Les 2019 au Domaine Bruno Clair
Il est bon le temps de pouvoir se balader et d’aller rendre visites à nos amis vignerons, récupérer nos bouteilles et passer la journée à discuter avec eux. Bien évidemment, depuis 1 an, tout n’est plus pareil. Cette journée était initialement prévue en novembre, mais a été reportée pour cause de confinement à l’époque. Déplacée depuis à ce vendredi 05 février, j’ai attendu jusqu’à moins de 8 jours avant le périple pour finaliser le parcours, craignant de nouvelles mesures de restrictions de circulations. Finalement, de façon cahin caha, nous pûmes effectuer ce parcours, obligeant un départ aux aurores de l’agglomération stéphanoise pour un retour 3 minutes avant l’instauration du couvre-feu, ayant eu le temps malgré tout de visiter 3 domaines.
Nous commençons par un domaine qui nous est cher et qui clôt traditionnellement notre périple de novembre. Par la force des choses, nous commencerons par celui-ci cette année.
Nous arrivons à 8h45 pour une dégustation au rythme effectué de façon plus rapide que d’habitude, à notre demande. Pour l’occasion, nous faisons la rencontre pour la première fois d’Arthur, fils de Bruno, qui a pris le relai de Philippe Brun dont nous nous faisions une joie de lui souhaiter bonne retraite. Mais ceci n’aura malheureusement pas eu lieu à cause des circonstances que nous subissons tous…Le domaine s’établit sur environ 25 ha, et comprend 28 appellations sur 8 villages. La part d’export représente environ 2/3 des volumes, avec des circuits privilégiés vers le Royaume Uni, le Japon, le Québec et les USA, malgré la taxe Trump.
Malgré un gros stress hydrique, 2019 s’annonce comme un très beau millésime, pur et pinotant, mais avec une diminution de rendement de l’ordre de 30% pour les rouges et d’environ 50% pour les blancs par rapport à 2018 qui, il faut l’avouer, avait permis de bien remplir les caves. Les blancs, selon Arthur seraient dans la lignée de 2014 ou 2017.
Nous commencerons par goûter en cave un large éventail de la production du domaine en rouge
(non soutirée pour l’instant, toujours laissé sur lies), puis nous remonterons à la cuverie pour goûter 3 blancs, et voir l’avancée des travaux de la construction et de l’extension de la cave.
2019.
Marsannay Les Longeroies : 1,55ha (/36 ha), pour moitié planté de 1924 à 1926, le reste de 1979 à 1985. Le sol repose sur des dalles calcaires minces sur la partie supérieure du climat, et sur des marnes graveleuses rougeâtres en bas de coteau. Les Longeroies sont un long climat (un kilomètre du Nord au Sud, à environ 275 mètres d’altitude, dont la pente est modérée et exposé Sud Est. Voir
ici
30% Grappe entière. Nez éclatant de cassis et de myrtille. Bouche fraîche, ciselée, au fruit très joli et pur donnant un ensemble très digeste. Parfait pour réveiller les papilles. J’aime Beaucoup.
TB+
Marsannay Les Grasses Têtes : 2,09 ha (sur 4,99), vignes essentiellement plantées de 1969 à 1973, situé sur les hauteurs du village sur un sol argileux riche et lourd. Situé entre 280 et 335 mètres, exposé Est, sur un coteau pentu à 10%.
50% Grappe entière. Robe un peu plus foncée que Longeoies. Nez acidulé, sur la griotte, avec un fond fumé. La bouche est plus structurée, dotée d’une présence tannique plus imposante. Ensemble un peu plus frais, assez racée sur un fond de végétal noble.
TB+
Chambolle Musigny Les Véroilles : 1,60 ha, planté en 1989, situé la aussi eu dessus des Bonnes Mares, climat situé dans le prolongement de la Rue de Vergy, sur un sol très calcaire.
Nez très gourmand et floral. La bouche est ronde, souple, avec quelques amers pas tout à fait en place. Très floral, il est complété par des notes d’encre. Ensemble gourmand et gouleyant, assez représentatif de ce que l’on est en droit d’attendre de Chambolle Musigny.
TB-E
Morey Saint Denis En la Rue de Vergy : 0,54 ha plantés en 1980, situé au dessus des Bonnes Mares, directement sur le substrat calcaire.
Nez réduit, sur un fond fumé et de myrtille. La bouche est plus puissante et terrienne que le Chambolle Musigny. Très pierreux, on sent et on touche le calcaire sur la langue. Tanins poudrés. Peut être un peu dur.
B-TB
Gevrey Chambertin : Sols riches et situés sur les parcelles Les Carrougeots et En Jouise, complété d’un peu de Fonteny et de Bel Air déclassés.
Joli nez de fraise et de cassis. Bouche souple et gourmande, fluide. Ensemble de belle buvabilité dans un registre facile et assez peu complexe.
TB
Savigny Lès Beaune 1er Cru La Dominode : 1,71 ha, planté en 1902 (la plus vieille du domaine, soit 119 ans…) avec suivi des plants au cas par cas, sur le climat les Hauts Jarrons de sol argilo-calcaire, exposé Est.
Nez réduit. Bouche dense, charnue, un peu poivrée. On retrouve de la myrtille et une belle floralité (lilas, iris). Joli volume, long et assez puissant, de garde assurément.
TB-E
Gevrey Chambertin 1er Cru Cazetiers : 0,87 ha, planté en 1958, 1972 et 1996, sur un climat prolongeant le Clos Saint Jacques au Nord, sur un sol de marnes pauvres avec dépôts calcaires, plutôt en altitude (entre 300 et 355 mètres). La maturité est généralement obtenue 1 semaine après celle du Clos Saint Jacques.
30% de grappe entière. Nez fumé et dense. La bouche est droite, de grosse densité. On a passé un cap. Gros volume, long, tonique sur une pointe d’agrumes. Ensemble assez puissant. Très structuré. Finale avec une pointe herbacée sur un fond d’encre et de fumé.
E-
Gevrey Chambertin 1er Cru Clos Saint Jacques : 1 ha (sur les 6,7 du Clos, soit 25 rangs), pour moitié planté en 1957 et l’autre en 1972, à l’embouchure de la Combe de Lavaut, exposé Sud Sud Est (voir
ici
et
là
). C’est un vignoble pentu (17% en global, qui s’accentue en vers le haut) et relativement élevé (de 290 à 345 mètres.Sol très rocheux et riche en argile, dont la profondeur augmente significativement du haut vers le bas de coteau. Originellement, ce climat se partageait en 4 propriétaires (Rousseau, Fourrier,Clair-Daü et Esmonin) et le domaine en possédait 2 ha, mais la moitié a été vendu à Jadot en 1985 lors de la séparation du domaine Clair-Daü.Le domaine, à l’instar des 4 autres propriétaires, en possède une bande s’étirant sur toute la hauteur du climat.
Environ 50% de grappe entière. Nez de baies bleues, de myrtille sur un fond fumé et de graphite. La bouche est droite, plus élégante et un peu plus veloutée que Cazetiers, mais également un peu plus herbacée.
TB-E. Très léger avantage à Cazetiers pour moi.
Chambertin Clos de Bèze : 0,98 ha (sur les 15,4 h sur le tiers Nord du climat), 2/3 planté en 1912 et 1/3 planté en 1972, sur un sol caillouteux pauvre, riche en argile sur le bas. Le domaine en possède une parcelle s’étendant sur presque toute la hauteur du Grand Cru.La pente est un peu plus douce que pour le Clos Saint Jacques (11% versus 17%) à une altitude comprise entre 275 et 300 mètres.
Nez superbe, floral, avec un joli fruit (fraise, framboise) très pur. La bouche est superbe d’équilibre, tanins d’un superbe touché, enveloppé juste par ce qu’il faut de gras, sur un fond vanillé. Puissant, long et volumineux. On gravit encore une marche avec cette cuvée, une main de fer dans un gant de velours.
E++
Bonnes Mares : 1,64 h, planté pour moitié en 1946 et pour moitié en 1980. Intégralité des vignes du Bonnes Mares côté Morey Saint Denis, jouxtant le Clos de Tart (y compris la parcelle Ex-Mommessin), sur un sol dur de calcaire blanc.
Nez assez neutre. La bouche est beaucoup plus austère, plus dure et ferme. De grosse constitution, complètement brut de fonderie. Très puissant et de grosse densité. Vin de mâche, assez viril. Cru que je goûte toujours assez mal.
TB+
Nous passons désormais aux blancs qui représentent environ 15% de la production totale., directement tirés sur cuve inox.
Marsannay Source Des Roches : Assemblage de Vaudenelles, de Grasse Tête et de Rosey. En haut de coteau.
Nez de citron et de verveine. Bouche plaisante, à la belle maturité. Joli équilibre maturité / acidité. Ensemble assez fin, de grande gourmandise et de belle buvabilité, d’autant qu’il semble prêt.
TB-E. Vin qui m’évoque fortement le Marsannay Blanc Champs Perdrix du
Domaine Marc Roy
, sur des notes de pêche de vigne.
Morey Saint Denis En la Rue de Vergy : Planté à même la roche mère sur une table de calcaire.
Nez plus neutre. La bouche est plus droite, sur le gravier humide. Très pierreux, il ne peut pas nier son origine géologique. De joli volume, avec un très léger boisé grillé en finale. Ensemble long et tendu qui appelle irrémédiablement une belle sole meunière.
E-
Corton Charlemagne : 2 parcelles plantées en 1972 et 1976, presque contigües située Aloxe Corton en haut de coteau.
Nez de citron, de tilleul, de verveine, de citron caviar. La bouche est ronde, assez grasse. Belle maturité, de joli volume, mais manquant de tension en ce moment. Peut-être un peu simple à l’heure actuelle et probablement dans une phase ingrate.
TB-
Au total ? Arthur est jeune, dynamique, et a visiblement été à bonne école au domaine. Il possède également quelques belles idées pour le futur, en particulier concernant les vins blancs, que l’on a rarement goûtés aussi bien d’ailleurs. Nous avons trouvé dans l’ensemble un millésime 2019 très qualitatif et extrêmement précis en terme de définition aromatique et de lisibilité des cuvées, avec des touchers de bouche et des tanins peut être un peu plus fins que ce qui se faisait avant. Effet millésime ou déjà une empreinte de la nouvelle génération ? Il est encore trop tôt pour le savoir, mais cela rend intéressant la suite de l’évolution du domaine… et nous encourage à revenir au plus tôt, dès novembre prochain dans le meilleur des cas ou, si tout va bien, nous pourrons découvrir les nouveaux bâtiments.
L'emploi du temps étant chronométré, il est désormais déjà l'heure de nous en aller pour descendre un peu plus bas en Côte d'Or...
Merci encore au Domaine Bruno Clair d’avoir bien voulu nous recevoir malgré les contraintes sanitaires en vigueur.