Samuel Tinon, Tokajment vôtre !
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Si à Tokaj quelques grosses structures sont très connues telles que Oremus, Royal Tokaj, Derezla ou Disznoko, peu de vignerons ont réussi à écrire leur nom au référencement mondial : trois seulement ont acquis cette notoriété : l’historique Istvan Szepsy, l’autoproclamé mais néanmoins talentueux Zoltan Demeter et, à n'ne pas douter, Samuel Tinon. Trois styles, trois signatures.
Cela fait un peu plus de dix ans que je viens régulièrement à Tokaj et c’est lors de l’un de mes tous premiers séjours ici que j’avais rencontré Samuel Tinon pour la première fois ; c’était pendant l’été 2014. Depuis, si j’avais recroisé quelques vins de temps à autres, trop peu souvent, je n’étais plus revenu dans ce paisible village de Olaszliszka, tout près de Tolscva, un peu au sud de Sarospatak.
Je dois bien avouer que le fait de produire du vin aujourd’hui et de m’intéresser tout particulièrement au furmint a un peu changé le prisme et le fond de la discussion que nous eûmes ce jour-là, même si le focus fut bien orienté sur les Samuel Tinon, ses vins, et Tokaj.
S’il existe bien un "supra" Terroir « Tokaj », que l’on peu considérer comme global et hyper qualitatif, cela ne doit pas occulter les nuances et elles sont nombreuses si bien que selon Samuel Tinon, il est illusoire de parler de cartes des millésimes ici tant la variabilité est grande d’un endroit à l’autre mais également d’une année à l’autre. Le botrytis ne survient pas toujours selon la même chronologie et pas toujours selon la même intensité. Par ailleurs, si beau et si prometteur que soit le millésime, il n’est pas à l’abri d’être ruiné par une pluie impromptue qui transforme la noblesse en vile pourriture.
Selon cette caractéristique, le faiseur de vin doit constamment s’adapter, jongler avec ce dont il dispose : des terroirs, des cépages au service de ce process de vinification unique au monde.
Lors de notre entretien il a été longuement évoqué le métier, ou plutôt les métiers du faiseur de vin : là aussi il faut jongler et c’est toute la différence entre les grosses structures et les artisans : la répartition des compétences comme des tâches n’est pas possible : la question est de savoir comment se consacrer à tout sans sacrifier au travail de la vigne et celui de la cave. Comment être comptable et agent commercial en même temps qu'il faut être dans la vigne et dans la cave.
Par ailleurs les marchés évoluent vite et rien n’est jamais acquis : pour ouvrir une porte, il faut souvent frapper à une bonne dizaine et lorsqu’une s’entrouvre il faut mettre le pied dans l’encoignure pour ne pas qu’elle se referme sans pour autant presser au risque de la voir se fermer définitivement et violemment. Mais bien entendu avoir un nom ne se fait pas par hasard : il est lié à la qualité du vin mais pour autant que la reconnaissance est bien là et que ce nom évite de prendre des portes dans le nez ou attendre désespérément qu’elle s’entrouvre, il ne suffit pas à s’asseoir sur quelques lauriers.
Si on se concentre sur le vin - sur les vins devrais-je plutôt écrire – On pourrait résumer la démarche de Samuel Tinon de la façon suivante :
- Le Furmint, d’accord, mais le harslevelu aussi !
- L’aszu d’accord mais le Szamorodni est une expression majeure de Tokaj !
- L’élevage des vins avec de l’oxygène est à défendre à Tokaj.
Les slovaques en font leur marque de fabrique, les hongrois tentent de s’en affranchir : Samuel défend cette conception du Tokaj qui est évidente dans les Szamorodni du domaine.
Pour les aszus, en dehors de la griffe aromatique très particulière, le niveau de richesse se situe ici autour de 160 grammes de résiduel pour une richesse en alcool autour de 12 degrés : Pour comprendre les différences de style, chez Szepsy, c’est toujours beaucoup plus riche ; chez Disznoko, on est à peu près à ce niveau de richesse mais avec un alcool souvent plus élevé.
Les vins :
Tokaj Blanc 2020 Harslevelu
Le nez est à dominante florale et rappelle la fleur de sureau.
En bouche le vin est délié, tendre, facile, très gourmand.
Il est tenu par une belle acidité – Sous la tonnelle l’été, ça doit faire un malheur.
Birtok 2021
Assemblage de tous les crus furmint
Là encore une fine note florale est présente même si le vin est aromatiquement plus discret.
C’est un vin de bouche : il impose sa présence par sa tension et son intensité à la verticalité prononcée – La finale se déroule très longtemps. Ce vin est encore très jeune mais évoque bien le haut niveau donné par ce beau millésime
Cuvée des écoliers 2021 : muscat liquoreux
Cette cuvée est née d’un partenariat avec l’école locale, correspondant à ce que nous nommons « lycée » et est le fruit d’un projet lors de son premier millésime avec une classe (celle du fils de Samuel Tinon), dans le cadre duquel les lycéens aidés par le professeur ont suivi, réalisé les étapes de la genèse de ce vin. Ensuite, la qualité étant là, cette cuvée a été reconduite et dispose d’un beau succès.
Très floral, typé muscat, raisin croquant, sans entêtement : c’est délicat.
Doux, épicé en bouche, la matière reste svelte malgré la richesse. C’est long et bien tendu. Superbe expression du muscat moelleux, voire liquoreux.
Szamorodni 2013
On rentre avec ce vin de plein pied dans la magie de Tokaj avec cette inimitable note de champignon qui se mêle à l’orange amère. Très belle liqueur, saveur exquise sur une fine touche oxydative.
amertume et longueur signent ce fort joli vin.
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Aszu 2016 5 pt
encaustique, miel d’acacia au nez, je suis d’abord un peu déstabilisé. Mais ce vin s’impose totalement en bouche, marqué par une liqueur de premier ordre, c’est à dire tendue, voire arque-boutée sur une épine dorsale vive. Vin de très grand caractère qui dispose en plus de sa grande qualité de l’indéniable signature Tinon.
Szamorodni 2009
Il s’agit d’un Szamorodni sec : oxydatif sur des notes de noix verte et de curry, il rappelle immanquablement les meilleurs vins jaunes – C’est très long, plein.
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Nous avons goûté également un Aszu 2003 : peu de sucre en sensation. C’est un vin qui est l’expression même de l’aszu : fantastique de longueur et de complexité. à point.