Lundi dernier, je me suis rendu pour la première fois (ça faisait un moment que je me disais qu'il faut que j'y fasse un passage) chez Julien Thurel, à Loury dans le Loiret.
Julien Thurel m'a accueilli avec une très grande gentillesse, et avec passion pour son métier de cidriculteur.
Le Domaine est actuellement en travaux pour agrandissement car il est actuellement à l'étroit, et également en prévision de l'augmentation de la production qui devrait avoir lieu dans les prochaines années avec les nouvelles plantations que Julien Thurel a effectué. C'est lui même qui a fait toutes les greffes (par manque de moyen au départ).
Le Domaine cultive des variétés anciennes de poiriers autour de Loury mais aussi sur la Commune de Chateaurenard à l'Est du Loiret. C'est d'ailleurs là qu'il a acquis sont premier verger. Il cultive également d'anciennes variétés de pommiers pour le cidre.
La cave se compose d'une cuverie inox thermorégulée récente, ainsi que d'un par de fût de 228l qui a vu plusieurs vins.
Du côté des produits et de la dégustation je ne vais pas y aller pas quatre chemins : le niveau des cidres et poirés est absolument BLUFFANT !!!
J'ai goûté essentiellement les Cidres, car les Poirés sont actuellement tous en rupture, sauf le Poiré KER ANNA qui est issu d'une collaboration avec un ami de Julien Thurel situé en Bretagne. C'est donc un poiré élaboré avec des Poires qui viennent de Bretagne et non du Loiret.
Poiré Ker Anna doux : Au nez la poire est très présente, à là fois poire à l'eau de vie, et poire légèrement cuite avec de fines notes d'amende. En bouche la bulle est très élégante et fine, c'est assez doux, on sent le sucre mais c'est parfaitement contrebalancé. On retrouve la poire et l'amende. Une gourmandise absolue qui ne titre que 3.5% d'alcool. On en boirait des seaux. Je préfère assez nettement à la cuvée Authentique d'Eric Bordelet.
Dans les cidres toutes la gamme est remarquable et digne d'intérêt. Si je devais retenir seulement deux cuvée en particulier ce serait les suivantes :
Cidre "Champêtre" Brut 2017 :
Une robe plutôt claire. Un nez hyper fin et délicat, d'un certain raffinement et qui donne une sensation de complexité bien supérieure à ce que j'avais l'habitude de boire. La bouche poursuit sur cette élégance et ce raffinement. On a absolument pas le côté aigrelet, poulailler de la pomme. La bulle est délicate, amers légers et nobles en fin de bouche. C'est l'entrée de gamme ça ?
Rien qu'avec cette cuvée ça surpasse pour moi toutes celles de... Bordelet.
Cidre "Solstice" Extra-Brut 2017 :
On passe ici sur une cuvée vinifiée en fût, avec une petite prise de mousse en bouteille, un vieillissement de 12 mois en bouteilles, tournée et dégorgée à la main.
Le nez fait au départ plus penser à un vin effervescent qu'à un cidre car le côté pomme est très fin et discret (on le perçoit tout même). C'est assez floral, un peu minéral.
En bouche la texture et bulle est assez différente et l'effervescence fait tout de suite pensé à celle d'une méthode traditionnelle. L'attaque est assez ronde, gourmande. Aucune sensation de sucre. La fin de bouche distille des tanins très fins de la pomme, avec une touche minérale.
Julien Thurel a encore pas mal de projet en tête, notamment essayer de pousser sur certaines cuvées des temps de vieillissement à 2 ans, voir 3 ans, car il est persuadé que cela peut apporter beaucoup en terme de complexité.
Bref je suis ressorti de cette visite scotché par le niveau de la production. Je n'ai qu'une hâte c'est goûter à l'automne les poirés qui étaient en rupture.
De mon point de vu le niveau des Cidres est
LARGEMENT SUPÉRIEUR à ceux d'Eric Bordelet. Alors attention il y a des différences de style c'est certain, mais avec Julien Thurel on est selon moi plus sur une approche vin. Les Cidres sont pour moi plus complexe et surtout beaucoup plus fins et raffinés.
A ce jour c'est ce que j'ai goûté de mieux en matière de Cidre.
Je tire également une leçon qu'il faut à mon avis toujours garder en tête lorsque l'on est amateur et passionné (de vin ou d'autre chose) : rester curieux et continuer de découvrir, ne pas se reposer sur les acquis.
En effet quand je regarde le marché du Cidre et Poiré, on trouve la production d'Eric Bordelet et puis c'est à peu près tout. Moi même jusqu'à présent je ne goûtais et achetais que Bordelet (que ce soit en perso ou pour mon activité professionnelle). Chez les cavistes on ne voit que Bordelet ou presque. Au sein de la Sommellerie on ne parle que de Bordelet ou presque (même temps, en tant qu'ancien sommelier logique qu'il ait tissé des lien fort avec la Sommellerie). Les journalistes ne parle que de Bordelet ou presque....
Et donc au final on fini presque par penser que le cidre et le poiré c'est Bordelet et rien d'autre ou presque. Alors qu'en restant curieux, on se rend compte qu'il peut y avoir d'autres choses, et en plus de plus haut niveau !! Le raisonnement est à mon avis valable pour les vins.