Le millésime 2017 au domaine des Croix
C’est le premier rendez-vous de cette virée bourguignonne de début de printemps. Nous arrivons à Beaune à 9 h, après une nuit un peu courte…. Nous avions découvert le domaine des Croix avec les vins du millésime 2015 que nous avions beaucoup appréciés, avec notamment de très belles maturités et des tanins fins et poudrés. Il nous tardait donc de savoir quelle pouvait être la part de l’effet millésime dans cette appréciation.
Après un millésime 2016 très compliqué en raison du gel (7 hl / ha…), le millésime 2017 a été un soulagement pour le domaine avec des rendements moyens du 45 hl /ha (43 pour 2018), pour des vendanges démarrées le 4 septembre (avec une pluie bienvenue le 29 août). David Croix nous explique cependant que les matières étaient plus légères qu’en 2015 et 2016 et qu’il a fallu aller un peu les chercher (davantage de pigeages notamment) ; selon lui, 2017 pourrait être un mixte de 2000 et 2002, avec un millésime à la fois mûr et frais.
Au cours de la conversation, David Croix évoquera assez longuement sa volonté de mettre en valeur les terroirs de Beaune et de donner davantage de visibilité aux « petits » vignerons ayant l’essentiel de leurs vignes sur cette appellation et qui sont encore aujourd’hui un peu « écrasés » par les « grandes maisons » et leurs cuvées phares (Bouchard avec les vignes de l’enfant Jésus et le Clos Saint-Landry ; Drouhin et le Clos des Mouches ; Chanson et le Clos des Fèves, etc).
Nous descendons à la cave pour attaquer la dégustation du millésime 2017 (mises en octobre 2018 pour les villages, début mars 2019 pour les premiers crus et très bientôt pour les grands crus).
Aloxe Corton Les Boutières (vignes de 60 ans, bas de coteaux, argiles profondes) :
P (Paul) : Nez bien fruité, légèrement fumé et épicé. La bouche est relativement aimable et gourmande, avec peu d’accroche et une belle acidité ; la concentration n’est pas très grande, mais le vin est digeste avec une finale agréable et fruitée ;B-
T (Tuukka) : Nez sur les fruits rouges mûre (burlat) mais aussi des fruits plus "mats" (pointe de pruneau). Acidité assez nette en bouche. Pas hyper concentré mais tout de même une certaine densité (très légère mâche). Retro sur les fruits rouges (framboise). Friand, ça glisse bien en bouche avec des tannins (très) fins. Vin plutôt frais avec jolie finale florale, fruitée. B(+)
SP (superpingouin) : notes indéchiffrables sur celui-là….
Beaune village (assemblage de différentes parcelles : Blanche Fleur, La Blanchisserie, Les Teurons et Les Pointes de Tuvilain ; sur argiles et marnes) :
P : Nez frais, sur les petits fruits rouges acidulées, la cerise, avec un léger trait vert. En bouche on a davantage de volume que sur l’Aloxe ; on retrouve les fruits rouges, le vin « glisse » bien, avec une acidité sensible mais qui ne déséquilibre pas l’ensemble ; finale fraîche légèrement poivrée ; B- / B
T : Robe assez claire. Nez sur les fruits rouges, la cerise, avec une pointe florale et épicée (poivre vert). Super gourmand. Moins acidulé que l'Aloxe mais frais. Petite accroche en finale (pointe élevage ?). B(+)
SP : Acidulé, tanins arrondis, pointe d’élevage, attaque poivrée, pointe végétale.
Beaune 1er cru Les Cents Vignes (vignes de 55/60 ans ; argiles sur galets roulés ; 10 % de VE ; pas de bois neuf) :
P : Nez sombre, plus dense et profond que sur le village ; on a de la griotte, du cassis, mais aussi des notes de « cailloux » et de ronce. En bouche, la matière est assez soyeuse ; il y a de la densité même si le volume n’est pas énorme. Finale souple et gourmande, avec il me semble une petite pointe verte. C’est gourmand et bien équilibré ; B+
T : Joli nez également, toujours sur le fruit, un peu plus noirs cette fois-ci, mâtinés de quelques épices. Un peu plus de profondeur en bouche, de volume. Le côté acidulé est bien enrobé, avec des tannins lissés. Peut-être un peu plus "sérieux" que les 2 premières cuvées. J'aime vraiment bien ! TB
SP : Nez plus dense, profond ; côté gourmandise ; B+
Savigny-lès-Beaune 1er cru Les Peuillets (argiles rouges, 15 % fûts neufs) :
P : Au nez, du fruit, notamment de la cerise et une petite pointe de vanille. L’attaque en bouche est ronde, avec une matière assez enrobée ; puis le vin se fait plus « droit », plus frais avec une belle acidité en finale ; B
T : Robe un peu plus sombre. Nez de nouveau avenant mais sur des fruits plus noirs, et davantage d'épices. La bouche est plus dense, les tannins un peu plus présents avec une petite accroche. Mais cela reste bien salivant. Profil donc un peu plus sombre, un peu plus froid. L'élevage ressort peut-être un tout petit peu plus, notamment en bouche (serre un peu en finale), mais la mise est récente (2-3 semaines). A attendre sereinement que le vin se détende un peu. B
SP : Noir, dense, davantage de grip ; finale plus fluide, salivante, appétant.
Beaune 1er cru Les Tuvilains (Climat au sud de Beaune, côté Pommard, sols assez profonds ; vignes de 80 ans) :
Une vigne reprise en 2016, mais sans production en raison du gel ; 2017 verra donc les premières bouteilles du domaine sur ce cru.
P : Nez « froid », plutôt discret et un peu austère ; il y a tout de même un petit côté bonbon aux fruits rouges pour égayer l’ensemble, mais aussi une sensation de rafle, même s’il n’y a pas de VE. La bouche est nettement plus aimable et gourmande, avec une matière souple et soyeuse ; il y a du fruit avec derrière une petite trame « calcaire » ; B+
T : On revient sur les fruits rouges plus courants dans ce millésime (framboise). Avec un très léger trait vert (épices type poivre vert). Le vin est frais, un équilibre plus haut en bouche et un fruit plus resserré. Quelques fruits plus noirs reviennent en retro. Légère accroche en finale. Un peu moins gourmand que les 3 premières cuvées. Joli fond de verre. TB-
SP : Groseille, framboise ; plus accrocheur, fruits plus noirs sur la fin ; AB+
Beaune 1er cru Les Grèves (vignes d’une quarantaine d’années ; cailloux dans argiles drainants ; 25 % VE, mise en octobre 2018 pour celui-ci) :
P : Nez très expressif et relativement complexe, avec un fruit très présent (beaucoup de fruits rouges) et quelques épices. En bouche, on passe un cap en terme de volume : l’attaque est généreuse, puis le vin « déroule » bien jusqu’à une finale salivante de belle longueur. On retrouve beaucoup de fruits, les tanins sont bien enrobés. Un vin très équilibré et gourmand ; TB- / TB
T : Assez expressif au nez, élégant sur des fruits rouges et des notes florales. Glisse bien en attaque. Plus délié que les deux précédents. Taffetas en bouche. Pas hyper concentré. Mais assez complexe. Joli. TB+
SP : Gourmand, fruité, floral fin ; touché en haut de bouche, tanins discrets ; B+
Beaune 1er cru Les Bressandes (vignes de 35 ans, situées à 300 m d’altitude, forte pente, orientation est ; 100 % égrappé) :
P : Nez plus sombre, avec des fruits noirs bien mûrs et aussi une petite note de framboise. La bouche est superbe, avec beaucoup d’énergie et de pureté ; il y a une très belle maturité, une matière enrobée, presque un peu glycérinée, sur une trame minérale assez marquée ; finale très gourmande, sans accroche. Très belles notes florales en fond de verre. J’ai beaucoup aimé l’équilibre et le profil de ce vin, assez proches de celui goûté chez Germain il y a quelques mois ; TB+
T : Nez fruits rouges et noirs mûrs (cerise, cassis, mûre). Acidité bien intégrée avec un certain gras en bouche. Ça glisse agréablement. A des faux airs de Nuits, avec un côté fruit qui aurait un côté pommadé très agréable ; TB+
SP : Gourmand, long, acidité ; B+ / TB-
Ce vin nous évoque un peu certaines cuvées de Guillaume Tardy, avec un côté fruits "encapsulés" par une touche glycérinée qui adoucissent les tannins. SP interroge d’ailleurs David Croix à ce propos sur une éventuelle macération préfermentaire à froid. Il nous explique qu'à moins de réussir à faire descendre très bas la température des cuves, il n'est pas partisan de cette méthode qui, selon lui, demande notamment un rajout de SO2 pour maîtriser le process et a tendance à « lisser la gamme ».
Beaune 1er cru Les Pertuisots (proche du Clos St-Landry, monopole de la maison Bouchard ; 20 % VE) :
P : Nez ouvert, bien présent, avec de belles notes de fruits rouges légèrement sucrés. Très belle bouche, avec une matière à la fois mûre et fraîche. Comme dans le précédent, on retrouve l’énergie et la pureté, avec en plus un petit côté suave et une finale très salivante. Là encore c’est tout à fait à mon goût… TB+
T : Nez exubérant, séducteur sur les fruits rouges sucrés, voire le bonbon (anglais), des notes florales. La bouche est également toute en douceur avec un côté salivant sans être trop acide et des fins tannins qui tapissent agréablement la bouche. La rafle est bien intégrée. Un vin élégant et assez séducteur ; TB++
SP : belle finesse, élégant, long ; TB-
Corton GC La Vigne au Saint (40 % VE) :
P : Nez dense et intense, avec un petit côté « travaillé » ; du sirop de fruits, avec de la fraise, du poivre, de très belles notes florales (pivoine) et une petite note type rafle. En bouche, le passage aux grands crus est assez net : beaucoup de concentration, de la densité et de la profondeur ; on retrouve les fruits, plus rouges qu’au nez ; c’est long et complexe, avec une légère accroche en finale ; Excellent - / Excellent
T : Nez un peu plus discret, sur des fruits patinés et des touches florales et épicées (poivre). La bouche est également plus fermée, moins explosive. On sent une certaine concentration, une légère accroche, le vin tapisse bien les papilles, notamment en finale. Fruits assez mûrs. À attendre un peu plus que les autres (il n'est pas en bouteille après tout). TB+ aujourd’hui, mieux plus tard (?).
SP : concentration de fruits, waouh !, acidité, rafle en toute fin, long, digeste, frais, mentholé ; TB+
Corton GC Les Grèves :
P : Nez plus en retrait, plus fin, assez poivré, sur le bonbon aux fruits rouges et la liqueur de fruits. En bouche, le profil est également assez différent de l’autre Corton : un vin construit sur la longueur et la finesse, avec moins de densité mais beaucoup de souplesse avec, en arrière plan, une trame « calcaire » ; c’est séveux, très gourmand avec une longue finale salivante. Comme pour le millésime 2015, mon préféré, même si c’est sur un profil un peut différent (moins « noir » et moins dense) ; Excellent
T : Nez un peu plus sombre, avec une pointe animale. La bouche est plus sérieuse également, en attaque, avec de la structure, une acidité un peu plus haute, mais bien enveloppée, et le toucher est plutôt fin ensuite (type velours). Quelques fruits rouges et noirs mûrs et touches de poivre en retro. Malgré une certaine matière, le vin reste salivant, avec une certaine gourmandise en bouche. J'aime bien l’équilibre ; Excellent -
SP : dense, fruits, poivre, pivoine ; finale plus pétillante, fraîche, gourmande ; TB+
Corton Charlemagne (sur marnes limoneuses) :
P : Nez frais et floral, avec beaucoup de poire et des notes de « cailloux ». Gros volume et grosse concentration à l’attaque en bouche, puis le vin file plus droit ; on retrouve la poire bien mûre (et un peu d’ananas) et une matière riche en extraits secs ; finale puissante, presque tannique ; TB
T : Joli nez, assez discret puis se complexifiant avec un peu de fruits blancs (poire), des fleurs blanches et une pointe amande (frangipane), un soupçon de brioché. Bel équilibre en bouche entre une attaque / milieu de bouche assez souple et un complément de matière en finale (notes crayeuses). Notes minérales apparaissent en rétro. A la fois mûr et sachant rester frais. Léger salin en fin de bouche. Il faut un peu aller le chercher, et si je préfère les vins un peu plus tendus, avec des touches plus citronnées, le vin se révèle assez complexe, sans boisé tapageur et avec un bel équilibre maturité/fraicheur/structure ; TB+
SP : citrus, ananas, coco, fin, dense, long, droit, fin accrocheuse, matière sèche ; TB+
Au final, des vins qui font sans doute moins « côte de nuits » que les 2015, avec notamment des tanins peut-être un poil moins fins et enrobés, des matières un peu plus légères et des acidités plus élevées, mais, en contrepartie, des bouches avec beaucoup de dynamisme et de peps, un fruit pur et frais et des terroirs bien différenciés. Indépendamment du millésime, force est de constater qu’il existe de nombreuses petites pépites à découvrir et à apprécier sur l’appellation Beaune 1er cru, loin de l’image qui colle encore parfois à cette dernière (vins un peu rustiques et durs). Merci à David Croix de nous avoir permis d’accéder à certaines d’entre elles.
Paul
NB : merci à SP et Tuukka pour leurs notes.