tant la vitole est courte et trapue).


Pour ne citer que ces 4 là qui sont des best sellers souvent en rupture de stock dans les civettes (et je suis certain que vous pouvez en trouver d'autres).

Or, ils proposent des diamètres larges qui visuellement impliquent la puissance.
La fumé délivrée est du même accabit : énorme, et le cigare a tendance à chauffer un peu le palais.
Ce n'est pas moins bon ou meilleur, c'est un état de fait, comme la mode des montres aux cadrans extra-larges.
Dans le même sens je note le retour tant attendu (je ne m'en plains pas) de la vente du Salomon de Partagas.

Au niveau des alcools, il y a une mode actuellement pour des single malt fumés et très iodés. Là encore pas de hiérachie de qualité, juste un marketing et une mode allant vers ces arômes très tranchés, comme avec des vieux cognacs hors de prix et d'âge qui sont très boisés.

Bouhi m'a indiqué (et m'a alléché par la même occasion ) qu'il aimait mélanger un peu d'Elixir à sa Chartreuse Jaune pour la corser un peu. Or, les récentes éditions limitées de Chartreuses sont justement souvent composées de mélanges pour renforcer un peu le côté poivré, épicé.
De même, la nouvellement autorisée Absinthe a tendance à sortir sous des versions titrant un niveau d'alcool "viril" .

Ce sont des indices pour moi qui justement vous ai souvent répété à quel point j'avais du mal avec les robustos trop fort, les Romeo & Julieta ou les D4 de Partagas par exemple qui sont trop virils pour mon palais. Indices même concordants qui peuvent facilement être démontés par des contre-exemples.
Comme le dit Olivier c'est donc très subjectif et sans le recul nécessaire de l'expérience décénale ni les essais suffisamment larges pour juger objectivement d'une évolution en matière de spiritueux ou des cigares.

Mais c'est tout de même une impression tenace dans mon esprit.

Cordialement,
dfried