Petit retour en arrière sur le propos de Phil qui dit:
"En revanche, la démonstration sur le prix d'achat ne me convainc pas vraiment, car elle ne résiste pas, à mon avis et sous les réserves faites ci-avant, à ce que je disais sur le rendement de l'argent. Il convient d'actualiser le PA en primeur à la date de maturité du vin, et de le comparer au PA " prêt à boire ", soit 10, 15 ou 20 ans plus tard. Des considérations sur les cycles économiques, qui plus est à court terme, ne me paraissent pas fondées en l'occurrence. Tant qu'on y est, pourquoi ne pas estimer, au moment d'acheter en primeur, son espérance de vie pour s'assurer d'avoir une chance d'être encore ici-bas au moment d'ouvrir les précieux flacons !?"
A mon sens, ta remarque est intéressante, mais elle s'applique à un contexte plus large que le seul débat ci-dessus, lequel consiste à comparer l'opportunité d'acheter soit en primeur - ou plutôt à la sortie dans le commerce quelque 18-24 mois plus tard. Ton raisonnement s'apparente plutôt à la question du rendement des vins en tant qu'investissement à long terme.
La question du jour est donc: si tu places aujourd'hui, mettons 10'000 EUR durant 15 ans, est-ce qu'avec le capital + le rendement de l'argent placé pendant cette période, tu pourrais, en 2019, acheter davantage de bouteilles de 2003 qu'en souscription primeurs aujourd'hui?
La réponse devrait être ... p'têt' ben que oui...p'têt' ben que non...
Car il y a deux doubles paramètres essentiels dans l'énoncé du problème:
1. Quel est le choix de ton investissement financier pour tes 10'000 EUR - et son corrolaire - quel est le risque sur investissement que tu es prêt à accepter?
2. Quels sont les types vins que tu penses acquérir dans 15 ans - et sur quel genre de millésime?
1. La sélection de l'investissement est primordial pour tenter d'obtenir un objectif de rendement. Historiquement en Europe, les types d'investissement classiques rapportent sur le long terme, et selon les devises, entre 4-6% pour les obligations et entre 6-10% pour les actions, mais avec davantage de risque (volatilité) pour cette dernière catégorie. Sans refaire un cours complet d'économie financière, la règle en résumé est que, plus on veut accroître son rendement, plus on doit prendre de risques, et par là accroître la probabilité de ne pas atteindre son but en cas de baisses (crashs boursiers etc..) ou de tendance adverse.
2. Des études ont montré que le rendement des vins (voir la performance sur plusieurs années de certains fonds mutuels spécialisés dans l'investissement en vins) se situait entre celui des obligations, et celui des actions, pour un risque relativement élevé (proche en fait de celui des actions!). Donc, à priori, ta théorie de placer ton argent et d'acheter tes vins dans 15 ans tient parfaitement la route. Cependant, il faut encore tenir compte du type de vin que tu vas acheter dans 15 ans. Dans un très bon millésime (genre 61, 82, 90 etc...) la valeur marchande d'un 1er GCC à la valeur qualitative reconnue double environ tous les 4-5 ans (très shématiquement car les cycles conjoncturels peuvent également influencer le résultat selon la période mesurée). Dans le même temps, le vins de catégorie 2ème-3ème GCC ainsi que les autres réussites reconnues d'un millésime (du genre Sociando 1990 etc.), doublent tous les 5-7 ans. Par contre, les Crus Bourgeois "standard" mettront certainement encore beaucoup plus de temps pour doubler (certains n'y arriveront même pas en 15 ans..).
Maintenant si on prend le même raisonnement sur un millésime moyen (genre 78, 79, 83, 94 etc..), le temps que mettront tous les vins pour doubler sera considérablement allongé, du fait d'une demande modérée sur le marché et d'une qualité reconnue moindre.
En conclusion, meilleur est le millésime, plus il est intéressant d'acheter en primeurs, car il sera alors très difficile, voire impossible, de pouvoir compenser la hausse de valeur des vins dans 15 ans avec le rendement de ses investissements, à moins de prendre des risques considérables! Par contre sur des millésimes moyens, il vaut mieux placer son argent et acheter plus tard car il est probable qu'on pourra en acquérir davantage qu'au moment des souscriptions.
"Professeurement" vôtre..
Alain
PS: A remarquer que dans ce raisonnement, je ne prend pas en compte un élément très important: l'inflation! Normalement, elle devrait être plus ou moins compensée dans les deux cas de figure, mais si l'on voulait affiner la démonstration, il faudrait bien entendu en tenir compte.