4 décembre 2004.. C'était la première rencontre de LPViens "Lémaniques" (c'est à dire dans un rayon de 100km autour du lac Léman), rencontre qui va assurément an appeller bien d'autres!
Merci à tous d'avoir partagé ce bon moment, en compagnie de quelques nectars fleuris (on a bien dit que j'étais un peu poète, non ??). C'est ce genre de soirée, passée en toute amitié, qui personnellement me motivent encore davantage à partir sillonner les vignobles en quête de quelque trésor à partager avec mes amis passionnés. Comme quoi, la richesse n'est pas forcément que dans le verre!
Descriptif des moments forts de notre rencontre.
Bollinger Grande Année 1995 - avec quelques amuse-bouche (Papitou aux truffes)
Amené par Fred, ce champagne allait nous ouvrir les papilles de la plus belle des manières. Belles petite bulles, fines, vives et légères. Nez de belle intensité, agrumes, amande amère et noisette. Attaque en bouche harmonieuse, bien équilibrée. Belle finale, ronde et soutenue. Superbe mise en bouche!
Vins servis à l'aveugle. Décantation d'environ 4h pour tous les vins.
Pour accompagner la série ci-après, une tarte aux oignons (avec une dose inconvenante de crême fraîche.. mais chut..!). Trois vins de style totalement différents, voire opposés. Mais finalement trois expressions remarquables de liquoreux de grande classe.
Oremus 1993 (5 puttonyos)
Robe or profond. Au nez, quelques participants penchent d'avord vers un Riesling VT à cause d'une légère pointe "pétrolée". Mais rapidement, les notes caractéristiques du cépage Furmint (paille, miel) dirigent les dégustateurs perspicaces vers le pays Magyar. Merveilleuse harmonie en bouche. Equilibre parfait, jamais ostentatoire et d'une excellente persistence. Superbe finale, longue et dense, gardant en permanence une fraîcheur qui donne tout son relief au vin. L'expression d'un très grand Tokaij! Un des préférés parmi plusieurs convives.
Lacrima 1996 (l'Angelus)
Je me réjouissais de mettre ce vin, quelque peu atypique, au milieu du Tokaji et de l'Inniskillin.
La robe est clairement la plus foncée des trois, presque ambrée. Nez confit, vanille, cannelle, caramel - légèrement oxydatif - un régal dans son genre. La bouche, bien que suave et ample, est trop lourde à mon goût et manque d'élégance par rapport à ses pairs de la série. Paski, grand spécialiste des vins valaisans (avec Yves, bien entendu..!) nous explique que la vendange 96 s'est faite après une chute de neige et un redoux ensoleillé qui a concentré les baies un peu plus que de raison. Une curiosité à boire, avec plaisir, pour lui-même, mais dont je doute quelque peu des capacités de vieillissement.
Inniskillin - Vidal 1998
Robe jaune pâle, mais huileuse. Nez explosif de mandarine, poire, vanille - évoluant ensuite sur des effluves enivrantes de truffe blanche. Attaque vive sur un fruit frais très pur. Remarquable ampleur avec un gras qui tapisse la bouche de senteurs fruitées exotiques et de massepain. A nouveau, une excellente fraîcheur finale soutient ce vin de glace de très belle facture. Belle longueur et très bonne persistance. J'apprécie vraiment beaucoup cette spontanéité et cette expression de vinification directe et sans détours.
Série suivante avec deux "baby Sauternes" encore dans leurs langes. En accompagnement, soupe aux pommes de terre à l'huile de truffe blanche.
Suduiraut 2001
La robe est jaune pâle avec quelques reflèts verts. Nez relativement discrèt, principalement sur des arômes floraux (fleur d'oranger) et de mangue avec une fragrance sous-jacente de bois neuf. La bouche se développe bien, mais semble encore légèrement dissociée, non encore entièrement intégrée. Belle finale, élégante avec beaucoup de finesse. Son manque de complexité à ce stade m'étonne quand même un peu. Une beau liquoreux, qu'il faut IMPERATIVEMENT laisser vieillir plusieurs années car il ne s'exprime que très incomplètement actuellement.
Rieussec 2001
Couleur jaune un peu plus intense que Suduiraut de la même année. Nez riche et complexe de fruits exotiques, toast, beurre, vanille.. Sur le palais, il y a une grosse ampleur de fruit, légèrement confit, une superbe matière tendue par une belle acidité, absolument nécessaire pour supporter l'imposante sucrosité de la structure. Curieusement, on ressent fugitivement une impression de champignon - est-ce le botrytis? certains évoquent le champignon de Paris.. mais ça ne dure pas. Comme pour Suduiraut 2001, la finale n'est pas encore parfaitement en place; on a comme l'impression que les éléments du vin ne jouent pas encore tout à fait à l'unisson. J'ai trouvé le potentiel de Rieussec 01 quelque peu supérieur à Suduiraut 01. J'ai idée qu'il donnera un vin plus complexe lorsqu'il entrera dans son bel âge d'ici 15 - 25 ans.
Pour faire honneur à deux Sauternes au sommêt de leur courbe de maturité, pourquoi pas essayer une recette asiatique aigre-douce avec un croustillant de porc (légèrement caramélisé)
Rieussec 1983 - amené depuis Chambery par notre ami MILLERET
Couleur magnifique, ambrée aux tons fauves. Nez riche et complexe d'écorce d'orange, épices douces et de bois de santal. La bouche est immédiatement d'une grande élégance, ronde et ample, d'une excellente persistance. Finale aux nuances caramélisées mais sans aucune lourdeur. Si certains lui reprochent un tout petit déficit de finesse, Rieussec 1983 reste pour moi une bouteille de plaisir immédiat, un parfait exemple de la richesse expressive des grands Sauternes.
Suduiraut 1967
La robe est superbe, fauve avec beaucoup de luminosité. Grande densité (le liquide semble "épais"). Dès le nez, on est sur un autre registre. Le vin a perdu ses arômes fruités pour arborer un nez complexe de cire d'abeille, miel, tilleuil et.. botrytis. Curieusement, la bouche est très différente des autres liquoreux de la soirée, Fred relevant justement que le vin avait "mangé" son sucre. Du coup, on se trouve face à une autre dimension émotionnelle. La bouche est beurrée, grasse, mais finement ciselée par une acidité plus marquée que pour les vins jeunes. Légère oxydation en finale, laquelle a perdu en longueur par rapport à ma dernière rencotre avec ce vin il y a 4 ans. Dans un registre à part, un vin plus cérébral qu'hédoniste.
Pour se rincer la bouche de toutes ces douceurs, petite pause fromage avec trois rouges étonnants: tout d'abord un Barolo 1993 Scavino Cannubi amené par Paski - robe très foncée ne trahissant pas son âge. Nez fascinant d'arômes atramentaires, minéral et presque "goudronné". La bouche est encore rude, avec des tannins dominant un fruit un peu compoté. Une bouteille inhabituelle et pas facile d'accès, mais qui tient formidablement bien la distance sur le plateau de fromages. Le mariage avec une viande grillée devrait également être fort réussi.
Ensuite, MILLERET nous fait découvrir une spécialité Savoyarde relativement confidentielle: deux expressions de Mondeuse - Trosset (Arbin) 1992 et 2002.
Là encore, la robe du millésime le plus ancien affiche une teinte d'une insolente jeunesse, profonde et dense. Nez épicé, légèrement poivré / thym, clou de girofle. Bouche ronde et excellente longueur. Rappelle quelques exemples de syrah rhôdaniennes de noble origine.
Le 2002 est plus discrèt au nez. L'équilibre en bouche est excellent, soyeux et épicé à la fois. Peut-être plus puissant que son aîné, il ne lui rend rien au niveau de la finesse, tout en gardant une intéressante minéralité. Deux bouteilles qui valent largement un détour
Au déssert - mousse de mangue et fruit de la passion avec glace coco. Ayant jusqu'ici goûté L'Extravagant de Doisy-Daà«ne et d'Yquem séparément, j'étais curieux de les confronter face à face, à l'aveugle et si possible sur le même millésime. L'expérience est maintenant tentée depuis ce soir!
L'Extravagant 1997
Robe or lumineux. Nez complexe et élaboré de fruits exotiques, pate d'amande, vanille, pêche blanche et beurre. La bouche est énorme, comme une ruche bourdonnante foisonnant de dizaines de goûts complémentaires et très élaborés, où aucun ne semble dominer l'autre. Quelle richesse! On peut cependant lui reprocher un style quelque peu uni-dimentionnel - presque rococo si l'on devait faire un parallèle artistique. Puissance et longueur sur un noble botrytis qui résiste bien à une attaque sucrée peu commune. Un vin assurément hors normes, mais qu'il vaut la peine d'avoir goûté, au moins une fois, dans sa vie.
D'Yquem 1997
Si la robe est à l'identique avec celle de l'Extravagant (or lumineux), on est, dès le nez, immédiatement plongé dans la magie du Roi des Sauternes. Là où l'Extravagant nous joue un morceau de virtuosité "à la Liszt", d'Yquem nous raconte un poème riche en émotions et tout de rigueur et d'élégance. La race du botrytis se marie avec un équilibre parfait des éléments structuraux. La richesse des composants n'est cependant jamais assourdissante. La complexité est évidente, mais là ou l'Extravagant nous inonde d'un Tsunami arômatique étourdissant, d'Yquem nous propose au contraire une palette de sensations d'une divine finesse. Que faire, sinon de se taire devant un tel chef d'oeuvre, dont pas une molécule ne semble perturber l'admirable harmonie de ce moment d'exception. Assurément, on touche du doigt une idée de la perfection. Probablement un des d'Yquems les plus remarquables du XXème siècle, et dont nos enfants parleront avec émotion dans 50 ans!
Vivement la prochaine rencontre !!
Alain