Des années que je vous lis ici sans contribuer à ce formidable partage de connaissance qu’est LPV. Je vais donc vous proposer un CR d’une dégustation verticale réalisée il y a quelques semaines à Paris et que nous préparions avec un ami depuis bien 3 ans.
Tous les vins ont été ouverts vers 11h et bus à partir de 13h30. Et pour hyllos, dans des verres Jancis Robinson x Richard Brendon que j’adore (dommage que le prix soit maintenant stupide). Chacun a 2 verres pour pouvoir “tuiler” les accords. Les sept convives sont à l’aveugle sauf moi.
Château de Fargues 2011
Couleur or
Nez très rôti, abricot
Texture épaisse sans être sirupeuse. Impression de richesse en sucre et de chaleur même si l’acidité est là.
Finale sur l’amande fraîche, petite note mentholée qui donne envie d’en reboire.
Accompagne l’amuse bouche huîtres et foie gras (pour les réfractaires aux huîtres) - accord pas spécialement réussi au vu de la richesse.
Peut-être un peu desservi par sa position d’entrée en bouche après une comparaison de Grande Dame 1998 et 2008 (merci aux généreux apporteurs)
Château de Fargues 1988
en carafe, sans doute un peu froid
Couleur acajou ? très brillant
Nez un peu mutique au début. En s’ouvrant sur l’épice (poivre et pain d’épice), l’orange amère et l’encaustique
Bouche très puissante, ça goûte sec, aucun sucres perceptibles, assez fluide sur des goûts de fruits secs. Finale chaude, acidulée, très épicée (safran & poivre). C’est superbe et bien vivant!
Amusant contraste entre le vin le plus jeune et le plus vieux du déjeuner. Personne n’a deviné l’âge de 1988 (placé fin des années 90).
Accompagne des St Jacques rôties, rondelles d’oranges épluchées à vif et brûlées, purée de carotte légèrement safranée, et zestes d’oranges cuits dans le beurre de cuisson.
Très bon accord, l’orange notamment relance le vin.
Château de Fargues 1997
Couleur légèrement plus clair que 1988
Nez très intense sur le safran, l’orange, cela ne fait pas sec
Bouche caressante. Finale fraîche mentholée et avec de gros amers. On garde un arôme de rôti en bouche.
A mon avis un vin qui en a sous la pédale, le moins apprécié par l’assemblée (un peu “fade” certains disent passé)
à J+4 (il restait un verre) le vin a bien évolué, très puissant. Arômes de noisette grillée, de brioche qu’on retrouve bien en bouche. Finale sur le safran, acidulée, la noisette. La bouteille est trop petite !
Accompagne un risotto de butternut, gorgonzola et noix. Je n’ai pas mis assez de gorgonzola. A l’origine j’avais prévu d’ajouter du radicchio qui aurait été très chouette je pense en écho aux amers du vin.
Château de Fargues 2003
Couleur or, bel éclat
Nez safran et abricot
En bouche superbe texture, bouche large sur le rôti. Côté végétal rafraîchissant (ce qui est bienvenu au 4ème Sauternes). Finale longue sur les fruits secs, il y a une sorte de rémanence, de profondeur qui rend ce vin envoûtant avec plein de nuances.
Le vin du repas pour tous les convives (à part pour un charmé par 2011 et un sensible à son millésime anniversaire - 1988)
Château de Fargues 2004
Sensiblement la même robe que 2003
Nez sur l’abricots confits. Certains trouvent des notes de pin maritime.
Bouche très riche, rôti un peu écoeurant. Un peu court
De manière amusante, tout le monde pense que c’est un millésime très chaud, certains disent 2003. Raté, mais quelle réussite que 2003 !
Les deux vins sont servis ensemble pour accompagner des ballotins de hauts de cuisse de poulet, farcis à la farce fine de volaille et vert de blettes, cuits à basse température puis rôtis pour que la peau caramélise (merci Jean-Loup de m’avoir suggéré d’insister sur le rôti de la peau de poulet), sauce crémée à l’estragon et ragoût de petites blettes de couleur.
Super accord, surtout avec 2003 qui marche bien avec le végétal un peu amer de la blette.
Tous les vins sont regoûtés selon l’envie avec un plateau de fromage - l’accord avec le Shropshire est souverain, peut-être un peu mieux que sur le bleu des Causses mais c’est pinailler, le comté vieux très bien aussi, moins convaincu par le camembert (mes origines normandes obligent). Les restes de 1988 et 2011 disparaissent
Desserts ananas/mangues frais qui ne fonctionnent pas vraiment avec les vins évolués (pas mal avec 2011).
Il est 17h30. Nous sommes repus, un peu fatigués par tout ce sucre mais pas écœurés par ce Sauternes assez particulier par son caractère digeste (tous les fonds de bouteille trouvent vite preneurs). Même ma compagne, pourtant réfractaire aux vins liquoreux et que je remercie de supporter mes bêtises viniques, a apprécié.