Forte chaleur sur le St Emilionnais en ce premier dimanche de mai !
Parfois, les portes ouvertes pouvaient laisser entrer une forte brise de sud-est, qui souffla toute la journée, comme pour donner une sorte de mouvement au paysage, plutôt figé, d'une vigne printanière.
Lever tardif, une bonne heure de route, et il nous fut difficile d'arriver avant la mi-journée sur place, ce que j'allais regretter ensuite, du fait des conditions climatiques de l'après-midi : près de 30° au thermomètre !!
Plus de 80 châteaux ouverts sur St Emilion et ses satellites et donc, une première sélection s'imposait. La lecture d'un ou deux guides ou d'un récent numéro de la RVF allait m'y aider. La première visite est pour un GCC, ouvert entre 12 et 14h, tout prêt de Pomerol.
- Château Corbin-Michotte :
A notre arrivée, un petit groupe entame la visite guidée. Nous patientons un peu en appréciant un Bordeaux Blanc, le Château Mayne d'Olivet, dont l'élevage ambitieux laisse deviner un nez agréable, aux notes sauvignonnées. Ce vin est issu de sauvignon gris (40%), cépage qui semble avoir un certain succès en ce moment au bord de la Garonne (ou de la Gironde), de sauvignon blanc (25%), de sémillon (10%) et de muscadelle (25%). On ne peut pas dire que ce Bordeaux manque de personnalité !
Malheureusement, nous commençons aussi à percevoir ce qui va perturber toute la dégustation dans ce château : d'omniprésentes senteurs de barbecue et de grillades, que la famille des propriétaires semble avoir mis à son programme pour ce midi ! Bien joué !
Petit passage par le chai à barriques où il nous est proposé le millésime 2001 de Corbin-Michotte, en cours d'élevage : beau rouge rubis, notes de fruits mûrs, un peu goudron ; acidité assez soutenue ; manque un peu de chair ; vin dissocié à ce stade.
Ensuite, dans un autre local, le 1999 est d'un rouge légèrement évolué. Fermé ! Nuance fruitée à l'aération. La bouche est assez légère, souple, manquant de volume.
Egalement dégusté : Château Calon 2000, Montagne-St Emilion : la bouche est sur les fruits rouges, un peu acidulée ! Les tannins compensent mal cette impression.
Maintenant, c'est l'affluence !… Nous reprenons la route au moment même où un car de vignerons drômois prend possession des lieux : chaud devant !…
- Château Beauséjour – Montagne St Emilion :
Courage, fuyons !…
Nous sommes tout prêt de St Georges et de Montagne, il sera facile de trouver un autre domaine ouvert. Nous optons pour celui-ci, un peu à l'écart du village, non loin de la route de Lussac.
A priori, un domaine très ancien qui a été repris voilà huit ans par une bande de copains, pour la plupart, des cadres en retraite (ou assimilé) du tertiaire, sur douze hectares.
Ce qui préside ici, pour ces quinquas-sexas, c'est l'enthousiasme, doublée d'une bonne humeur permanente.
Les vendanges sont l'occasion de rassembler des amis de très divers horizons : Etats-Unis, Finlande, Suède, etc… Ambiance garantie pour la cueillette manuelle!
Les plus passionnés (et les plus disponibles) viennent très régulièrement sur place pour participer aux divers travaux, même s'il y a du personnel sur la propriété.
Des investissements, bien sur ! Surtout pour améliorer les conditions de travail. Mais aussi, dans un parc à barriques important, reflet d'une certaine ambition.
Encépagement : 2/3 merlot, 1/3 cabernet franc. Nous dégustons :
- Château Beauséjour, cuvée traditionnelle, 2002 , échantillon prélevé sur barrique neuve :
Sur les fruits noirs, mais la dominante boisé neuf est un peu envahissante à ce stade, d'autant que la matière est plutôt légère.
- Château Beauséjour, cuvée traditionnelle 2000 :
La bouche est fruitée. Cela donne une sensation de rondeur sur un fond boisé un peu sec. Manque de corps là aussi.
- Château Beauséjour , Clos l'Eglise 2000 (vieilles vignes) :
Issu de très vieilles vignes (65 ans en moyenne). Nez sur les fruits noirs, plus complexe et intense que les précédents. Là encore, la bouche est sur une dominante boisée, même si elle montre un plus de matière.
Pas vraiment l'extase, mais l'accueil est sympa. L'enthousiasme est évident, mais sans doute là des amateurs qui ont un peu réalisé leur rêve. Tout en montrant les difficultés d'une telle entreprise.
- Château Bellevue – Lussac-St Emilion :
A peine quelques centaines de mètres et nous voilà dans une jolie demeure (chartreuse bordelaise du XVIIIè), juste avant le bourg de Lussac. Personne n'est encore venu jusqu'ici aujourd'hui et tout est calme.
A notre arrivée, le propriétaire, André Chatenoud nous accueille en même temps qu'un couple d'Australiens, de passage dans le vignoble, pendant leur séjour à Toulouse.
Ca tombe bien ! Le propriétaire est Å“nologue de formation et a beaucoup vadrouillé de par le monde et notamment à Melbourne, d'où sont originaires les deux visiteurs !…
C'est génial, ce monde si petit !…
Petite conversation en anglais et nous voilà partis pour un tour dans les vignes (jolie vue circulaire, en pente douce) et dans les caves de calcaires servant de lieu de stockage, après avoir été aussi un lieu de séjour des soldats américains blessés de la Première Guerre Mondiale, comme en attestent les inscriptions dans la pierre !
Les deux ados qui nous guident, nous ramènent vers le cuvier et le chai, après quelques minutes. A. Chatenoud nous donne quelques éléments techniques :
Vignoble de 12 ha (11,25 de merlot et 0,75 de cabernet franc) qui est, depuis deux ans, en conversion biologique (label Ecocert).
Sol argilo-calcaire, sous-sol de rocher calcaire à astéries. Age moyen des vignes : 40 ans. Enherbement naturel, travail sous le rang.
Dégustation : trois millésimes proposés aux visiteurs :
- 2000 : Belle intensité aromatique et densité notoire. Le fruit est rond et ferme. Très beau vin issu de merlot. A. Chatenoud pense qu'il s'agit là du plus beau millésime depuis trente ans !
- 1999 : Les tannins sont assez ronds. Plus léger et souple.
- 1996 : Rondeur à signaler pour un vin qui a gommé ses tannins.
Après une longue conversation dans la salle de dégustation (sous l'Å“il d'un Bacchus, aux traits de notre hôte, peint par Mme Chatenoud), concernant notamment les méthodes culturales, nous repassons dans le chai à barriques pour déguster sur fûts le millésime 2002 : là encore, une belle matière ! Fraîcheur fruitée sur un boisé souple et élégant. Très beau potentiel !
Un domaine à suivre ! Que vous pourrez peut-être découvrir, au moment de Vinexpo, au Château Moulin Pey-Labrie, à Fronsac, le lundi 23 juin, avec nombre d'autres vignerons : Arena, La Madura, Breton, Ch. Ste Anne, de Bandol, Filliatreau, Ch. Soutard, Mosse, Richaud, Ostertag et beaucoup d'autres.
Après cet excellent moment, retour à St Emilion, pour une rapide collation et un petit tour dans les ruelles pentues.
Non loin du centre, nous prenons à pied la route qui passe devant Villemaurine et nous nous dirigeons vers un des « petits jardins » de St Emilion :
- Château La Clotte – Grand Cru Classé :
Pas le plus connu des GCC !…
La petite route en pente nous conduit devant une maison qui jouxte une grotte. Celle-ci sert, bien entendu, de chai d'élevage. Un peu plus bas, une autre maison s'est vu adjoindre au fil des ans, un petit cuvier et un petit chai.
Le tout à la dimension de la propriété : 4 ha ! Les vignes enserrent le vallon et une petite route qui mène aussi à Pavie-Macquin. Les sols sont dits sablo-argilo-calcaire.
80% merlot, 15% cabernet franc, 5% cabernet sauvignon.
Si l'on en croit les groupes de visiteurs qui se succèdent, le domaine excite quelque peu la curiosité.
Nous découvrons les barriques, souvent neuves, dans lesquelles se trouve 2002. Nous ne pourrons y goûter ! La dame qui nous reçoit nous démontre, avec conviction, que c'est à ses yeux, une véritable ineptie de tenter de déguster un millésime si jeune !
Nous sommes finalement assez prêts à la croire !… Elle nous propose 1999 qui selon elle, par un lapsus révélateur, « s'est mal vendu ! »
Pour diminuer l'effet de cet « écart de langage », elle nous explique que la perspective de 2000, les qualités annoncées de celui-ci et la durée de l'élevage (2000 était connu et évalué avant la mise à disposition de 1999) ont freiné, pour le moins, la vente du millésime 99.
Elle développe aussi l'idée que 2002 n'est pas si mauvais que certains le disent, mais qu'en fait, le négoce, relié par certains médias, entretient cette méfiance (pour le moins !) vis à vis du petit dernier, du fait des stocks notamment et donc, ainsi, baisser les volumes de commande et les prix.
Notre interlocutrice nous précise donc que l'essentiel des volumes était confié, jusqu'à maintenant, au négoce de la place, mais que dès maintenant, la propriété allait se lancer dans la promotion de son vin auprès de sa clientèle de particuliers, dans l'espoir de reprendre un peu la maîtrise de la vente. A méditer.
- Château La Clotte 1999 :
Un fruit harmonieux sur un boisé encore assez présent. Les tannins sont fermes, mais portés par une belle minéralité. Belle matière persistante. Plutôt une belle surprise !
Pour info, les tarifs : 1999 : 26 € - 2000 : 32 €
Comme à Savennières précédemment, quatre domaines assez différents. La journée aurait pu être plus « prolifique », mais elle nous a encore permis de constater que quelques centaines de mètres, un chemin ou un ruisseau séparant deux vignobles suffisent à proposer des vins différents.
Comment se permettre de tirer la moindre conclusion définitive sur une région ou une appellation après cela ?…
Finalement, les portes ouvertes nous ouvrent les yeux ! ;-)
Même lorsqu'il fait un peu chaud!
PhR
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