Chaque année, je suis certainement un des premiers intéressés à découvrir le résultat des cogitations des experts es-dégustation afin de pouvoir mettre à jour mon site. Cependant, il ne sert à rien de vouloir aller plus vite que la musique comme dit le dicton. Grâce à de nombreux commentaires, dont ceux de nombreux LPV-iens (jeanclaude, Alex etc..) ainsi que ceux de professionnels, on commence tout juste à se faire une (petite) idée du portrait robot de ce millésime atypique. Tout ce qu'on peut dire à cette heure, c'est que c'est une année particulièrement délicate à évaluer, où il semble que le sublime et le catastrophique se cotoyent - et pas toujours où l'on croit. Donc attendons encore et effectuons plus de recoupements. Comparons notes et commentaires avant de se définir.
Par rapport au message initial de Luc, je suis assez d'accord sur une de ses remarques. Dans toute discussion commerciale, une des règles d'or est de ne pas laisser comprendre à l'interlocuteur qu'on est extrêmement désireux d'acheter son produit... Bien que LPV ne soit certainement pas le critère principal de fixation des prix départ château, il ne faut pas nier que de plus en plus de "chatelains" viennent discrètement y faire un tour car c'est une fenêtre d'où on a une belle vue sur l'humeur du consommateur. Mais je ne te suis pas, Luc, lorsque tu conseilles de ne pas souscrire aux primeurs parceque c'est trop cher et que ces vins se retrouveront de toutes façon aux FAV dans deux ans. Certes, les FAV offrent à mon sens de belles opportunités.. à condition d'être TRRRES rapide! Je me souviens sur ce forum de la déception de nombre d'entre vous qui avaient quasi campé devant la porte des Grandes Surfaces pour être sûr d'obtenir quelques précieux flacons de Lynch-Bages ou de Léoville Barton 2000 à prix attractif et qui figuraient (de manière abusive?) sur les catalogues des GS. Las, les 3 caisses (soit disant) allouées au magasin avaient, comme par enchantement, disparu avant même l'ouverture des portes! Par contre, les déçus avaient la possibilité d'acheter du Château Lapompe par caisses entières sans aucun problème!! Bon je force un peu le trait, mais il doit bien y avoir un fond de vérité, non? Je peux comprendre que certains aiment bien cette ambiance de "foire" qui va avec ce genre de manifestation. Moi, perso, j'évite totalement! La cohue, les dégustations à la va-vite dans des verres en plastic et sous les néons, la chaleur, le stress, les commentaires de camelot du vendeur .. bof.. A la place, je préfère largement allouer de mon temps pour aller calmement visiter un producteur et tailler une bavette avec lui, découvrir ses nouveautés et prendre le pouls d'un terroir. Par conséquent, le fait de commander en primeur certains vins, au calme en écoutant son CD favori est une alternative que je favorise nettement. Mais tous les goûts existent dans ce bas monde et les chineurs impénitents trouveront bien sûr leur compte chez leur hyper leur plus proche.
Vient la question du prix. Bien sûr, chacun a son budget et doit respecter une sorte de limite de prix à ne pas franchir. Mais franchement, je suis persuadé que l'immense majorité des intervenants ici achètent leurs vins pour les boire et pas pour les revendre! Donc, le fait de souscrire un vin 35 EUR et de le voir à 33 EUR deux ans après dans le commerce me laisse totalement indifférent. L'inverse étant également vrai (c'est à dire de voir son vin dans le commerce à 37 EUR). Donc parfois on est gagnant, parfois on est perdant. Cependant, si on applique une politique de souscriptions en primeur cohérente (inutile de souscrire un domaine qui produit 500'000 bt et qui vaut 6,5 EUR! - ni de se ruer sur tout ce qui bouge dans des années médiocres) , je suis persuadé qu'on est largement gagnant sur le long terme. Il y a enfin un élément primordial à considérer dans sa décision de souscrire - ou non - en primeur: la conjoncture économique future. Il n'y a pas besoin de faire un doctorat pour découvrir la corrélation entre l'état conjoncturel au moment de la mise en bouteille et la détermination de la tendance générale des prix de sortie dans le commerce. Entre 1996 et 2000, l'argent coulait à flots, la croissance était forte et tout le monde était devenu riche en spéculant à la bourse sur les titres technologiques. Donc il était logique que les prix de sortie des vins soient plutôt à la hausse (à l'exception de 97 dont le consommateur s'est rendu compte après coup qu'on l'avait "entubé" sur la qualité). Ensuite entre 2000 et 2004, le reflux de l'économie à nettement pesé sur les prix de sortie dans le commerce (à l'exception du légendaire 2000). Ainsi, si on croyait que la crise économique allait encore durer en 2003, souscrire aux primeurs 2001 ne faisait aucun sens. Si tu reprends mes posts d'il y a un an sur l'opportunité de souscrire aux Bordeaux 2002, j'y écrivais que je pariais que d'ici leur sortie (en 2004), l'économie repartirait et que la pression sur les prix serait (modérément) à la hausse. Par conséquent qu'il valait la peine de souscrire aux meilleurs vins de l'année (Mouton, Palmer etc..). 12 mois plus tard, je pense que ma vision n'était pas si fausse et les meilleurs 2002 vont probablement se traiter + chers qu'en primeurs. Similairement, la question pour les 2003, pour autant que le consommateur attache de l'importance aux prix et qu'il fasse une sélection avisée des vins qu'il souscrit, sera d'essayer d'analyser où en sera la conjoncture mondiale en 2005. Chacun sa méthode (analyse fondamentale, technique, cycles de Kondratieff etc..), mais les statistiques historiques nous enseignent que la probabilité que la conjoncture soit soutenue en 2005 est plutôt élevée (entre parenthèses, c'est également le calcul d'un certain Sarko. En reprenant le Ministère des Finances dans un contexte d'amélioration conjoncturelle, il sait qu'il en récoltera tous les lauriers en 2007..!).
Enfin, tu cites que 95 était la dernière année où l'on pouvait faire des bonnes affaires en primeurs et où les prix étaient encore acceptables. On peut certes disserter un bon moment pour déterminer ce qui constitue un prix acceptable - mais bon.. Par intérêt, j'ai jeté un coup d'oeil sur les prix de souscription des meilleurs vins des millésimes 96 et 98 - je peux t'assurer que leur valeur actuelle dans le commerce s'est notablement appréciée, ceci malgré une conjoncture défavorable! Après ça on peut aussi choisir de faire l'impasse sur les belles bouteilles de Bordeaux, et de se concentrer sur les Minervois ou les vins d'Andalousie. Mais bon, c'est là encore une question de goût personnel..
Claude, à mon (humble) avis, le marché des vins dits anciens, c'est quelque chose de totalement différent de celui des primeurs. Arithmétiquement, tu as certes raison sur le fond, mais il faudrait également prendre en compte le phénomène de "coulure". Or plus le millésime est ancien, plus le risque de coulure est important du aux incertitudes concernant le passé de la bouteille (conditions de stockage etc..). Donc, sur 12 bt anciennes, il y a de fortes chances qu'il y ait une proportion non négligeable de bt qui soient bonnes à jeter à l'évier, ce qui par conséquent, augmentera significativement ton prix de revient. Ce risque existe également pour les jeunes bouteilles. A mon sens, il est cependant est bien moindre pour un vin commandé en primeur et gardé dans une bonne cave, que pour une vénérable caisse de 12 Giscours 75 achetée aux enchères et qui aura peut-être transité par x propriétaires, dans des conditions de stockage qui sont parfois loin d'être optimum.
Bon, fini la pause de midi.. Au boulot!
'micalement
Alain