Hier, le soleil brillait en Touraine, il y faisait bon se promener et déguster dans quelques excellents domaines de la région.
Le matin, nous étions attendus chez Eric Nicolas (Bellivière) pour récupérer nos 2003. Le maître des lieux discute avec nous, mais il a fort à faire : nettoyer les cuves arrivées une semaine en retard, qui serviront à l'assemblage des 2004. Tiens, et si on allait les goûter, justement :
Les Rosiers : intéressant, un peu d'amertume, la cuvée qui m' a semblé la moins réussie de l'ensemble, même si la matière est prometteuse. A ce stade, l'Effraie est plus accompli. Une partie des fûts aura connue la malo (pas recherchée, mais pas corrigée non plus, on laisse faire la nature), ce qui assouplit le vin, mais la matière est belle et fraîche. Vin probablement accessible rapidement.
Les VV Eparses sont toujours aussi réussies. La dégustation sur différents fûts, dont deux barriques de 600 L (nouveauté cette année, expérimentation menée aussi chez Chidaine, Dagueneau et Bossard, barriques avec chauffe à la vapeur d'eau, comme chez Pinon) dont l'une ayant connue la malo, est passionnante : autant le VV Eparses de la barrique avec malo est rond, mais frais, pour tout dire assez charmeur, autant celui issu de la barrique de 600L sans malo est plus tendu, belles sensations en bouche. Le vin issu des fûts traditionnels possède un nez étonnant d'asperge, matière plus en retrait, plus austère. L'assemblage devrait donner de jolies choses.
Calligramme est d'ores et déjà magnifique, avec de belles notes grillées et minérales, la complexité est déjà là, sur tous les fûts dégustés. Très prometteur.
Les rouges ne sont pas en reste, avec une fraîcheur et une qualité des tanins exemplaire. Finales un poil asséchantes, mais la température de dégustation était fraîche. La aussi, vins prometteurs, évidemment plus classiques que les 2003.
Justement, en bouteille :
Calligramme 2003 : superbe ! tout pour faire une grande bouteille dans 10 ans. Patience.
Rouge Gorge 2003 : excellent, je retrouve le côté gourmand de l'année passée (le vin était encore en élevage). (97% pineau d'aunis, reste : côt et cabernet). Belle matière, on peut le garder sans problème quelques années.
Giroflées 2004 : rosé de pineau d'aunis, en partie surmaturé. Joli rosé demi-sec, épicé et floral. Les plats asiatiques sont les bienvenus.
2004 est un très joli millésime sur ce domaine. Structures classiques, vins bien mûrs. Pas au niveau de 2002, mais pas loin. Et le domaine progresse encore !
Accueil charmant et attentionné de M et Mme Nicolas, malgré leurs impératifs (dont préparation des vendanges, mais ils ont encore du temps).
Arrêt pour se restaurer après cette belle dégustation :
La Mère Hamard à Semblançay, au nord de Tours. Excellente adresse, prix raisonnables, tant pour le menu terroir (18 €), jolis produits, que pour les vins : Chinon Clos de l'Echo 1990 à 44 €. On s'est sifflé la bouteille à deux (même pas mal ;-)) ; ce chinon, dont on sent la chaleur du millésime, a su conservé sa finesse, sa "digestibilité". Parfait.
Direction Montlouis-sur-Loire, où nous retrouvons la Cave Insolite. Ambiance de début de vendange (les sauvignons ont été ramassés ce w.e., très prometteurs selon Manuela Chidaine), on ressent de sa part pas mal de stress, surtout en face de d'jeuns plutôt "j'men foutistes". Ca rigole pas chez eux, on perçoit facilement l'attachement au travail bien fait.
Les 2004 sont de belle facture, mais on est loin de 2002 : Choisilles très austère, à oublier en cave. Nouvelle cuvée les bournais, issue d'une parcelle que François m'avait fait visité il y a 2/3 ans avec Xavier. Là, on est sur l'argilo-calcaire (pas sur les traditionnelles perruches), vignes âgées de 7 ans. Joli vin, très accessible, fruité, plus simple que les autres, notamment qu'Argiles (Vouvray), cette dernière cuvée se révélant très charmeuse, malgré la mise en bouteille récente (15 jours). Les Tuffeaux possède une matière intéressante, même si on ressent toutes les faiblesses du millésime.
Pas le temps de souffler, on part vers Husseau où nous attendent Eric Goujat et sa femme, du domaine Levasseur-Alex Mathur. Ces derniers ont repris le domaine Levasseur en 2000 et font parti de la toute nouvelle génération de vignerons sur Montlouis qui viennent d'ailleurs (eux de Paris). Pas facile de s'implanter dans une petite appellation qui vivotait, car hormis Chidaine et Blot dans les années 90, on ne peut pas dire que Montlouis brillait particulièrement.
Ils sont quelques uns à faire parler d'eux dans les magasines (hormis les célèbres Blot et Chidaine), Châtenay, Goujat, Cossais, Saumon et un p'tit nouveau qui a fait la une de la RVF en juin, qui dynamisent l'appellation, tout en se serrant les coudes. Dès que Stéphane Cossais a un problème avec une cuve, il sait qu'il peut compter sur les Goujat pour lui filer un coup de main et la réciproque est vraie. Il règnait hier soir une excellente ambiance dans la cour du dom. Alex Mathur (contraction des prénoms des 3 enfants du couple). L'avenir leur appartient et je leur souhaite de produire de grands vins ! En plus, ils prennent garde de ne pas prendre la grosse tête avec toutes les louanges de la presse, car ils savent aussi que la roue tourne parfois très rapidement...
Là aussi, on sent la préparation des vendanges (recrutement des vendangeurs notamment). Les 2004 sont sérieux, bien faits, plus immédiats que ceux de Chidaine. Joli travail. Mais ce sont les 2003 qui m'ont enthousiamé :
un liquoreux "Loire Rive gauche" possédant 120 g de sr, bien équilibrés, belle matière. Parfaite alternative à ceux de Blot, à des prix eux raisonnables. J'avais goûté sur fût les liquoreux de Chatenay (pas depuis la mise) qui doivent être du même accabit.
Mais c'est surtout leur cuvée Les Druides qui m'a époustouflé. Joli nez sur la rose, beaucoup de distinction. Bouche associant maturité, gras, ampleur et fraîcheur. "Ah ! ce n'est pas du chenin, vous me dîtes ? enfin qu'est-ce que ça peut-être ? c'est original " j'évoque alors un gewurz... mais je me ravise et trouve le sauvignon. Mais pas seulement. Assemblage de chenin, chardonnay et sauvignon dans les mêmes proportions, assemblées après élevage dans trois barriques séparées. Superbe !
Autre cuvée intéressante : les Carnutes 2003, cabernet franc bien mûr, aux tanins puissants, soyeux. Devrait faire un malheur dans quelques années.
Ensuite visite des caves (superbes !) et on goûte aux premiers jus en fermentation de 2005. Le sauvignon glougloutait tranquillement.
Bref, globalement, de jolies cuvées et une volonté, commune aux nouveaux vignerons de Montlouis, de faire le mieux possible. Ils sont sur la bonne voie ! accueil d'une gentillesse rare.
Je n'ai qu'une envie, revenir au plus vite déguster et discuter plus en profondeur avec Stéphane Cosssais, Laurent Châtenay, Frantz Saumon et qui sait, peut-être participer à l'un de leurs fameux gueuletons !
Quelle est toujours aussi belle et accueillante la Touraine, pour ceux qui l'aiment !
Phi
"Ô lachrima Christi ! C'est de la Devinière, c'est vin pineau. Ô le gentil vin blanc ! & par mon âme, ce n'est que vin de taffetas." (Grandgousier dans Gargantua.IV)
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