Nous avons 2481 invités et 57 inscrits en ligne

Grands et premiers crus de Bourgogne à Normale Sup par Bernard Burtschy - Début : côte de Nuits

  • axel
  • Portrait de axel Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 81
  • Remerciements reçus 1
Voici des nouvelles du club d'oenologie de l'Ecole Normale Supérieure, avec le compte-rendu d'une dégustation ayant eu lieu fin janvier.
Premier épisode sur la côte de Nuits...
(n'hésitez pas à le déplacer s'il n'est pas à sa place).

Le mercredi 25 janvier a eu lieu la seconde partie de notre grande dégustation thématique autour des grands et premiers crus de Bourgogne, avec la présentation de la Côte de Nuits, la Côte de Beaune ayant été parcourue la veille.
Cet événement est unique dans l’histoire de notre club, puisque nous sommes habitués à recevoir une propriété, présentant ses vins, alors qu’il s’agissait là d’un échantillon de la production de différentes domaines bourguignons que nous avions sollicités depuis plusieurs mois. L’organisation de cette soirée n’a été rendue possible que grâce à leur insigne générosité.
Et pour commenter ces bouteilles plus illustres les unes que les autres, nous avons eu la chance d’accueillir Bernard Burtschy, co-auteur du Classement des Meilleurs Vins de France 2006, certainement l’un des critiques de vin les plus reconnus de France, et surtout très fin connaisseur de la région.

C’est ainsi que, devant une assemblée d’une trentaine de personnes, entièrement renouvelée par rapport à la dégustation de la veille, Bernard Burtschy commence la soirée par un rappel des événements géologiques qui ont chahuté les terres de Côte d’Or. En effet, la connaissance des différents mouvements tectoniques qui aboutirent à la formation de l’anticlinal de Gevrey, du synclinal de Volnay, avec entre les deux une zone de compression importante dont sont issus les calcaires très durs de la Montagne de Corton, offre des éléments capitaux en vue d’une bonne compréhension des vins de la région.
Ces calcaires datant du secondaire constituent ainsi une terre de prédilection pour le pinot noir, qui se trouve ici à sa butée septentrionale de maturité, exprimant de fait la quintessence du terroir bourguignon. Ce cépage, génétiquement instable (pour preuve les plants de pinot blanc, notamment présents dans le Nuits Perrière de la famille Gouges), nécessite des soins culturaux particuliers. Bernard Burtschy évoque ainsi les types de taille utilisés et leurs avantages respectifs. La recherche d’une maturité optimale (aussi bien phénoliquement que physiologiquement), ces dernières années, est à l’origine du renouveau qualitatif des rouges de la région, après les décennies 70-80 assez désastreuses (mis à part quelques domaines qui ont su maintenir le cap en évitant de céder aux attraits d’une culture productiviste). Pourtant, la plupart des techniques qui apparaissent modernes relèvent en fait d’une tradition séculaire, comme par exemple les macérations pré-fermentaires à froid, déjà préconisées du temps de l’exploitation du Clos Vougeot par les moines cisterciens. D’ailleurs, un ouvrage remarquable (Mémoire de Dom Denise), écrit par un moine italien du XVIII ème siècle, a récemment été traduit en Français, et constitue un témoignage saisissant des pratiques viticoles et œnologiques alors en vigueur en Bourgogne.
Thibault Liger-Belair avait eu la sympathie de faire le déplacement jusqu’à Paris et assista à la dégustation aux côtés de Bernard Burtschy.
Pour cette dégustation, ce dernier a choisi une progression géographique, du Sud au Nord, et c’est une impressionnante série de dix-sept vins qui nous attend…

Nuits-Saint-Georges 1er cru Les Saint-Georges 2002 Domaine Gouges :
Nous débutons la dégustation par le plus grand climat de Nuits, qui aurait pu être classé en grand cru. Selon Bernard Burtschy, le domaine Gouges, très traditionnel, est « l’étalon du vin de Nuits-Saint-Georges ». La robe est d’un joli rubis, l’intensité colorante modérée. Le nez est assez ouvert, sur des notes fruitées distinguées. La masse tannique est importante, mais intégrée et sans austérité excessive. La structure est solide, avec une belle persistance. C’est une très jolie entrée en matière !

Nuits-Saint-Georges 1er cru Les Saint-Georges 2002 Domaine Liger-Belair :
Il est très intéressant de pouvoir déguster le même climat dans le même millésime, afin de mesurer l’influence du vinificateur et de comparer les styles. La robe est plus intense, l’élevage davantage perceptible, avec quelques notes de torréfaction. L’attaque est moins stricte, c’est plus enjôleur avec un gras certain, mais ils se rapprochent en finale. Bernard Burtschy prévoit un estompement significatif de cette différence de style d’ici quinze ans, le terroir étant appelé à reprendre le dessus.

Nuits-Saint-Georges 1er cru les Prûliers 2004 Domaine Duband (échantillon tiré sur fût) :
Bernard Burtschy nous présente le domaine : « David Duband appartient à la jeune garde bourguignonne, qui voit l’arrivée d’un grand nombre de vignerons passionnés et passionnants ». Le nez n’est pas encore tout à fait défini, mais la bouche est élégante, très racée, avec de jolis tannins. Thibault Liger-Belair évoque la vinification en vendanges entières, dont ce vin fournit un très bel exemple. C’est épicé, long, avec des tannins fins et intégrés.

Nuits-Saint-Georges 1er cru les Prûliers 2003 Domaine Duband :
La robe est très profonde, avec des reflets sombres. La maturité du raisin est bien perceptible, et s’exprime par des arômes de fruits noirs, de cerise et de kirsch. L’équilibre est très différent du précédent, mais la fraîcheur est conservée en finale. C’est un très beau 2003, chaleureux et gourmand, mais beaucoup d’entre nous préfèrent la distinction du 2004.

Vosne-Romanée Bossières 2001 Domaine Jean Grivot :
Ce vin est d’une couleur moins intense, avec quelques reflets pourpres. Nous sommes plusieurs à trouver des notes épicées agréables, c’est légèrement fumé. L’acidité est jolie, l’élégance et l’équilibre en font un bien sympathique village !

Vosne-Romanée 1er cru Aux Brûlées 2001 Domaine Jean Grivot :
La couleur est assez similaire au précédent, avec davantage de profondeur. L’expression aromatique est très fine, florale, avec une complexité très intéressante et notamment une nuance de figue assez marquée. Le toucher de bouche est soyeux, plein de délicatesse et l’on perçoit des arômes de ronce. Beaucoup d’entre nous ont vraiment adoré ce vin !

Echezeaux 2001 Domaine Jacques Prieur :
Comme la veille avec le Montrachet, Martin Prieur nous a gâté avec ce vin à la robe beaucoup plus intense, presque sombre. Le style est très différent, torréfié, avec des notes de pain d’épices. La concentration en bouche est remarquable : l’attaque est volumineuse, il n’y a pas de creux, c’est serré, dense, suave, mais avec une assise tannique bien présente. La dualité entre puissance et élégance a beaucoup plu dans ce vin, dans lequel beaucoup ont trouvé de la violette et de la mûre.

Vougeot 1er cru Clos de la Perrière 2002 Domaine Bertagna :
La couleur est à nouveau profonde, avec quelques nuances violacées. Bernard Burtschy évoque la présence argileuse dans le sol de Vougeot, signature particulière du terroir, ce qui fait que les vins nécessitent une garde plus longue. La palette aromatique se décline sur une belle variété d’épices, mais aussi de fruits rouges. L’attaque donne en effet l’impression de mordre dans de l’argile (les footballeurs de l’assistance confirment !), la maturité du raisin est superbe, le style est plein et précis.

Clos de Vougeot 2001 Domaine Jean Grivot :
Nous retrouvons de domaine fort généreux avec cette fois un vin issu de la partie haute du Clos de Vougeot (Maupertuis). La robe a pris davantage de reflets tuilés, l’intensité colorante est plus faible. Le nez est empyreumatique, l’attaque en bouche plutôt fermée, puis on a ensuite une masse tannique importante, avec beaucoup de dynamisme. Beaucoup l’ont perçu comme un grand vin, mais encore sur sa réserve et qui aura besoin de plusieurs années de cave afin de faire exploser son potentiel.

Chambolle-Musigny 1er cru les Charmes 2001 Domaine Amiot-Servelle :
En remontant vers Chambolle, on revient sur une plaque calcaire, et cette différence géologique importante se retrouve dans les vins. Bernard Burtschy nous signale que les Charmes constituent l’un des meilleurs terroirs du village. La robe est de demi-teinte, c’est encore assez peu expressif, sur un registre de petits fruits rouges. La texture est délicate, et la longueur correcte.

Musigny 2000 Domaine JF Mugnier :
Ce domaine, « tenant du grand Bourgogne classique, archétype de Chambolle », nous présente un Musigny assez faiblement coloré, avec des reflets pourpres. Il est magnifiquement bouqueté, avec une palette aromatique très riche, se déclinant notamment en des notes florales (rose, pivoine). L’attaque est jolie, mais le vin présente surtout un impressionnant « retour » en finale, il est très soyeux, plein de subtilité, c’est une véritable caresse pour le palais ! Pour Bernard Burtschy, on a ici un vin « antinomique du Tex-mex à l’américaine », vraiment magique pour la plupart d’entre nous et qui n’a cessé d’évoluer dans les verres à l’aération.

Clos Saint-Denis 1999 Domaine Arlaud :
L’intensité colorante est élevée, la robe se parant d’un rouge sombre. Le nez est assez torréfié et poivré, avec des notes de réglisse, de tabac, voire de cuir. La texture est charnue, c’est plein et concentré, dans un style plus rustique que le précédent, mais avec un joli velouté, qui a beaucoup plu à certains. Il a encore besoin de plusieurs année pour s’exprimer, mais fera certainement un compagnon idéal pour de nombreux plats !

Gevrey-Chambertin 1er cru Poissenot 2004 Domaine Geantet-Pansiot :
Bernard Burtschy nous signale que Vincent Geantet a fort bien réussi ses 2004. Ce vin d’un ton rubicond, après quelques stigmates préalables de réduction, présente un fruit gourmand, élégamment épicé ainsi qu’une bouche fine, avec des tannins fondus et harmonieux. En finale, on retrouve une trame qui signe un terroir plus argileux.

Charmes-Chambertin 2004 Domaine Geantet-Pansiot :
La robe est éclatante, avec des reflets violacés. Le nez est assez discret en première approche, mais d’une belle race, avec une complexité fruitée et végétale (ronce) séduisante. On imagine un raisin d’une grande maturité, c’est concentré, précis, avec beaucoup de densité. Les tannins sont bien présents, mais ils restent fins et enrobés. La persistance est superbe. C’est une bouteille qui est apparue civilisée et distinguée. Pour Bernard Burtschy, ce vin remarquable présente également un intérêt pédagogique, puisqu’il nous montre qu’un grand cru est « supérieur sur tous les paramètres » par rapport à un premier, même si l’esprit reste semblable.

Gevrey-Chambertin 1er cru Petite Chapelle 2002 Domaine Rossignol Trapet :
Après avoir goûté le Beaune Teurons dans la dégustation de la veille sur la Côte de Beaune, nous retrouvons ce « domaine discret, mais à rechercher » (B. Burtschy). Le style est assez différent des deux précédents, d’inspiration plus classique, encore fermé à l’heure actuelle. La matière est belle, les tannins présents et épicés, mais ce soir là, il n’était décidément guère disert !

Latricières-Chambertin 2002 Domaine Rosignol-Trapet :
La couleur est modérée, mais le nez est bien plus ouvert, présentant une expression fine et variée du Pinot noir. On perçoit une grande minéralité, avec de la fraîcheur (une nuance mentholée apparaît en finale), de la délicatesse, sous-tendues par une colonne vertébrale stricte et droite. Bernard Burtschy souligne que la vinification est parfaitement adaptée au terroir, de nature austère, situé dans le prolongement sud du Chambertin. Ce vin profond, sincère et classieux, d’une grande longueur, nous a beaucoup plu.

Chambertin Clos de Bèze 2001 Domaine Bruno Clair :
La robe est d’une belle profondeur et présente des reflets pourpres. La palette aromatique est particulièrement large, avec des notes de kirsch, de réglisse, d’épices. Pour Bernard Burtschy, ce cru symbolise la quintessence de la puissance et de l’élégance. Il y a un véritable dynamisme dans ce vin, mais qui n’occulte en rien une délicatesse et un raffinement de texture exquis. Les tannins sont fondus, le toucher de bouche remarquable, l’équilibre superbe. Ce vin termine en apothéose la dégustation et sa persistance hors du commun transporte l’assistance déjà conquise vers d’autres cieux…

CONCLUSION :

Tout au long de cette dégustation, nous avons rencontré des expressions diverses du pinot, influencées par le millésime, le terroir ou bien encore le style du vinificateur. Nous avons ainsi pu faire un petit pas sur la route de la compréhension du vignoble bourguignon, « le plus passionnant mais aussi le plus irritant de France et sans doute du Monde », comme il est décrit en introduction du Guide de la Revue du Vin de France. L’éclairage de Bernard Burtschy a été en ce sens capital ; sa connaissance encyclopédique de la région, alliée à sa vision précise de la typicité de chaque cru ont réellement captivé les élèves présents et ont permis de mieux apprécier les vins, en apportant un décryptage nécessaire à la complexité des bouteilles présentées, toutes encore très loin de leur apogée.
Mais au-delà de cela, et d’une façon plus générale, l’assistance a été véritablement époustouflée par la qualité des vins dégustés, émue par la subtilité des profils aromatiques, la délicatesse des textures et la distinction des tannins… Il est vrai que nous avons eu l’extrême privilège de pouvoir goûter des vins de très nobles origines, issus de l’élite de la production bourguignonne, chacun d’eux goûté seul aurait suffi à éblouir une soirée. Pour nous, qui ne sommes encore qu’à l’aurore de notre vie de dégustateurs, il s’agit à n’en pas douter d’un moment qui va marquer de façon forte et tenace nos esprits, en contribuant à forger une vision esthétique d’un « Grand vin », qui sera amenée à s’affiner au fil des années et de nos découvertes.
C’est pour tout cela que je tiens à remercier une nouvelle fois l’ensemble des vignerons, d’avoir contribué si généreusement à l’enrichissement de notre culture et de nous avoir présenté quelques unes de leurs plus belles cuvées.

Axel Marchal
www.normalesupoeno.com
15 Fév 2006 18:57 #1

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Modérateurs: Cédric42120GildasPBAESstarbuckMartinezVougeotjean-luc javaux