Dégustation « Le Chenin dans tous ses états » à Cognin 13 Mars 2006
Je commence par remercier Jean-Luc Milleret qui m’a invité à cette soirée au Château de Forézan (commune de Cognin).
La dégustation est organisée par le club d’œnologie de « Chambéry Animation ». Une petite cinquantaine de convives sont rassemblées pour l’occasion. Le nombre est un peu important à mon goût car je préfère les comités plus restreints pour privilégier échanges et discussions, et je me contente donc de converser avec les voisins de tablée les plus proches. L’introduction sur le cépage Chenin, les terroirs de production ainsi que les commentaires de dégustation des vins sont assurés par Evelyne Leard-Viboux qui a animé avec beaucoup de générosité les trois heures qui ont permis à tout un chacun la découverte de superbes bouteilles de Chenin vinifiés en sec, demi-sec et moelleux. Avis aux amateurs, si vous ignorez encore que ce cépage peut rivaliser avec les meilleurs vins de l’hexagone, dépêchez vous de le découvrir car il doit indiscutablement avoir une place de choix dans votre cave.
Mise en bouche
Anjou sec Château de Fesles 2000 : La robe est jaune brillante, légèrement dorée. Le nez est proche de celui d’un liquoreux, très légèrement grillé, sur la cire, la fleur de tilleul, la pomme et le gingembre. L’attaque n’est pas très vive et la bouche qui suit est sèche, légèrement minérale et fumée. L’acidité dans ce millésime mûr n’est pas trop marquée. La finale est moyenne et manque un peu de netteté. Un vin qui vaut tout de même le coup pour son nez intéressant. Assez Bien.
Comparaison de deux crus réputés de Saumur sur deux millésimes :
Saumur Château de Villeneuve Les Cormiers 2002 : La robe est plus claire que sur le vin précédent, légèrement dorée. Le nez un peu retenu au début puis s’ouvre à l’aération sur une belle complexité aromatique : acacia, pomme, réglisse et une touche d’anéthol. La bouche est expressive, l’acidité est présente mais je m’attendais à ce qu’elle soit plus saillante dans ce millésime. La finale délivre quelques notes plus épicées de cannelle et de cumin mais l’alcool d’un niveau relativement haut est un peu dissocié. Bien.
Saumur Clos Rougeard Brézé 2001 : La couleur de cette robe est la plus claire de la dégustation. Ce vin a vu 50% de bois neuf et on sent la vanille au premier nez mais cette note ne domine pas l’ensemble qui présente une intensité aromatique exceptionnelle. Les arômes que j’identifie sont le coing et le verni, plus des notes plutôt florales. Honnêtement, à l’aveugle, je penserai volontiers à un chardonnay de noble origine, pourquoi pas un Puligny tout en retenu et élégance. La finale est chaleureuse mais tempérée par une acidité constitutive digne de bon nombre de 2002 et se termine tout en longueur sur de légers amers racés. En discutant autour de moi, je me rend compte que la majorité des participants lui préfère le cru précédent, plus facile qui joue une partition immédiate et qu’ils passent à côté de ce monument. Enorme potentiel, un style unique mais à attendre impérativement dix ans voire plus…Excellent.
Deux vinifications en sec sur le millésime 2002 :
Vouvray sec Domaine du Clos Naudin 2002 : Avec ce vin de Foreau, on change diamétralement de style par rapport au cru des Frères Foucault. Le nez présente beaucoup de naturel avec les arômes variétaux du cépage : agrumes (citron puis pamplemousse), pomme chaude et tilleul. La structure en bouche détonne complètement après ce nez ouvert et un peu exubérant. L’acidité est saillante et d’une vivacité incroyable. La minéralité est intense avec des notes de silex, de pierre chaude. La bouche est pure et droite avec à nouveau le tilleul qui revient en rétro. Un vin qui ne peut laisser personne indifférent. Très Bien.
Coteaux du Loir Domaine de Bellivière Vieilles Vignes Eparses 2002 : Robe intermédiaire, intense et brillante. Le nez est retenu et gagne à l’aération : agrumes, citron confit, rhubarbe, miel (ou plutôt hydromel). La bouche est proche de celle du Foreau en terme d’équilibre avec une acidité redoutable pour les non-initiés. Le terroir argile/silex en surface qui repose sur le tuffeau se révèle ici dans la trame fumée et la belle minéralité. Beaucoup de fraîcheur avec une finale mentholée. En conclusion, un vin à ne pas mettre entre toutes les mains et qu’il va falloir attendre patiemment. Très Bien.
Honnêtement, il me semble que ces deux vins sont qualitativement très proches et après examen de la « photo finish », si vraiment je devais en choisir un aujourd’hui, je préfèrerai d’un rien le vin du Domaine de Bellivière, même si je sais que ce n’est pas l’avis général.
Le domaine Huet sur deux lieux-dits
Vouvray demi-sec Domaine Huet Le Mont 2002 : La robe n’est pas très marquée pour une vinification en demi-sec. Les arômes sont nombreux : Essentiellement des fruits avec la pêche blanche, le coing, la poire bien mûre mais aussi de fleur d’acacia. Ce type d’équilibre avec quelques sucres résiduels est on ne peut plus intéressante sur un millésime comme 2002 car même si l’attaque est moelleuse et douce, pas du tout saillante comme dans les deux vins précédents et qu’elle trahit la sucrosité de l’ensemble, l’acidité minérale revient au galop en milieu de bouche et porte littéralement ce vin dans toute sa longueur. Bien.
Vouvray moelleux Domaine Huet Haut-Lieu 1996 : La robe est plus soutenue et le nez sur la cire d’abeille présente un caractère fumé entêtant. Avant de goûter,on a déjà une impression de grande puissance. Les senteurs sont complexes et se dévoilent progressivement : Notes fumées, tabac blond, cannelle, mandarine, ananas caramélisé. L’attaque est presque plus vive que sur le demi-sec précédent et l’acidité imprègne ce jus en équilibrant complètement les sucres résiduels. Une grande interprétation du millésime et pour dire la vérité, je n’attendais pas ce vin à un tel niveau. Très Bien.
Pour conclure, un Bonnezeaux de référence
Bonnezeaux Château de Fesles 1989 : La Robe est soutenue avec des reflets dorés. Le nez est complètement déroutant sur la térébenthine, le noyau d’amande puis à l’aération, c’est le tilleul puis le menthol qui explosent au nez. La bouche présente un côté un rien métallique puis devient ensuite plutôt moelleuse, avec des flaveurs de vieille pharmacie et de truffe. Il n’a pas beaucoup évolué depuis ma précédente dégustation et c’est donc mon approche du vin qui a du changée car je l’avais déjà dégusté il y a cinq ans alors que mon intérêt grandissant pour le vin n’en était qu’à ces balbutiements et je crois que je n’avais à l’époque tout simplement pas compris ce cru. Un vin en apesanteur, comme en dehors du temps, que nous aurions du carafer longtemps je pense. Il se goûte austère, encore fermé mais le potentiel qu’il renferme en son centre lui promet une très longue garde. Excellent.
Pour conclure, cette dégustation a été d’une extraordinaire densité avec un niveau général très élevé même si les vins sont très jeunes pour la plupart. Enfonçons des portes ouvertes et disons le haut et fort : Le Chenin est un cépage superbe. Le millésime 2002 est extraordinaire dans la vallée de la Loire avec des vins taillés pour la garde présentant une superbe acidité minérale qui porte les vins dans la longueur. Les deux seuls absents de la dégustation ont été le domaine Richard Leroy et la Coulée de Serrant mais bon, n’abusons pas trop, nous avons été plutôt gâtés tout de même.
Laurent Bouffier
Auteur du sujet
