Dégustation des 2022 blancs sur fût et des 2021 en bouteilles
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Rocoules 2022 : vin gras, sans lourdeur, qui tapisse la bouche : le vin qui donnera la texture de l'Hermitage blanc
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Péléat 2022 : notes plus herbacées, avec des amers plus présents en bouche mais moins de gras. Racinaire, qui appelle des accords avec par exemple de la gentiane.
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Hermite 2022 : entre les 2 précédents, plus pointu que les Rocoules mais plus de gras/persistance que Pélat.
Au final, je me fais une idée d'un Hermitage classique, facilement accessible, évident, avec le gras des Rocoules pour la texture et les arômes/la fraîcheur, la tension amère de Péléat et de l'Hermite pour donner du relief au vin.
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Hermitage blanc 2021 : en bouche, vin tout en apesanteur, fin,plus salin/minéral mais moins gras/tapissant que dans les derniers millésimes, dont l'équilibre pourrait rappeler celui d'un chardonnay, un vin d'apéro plutôt que destiné aux plats riches à la crème. Ce qui me frappe, c'est sa grande élégance et son raffinement dans cette concentration moindre.
On passe aux rouges :
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Saint-Joseph 2021 : premier nez un peu animal, puis la mûre/la violette transpercent. La bouche est délicate/équiilibrée mais ce qui frappe est que le corps est plus léger/moins dense que d'habitude. Jean-Louis m'explique que le millésime est selon lui dilué mais mûr, contrairement à 1992 par exemple (où la maturité manquait - sans parler de 1993), peut-être dans l'idée de 2008/2002. Le vin gagnera à être bu plus vite que d'autres millésimes. Je crois qu'il n'y aura pas de Clos Florentin cette année.
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Hermitage rouge 2021 : le nez de petits fruits rouges est plus net et plus intense que le Saint-Joseph. Nez très classe, parfaitement mûr, pur, dans un registre de fruits rouges qui pinote presque. Le vin est là encore moins concentré que les millésimes précédents mais suprêmement élégant et buvable. J'ai envie de prendre la bouteille et de boire au goulot, mais je sais me tenir. Moi qui ai écrit ici-même que je n'ouvre jamais les Hermitage avant 15 ans d'âge, je suis prêt pour un infanticide sous peu, avec un cuissot de chevreuil à la gelée de groseille/framboise, pour saisir cette pureté de fruit de l'instant.
Je reviens en arrière sur le
Saint-Joseph 2021 comme j'aime toujours le faire. L'aération l'a épuré, la réduction s'est atténuée. Je me rappelle du Saint-Joseph 2016 qui avait été sujet de discussion entre nous car, à maintes reprises, j'y avais trouvé trop de réduction à mon goût (j'avais même évoqué une impression de Bretts). Jean-Louis disparait et revient avec une bouteille de
Saint-Joseph 2016 précisément : le nez est sur un fruit plus mat que le Saint-Jo et l'Hermitage 2021, avec des notes de viande rouge fraîche, mais pur, pas du tout marqué par des odeurs de réduit/de Bretts. Très bon vin en l'état, qui ne se présente pas comme lors de mes dernières dégustations. Jean-Louis me rappelle les paroles de Jacques Puisais que je n'ai pas eu la chance de connaître : il faut toujours laisser sa chance au vin. Paroles qu'on peut appliquer à ce Saint-Joseph 6 ans après sa première dégustation sur fût - et ce n'est aucunement un reniement de mes écrits mais la preuve d'un échange sincère car j'ai toujours décrit le vin tel que je le percevais - tout comme au Cornas 2003 des Clape qui, après 20 ans, commence à peine à se dépouiller/bien se goûter selon Olivier...
Conclusion : je remercie Jean-Louis pour cette dégustation comme toujours passionnante, pleine d'enseignements et de mesure, qui fait du bien dans les temps agités que nous vivons.
Les vins que j'ai goûtés étaient éminemment buvables au sens faciles d'accès; naturellement, le millésime y est pour quelque chose mais même en 2018, 2020, j'ai eu cette impression de buvabilité dont j'avais déjà parlé à l'époque (2019 étant plus massif, d'évolution moins douce durant lélevage), impression que je retrouve dans les blancs 2022... J'ai le sentiment, à confirmer, qu'au fil des années, les vins deviennent de plus en plus épurés et donc évidents.
Par ailleurs, c'est certainement le millésime dans lequel les différences entre les Saint-Joseph et l'Hermitage me sautent le plus aux yeux de par l'effet dilution du millésime, même si Jean-Louis m'avait sensibilisé à cette différence avec le millésime 2020 en rouge (les Diognières de bas de côteaux l'emportaient assez largement sur le Clos/Bachasson alors que je pensais que les meilleures parcelles de Saint-Joseph du domaine pouvaient dépasser les parties les moins pentues de l'Hermitage; non!). Mais le Saint-Joseph est fait avec le même soin/coût que l'Hermitage, donc il reste LE moyen le plus abordable d'accéder au savoir-faire du domaine.
Au final, les 2021 s'exprimeront tôt (je n'avais pas eu cette impression d'immédiateté aussi marquée avec les 2002/2008 sur fût.) et pourront donc être ouverts en attendant les millésimes plus riches/chauds qui le précèdent, ce qui ne signifie évidemment pas qu'ils ne se garderont pas (notamment les Hermitage).
Épilogue : 2 jours après ma visite, j'ai précisément ouvert une bouteille du
Saint-Joseph 2021 pour le faire goûter à mon épouse et des amis, en le carafant 1h. Le nez est immédiatement sur la mûre/la violette, sans réduction, délicat, classe; la bouche est fluide, pas très concentrée, mais persistante, et ne tombant jamais dans la maîgreur. Par sa délicatesse, fraîcheur, je pense qu'il peut remplacer un pinot. Le vin est très pur, fin, classe, je le goûte mieux qu'à l'ouverture 2 jours avant.
David Chapot.