Bonjour à tout le monde.
S’il est une appellation qui plus que les autres m’a longtemps fait rêver, c’est bien Vosne-Romanée, avec son ondoyant paysage et ses crus légendaires. Quel plaisir de descendre dans les caves moussues pour y tâter des trésors en barrique. J’ai souvenir ancien mais radieux, de belles réceptions comme ailleurs en Côte de Nuits et Côte de Beaune. Les vignerons continuent-ils de proposer de mêmes périples ?
Ce samedi, voyage en Bourgogne avec l’ouverture du Richebourg 1988 enfanté par Jean Grivot. Ce cru m’attire depuis longtemps et a été préféré à Yquem 80 réservé à d’autres honneurs. J’imagine un cru haut en couleurs, avec une robe d’un rouge profond, en pimpante forme, jovial et noble bien sûr. C’est le cliché de frère Jean dans Robin des Bois qui me vient à l’esprit. Alors, vais-je ranger ce cru dans mon panthéon des grands vins de référence ? Pour cette expérience, un pigeon en cocotte avec de toutes jeunes pommes-grenailles a été élu et je m’en frotte les mains de contentement.
L’ouverture :
Comme à l’habitude, j’ôte le plus gros de la poussière du flacon et place celui-ci debout dès le matin afin de faire tomber les éléments solides. Le niveau est impeccable. Le screwpull fait son office et sort vainqueur à nouveau de son duel avec le bouchon. Tel un sommelier j’hume celui-ci, évidemment ce geste ne m’apporte aucune indication probante, ni plaisir. Entre nous, je ne vois dans cette attitude que du folklore rien de plus, voire un manque de classe au restaurant sinon une tartuferie. Parce que quand même ces senteurs de liège…
Premier nez :
Un coup de chiffon sur le buvant de la bouteille et hop, le nez est de suite approché. Les effluves de pinot noir sont immédiates et je me crois revenu au dessus d’une bonde. Je distingue aussi quelques bonnes senteurs de terre fraîche printanière. Satisfaction.
Service :
Servi une première fois à l’apéritif, le breuvage délicatement versé confirme les premières impressions. Le niveau a baissé et permet une meilleure oxygénation du vin, mais je m’interroge. Dois-je laisser la bouteille poursuivre tel quel son processus de dégradation heureuse des arômes, ou au contraire vaut-il mieux les emprisonner sous bouchon inerte. Je joue classique en imaginant un développement exponentiel des qualités. Je donne son verre à Madame qui doctement, les lèvres pincées fait tourner avec douceur le liquide. Comme le règlement l’exige, elle porte ensuite son nez au-dessus du verre, analyse quelques secondes et enfin goûte. « Extra, parfums de sherry, de cerises » est son verdict, je souffle, sauvé. J’accorde le plus grand crédit à son avis spontané et sans influence. A mon tour d’en profiter.
Davantage que le Musigny De Vogüé goûté il y a quelques temps la robe du Richebourg est sombre et paraît conforme aux canons que je me fais de la Côte de Nuits. Parfaitement moirée celle-ci flatte l’œil indiscutablement. Des teintes pourpres soutenues en son centre et un cuivré inévitable en bordure. De beaux habits donc, très gais, que certains assimileront à de la haute couture pour mi-saison.
Deuxième nez :
Le verre secoué à nouveau permet un langage plus clair des senteurs. Celles-ci sont directes encore, mais toutefois pas exubérantes. En tous cas bien complexes et suggérant des notes de clou de girofle, de bon cuir, de rose, de gras, de sauce au vin, et je n’ai pu me défaire de cette impression : de crème de cassis. Un nez à la fois net et très gourmand, délicat aussi. Mais surtout constant à défaut de se montrer volubile. Du plaisir.
Bouche :
La dégustation en bouche tient ses promesses et même si la longueur n’est pas le point fort de ce cru, le vin ne fuit pas. C’est un sentiment de constance qui prédomine encore. Le Richebourg s’ingénie à rester en bouche, attendant un partenaire pour communion. Le pigeon s’est prêté de bonne grâce à ce jeu là ce qui nous valu de beaux instants de gourmandise. La trame souple et le goût du vin ont bien résisté aux chairs donnant une alliance réussie malgré l’absence de sophistication. Goûté sans accompagnement le vin est plus discernable et apparaît davantage naturel et frais. Les parfums perçus au premier abord ressortent mieux ici. Aucun déséquilibre alcoolique malgré les 14%, mais au contraire un raffinement complet de tous les composants tanins, acidité, fruits compotés. Absence de salinité, tant mieux. Et puis j’ose l’écrire, très bien apprécié aussi avec le munster idéalement affiné. Un modèle de grand cru qui mérite son titre. La classe.
Conclusion :
Le flacon est complètement bu et apprécié et ne présente aucun dépôt comme je l’avais pensé initialement. Contrairement à l’image de frère Jean que j’évoquais, c’est plutôt à un aristocrate que ce vin fait songer en fin de compte : droit, bien mis et mettant en avant sa culture sans ostentation. Un peu hautain et pincé. L’avenir de ce vin me paraît garanti pour quelques années supplémentaires, mais il est délicieux aujourd’hui. Cette bouteille a montré beaucoup de charmes. Celles restantes iront rejoindre le lot des crus réservés aux dîners en tête à tête avec chandelles.
Loup.