C’est en effet un match amical que l’ami Claude a organisé pour notre club de dégustation Amphores de Bourges. Amical car les vignerons et les millésimes pouvaient varier quelque peu entre les appellations. Mais match intéressant car si Fixin est bien connu et bénéficie de six premiers crus, Marsannay pouvait jouer le rôle d’outsider…
L’ordre de dégustation choisi a été les Marsannay puis les Fixin, à chaque fois du plus jeune au plus vieux.
La dégustation a eu lieu étiquette découverte, sauf pour le vin servi en before (nous l’appellons « vin mystère »).
Before
Domaine Bid’gi – Château Haute Carizière – Muscadet Sèvre et Maine sur Lie – 2018
Je voulais faire découvrir ce domaine où j’avais effectué une très belle visite en juillet.
Au passage, si le nom du domaine vient de ses propriétaires Daniel Bideau et Marie-Béatrice Giraud, on m’a fait remarquer que c’était certainement un clin d’œil aux Bee Gees… Ma mère avait raison : je ne vois pas de l’eau dans le lac…
La robe paille a quelques reflets verdâtres.
Le nez expressif mêle fruits blancs, la pomme notamment, et fleurs blanches.
L’attaque gourmande est titillée par un infime perlant, puis la bouche fait preuve d’une belle rondeur et d’une superbe fraîcheur avant qu’une légère amertume en finale vienne complexifier l’ensemble, ou le gâcher un peu selon les goûts.
Bien + pour ce vin au rapport qualité / prix incroyable !
Domaine René Bouvier – Marsannay – Le Finage – 2016
La robe peu sombre est agrémentée de légers reflets violacés.
Le nez très intense et d’une élégance certaine est égayé par de jolis fruits rouges mâtinés de notes florales.
La bouche possède une belle matière, pas très charnue mais mise en relief par des tanins aiguisés. Le boisé teinté d’amertume est encore bien prégnant et met le fruité au second plan. Un vin qu’il faut bien entendu attendre.
Bien +(+)
Domaine Bruno Clair – Marsannay – Les Longeroies – 2016
La robe moyennement sombre est bien jeune.
Le nez intense donne immédiatement une impression de matière mûre et dense. Le fruité est plus noir que pour le René Bouvier du même millésime, sur la cerise burlat, s’enrichissant de notes de graphites et de ronce.
En attaque, la bouche est très concentrée, presque comprimée car elle donne l’impression de pouvoir offrir encore plus. Les tanins denses et gras, sans aspérité, structurent l’ensemble, bien aidés par une très belle acidité qui participent à la bonne allonge sur les épices. L’élevage est certes sensible en bouche mais au service de ce vin qui devrait aller très loin.
Pour moi et pour la plupart des dégustateurs, le vin de la soirée :
Très Bien +
Domaine Bart – Marsannay – Les Echezots – 2015
La robe claire fait encore bien jeune.
Très intense et même rehaussé par une pointe d’acidité volatile qui disparaît à l’aération, le nez développe une belle complexité avec de la cerise, certes, mais aussi du poivre, une note musquée et une touche d’humus.
La matière impressionne en bouche par son volume et sa densité. Le toucher est soyeux mais l’aromatique déjà tertiaire sur les champignons, surtout dans le long final, est moins enchanteresse.
Je ne peux croire qu’il soit déjà sur le déclin, peut-être dans une phase difficile ?
Bien ++
Domaine Huguenot – Marsannay – Montagne – 2012
La robe claire a des reflets légèrement tuilés, signe d’un début d’évolution.
Le nez d’une bonne intensité exhale un fruité pur et très fin, faisant la part belle à la cerise et à la fraise.
La bouche est toute en légèreté, d’un profil en creux, aux arômes malheureusement végétaux (
effet millésime ?effet de séquence par rapport aux millésimes précédents ?) et à la finale marquée par des amers peu plaisants.
Un vin qui a manifestement dépassé son apogée.
Bien pour ceux qui ne sont pas réfractaires aux vins « vieux ».
Domaine Bart – Fixin – 2016
La robe est peu foncée mais dense, aux reflets violine.
Très ouvert et doté d’une légère acidité volatile (une constante chez ce vigneron ?), le nez offre des fruits noirs puis, après aération dans le verre, des épices nobles. C’est fin et relativement complexe.
La bouche est malheureusement dissociée à ce stade : l’attaque est massive, constituée d’une grosse matière bien pleine. La deuxième partie est plus sur la fraîcheur qui lui apporte de l’élan avec l’aide de tanins incisifs, jusqu’à une finale salivante.
Ce vin est trop jeune, bien qu’il doive parfaitement se comporter à table, mais on peut placer de très bons espoirs en lui quand toutes ses caractéristiques se seront fondues.
Bien ++
Domaine Alain Jeanniard – Fixin 1er cru – Clos de la Perrière – 2015
La robe est relativement sombre, ni jeune ni évoluée.
Le nez intense pinote, c’est sûr ! De la cerise, de légères notes florales et même un soupçon de ronce s’entremêlent pur proposer un ensemble prometteur.
La promesse n’est qu’à moitié tenue en bouche : belle ampleur, de la mâche avec des tanins un peu saillants, un fruité combiné à des arômes végétaux, une bonne vivacité et une finale persistante sur l’amertume.
Bien ++ / Très Bien mais on pouvait attendre encore mieux de ce premier cru qui est le fleuron de l’appellation, sur un grand millésime.
Domaine Alain Jeanniard – Fixin – En Combe Roy – 2014
La robe claire laisse apparaître une toute petite évolution sur la frange.
Ouvert sans plus, le nez oscille entre arômes fruités et floraux, rehaussés par une touche de menthol.
Malheureusement la bouche est décharnée, avec une acidité qui domine tout. Mon naturel optimiste pourrait m’inciter à parler d’un profil droit et long, mais cette droiture et cette longueur apportées par une acidité tranchante ne s’appuient sur aucune matière.
Un vin qui a largement dépassé son apogée : inquiétant ou alors il y a un problème de bouteille.
Assez Bien si on veut positiver.
Domaine Guy et Yvan Dufouleur – Fixin 1er cru – Clos du Chapitre – 2007
La robe se révèle très claire, tuilée et presque cuivrée.
Le nez très intense possède la complexité des vins à maturité voire assez vieux : il est quand même bien marqué par les arômes animaux mais on peut aussi y déceler des fruits comptés, du cuir, du floral, des champignons et du grillé.
La bouche a encore de la tenue, contrairement au vin précédent alors qu’il a sept ans de plus, mais il la doit à l’alcool ou en tout cas cette sensation alcooleuse trop prégnante. L’acidité, importante mais pas du tout rédhibitoire, ressort principalement dans la finale persistante.
Bien
Ma conclusion manquera forcément d’objectivité puisque les vins ont été dégustés étiquette découverte. Je retiens néanmoins qu’à mon sens aucune appellation n’a battu l’autre (encore une fois ce n’était pas le but de faire un véritable match sur de si faibles nombres de vins et avec forcément des choix limités en domaines et millésimes) et que ce sont surtout les vignerons qui ont fait la différence, même s’ils ne sont pas issus des meilleurs crus.
Le Marsannay de Bruno Clair a dominé de la tête et des épaules malgré sa jeunesse, et les vins des domaines Bart et René Bouvier sont très prometteurs.
Merci à Claude d’avoir permis cette confrontation amicale qui était une découverte pour pas mal de dégustateurs.
Jean-Loup