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3è et 4è repas à L.A. 5 champagnes et 23 bourgognes (rapport ajouté)

  • François Audouze
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En partant à Los Angeles, au moment d’éteindre mon portable avant la fermeture des portes de l’avion, je lis un message de Bipin Desai : « j’ai prévu un dîner informel le samedi soir. Vous êtes mon invité. Apportez un grand champagne jeune. Je compte sur vous ». Si je dis oui, cela fera quatre repas de vins de suite : dîner, déjeuner, dîner, déjeuner. C’est de la folie. Hélas, je ne dis pas non.

Bipin doit me prendre à mon hôtel en taxi à 7h20. Comme avec tous les américains, la ponctualité est de règle. Profondément endormi dans une sieste qui suivait le déjeuner au « CUT », je lève un cil sur l’horloge digitale : 7h08. Dès cet instant, Usain Bolt perd le statut de champion du monde. Car à 7h19, je suis devant le hall de l’hôtel, prêt à accueillir Bipin et son taxi. Le chauffeur de taxi qui pèse une tonne doit porter son tee-shirt depuis des lunes. Je demande qu’il ouvre ma fenêtre, condamnée de son poste de pilotage. Mais Bipin est frileux. Je suis le trajet en apnée.

Le dîner a lieu au restaurant Chinois on Main, que Bipin aime beaucoup. C’est un endroit très couru pour la qualité de sa cuisine. La patronne ou plutôt la matrone au visage rebondi et enjoué accueille Bipin par de larges embrassades. Bipin voulait que nous profitions de l’atmosphère bruyante du lieu très branché, mais la propriétaire a préféré nous donner la salle que je connais depuis longtemps pour y avoir dégusté des vins mémorables, afin que nous soyons tranquilles. La décoration est d’un mauvais goût assez rare. Mais ce qui compte, c’est l’assiette. Nous ne sommes que cinq car des défections pour cause de prétendue grippe porcine ont permis à certains d’éviter cette épreuve de fond.

Le menu composé par le restaurant selon les suggestions de Bipin est : warm sweet curried oysters with cucumber sauce and salmon pearls / sizzling calamari and rock shrimp salad served in a won ton cup with Chinese chili paste / pancakes with stir-fried duck, mushrooms and cilantro / whole sizzling catfish with ginger and ponzu sauce / vegetable fried rice / sweet finale. Malgré la longueur des énoncés, ce fut léger et délicat. C’est effectivement une belle cuisine.

Chacun ayant apporté une bouteille de champagne personne ne connaissait à l’avance le programme.

Nous commençons par le champagne 2003 by Bollinger. La couleur est plus ambrée que ce que l’on pourrait attendre. La bulle est belle, l’attaque est très généreuse, mais la longueur est faible. Ce champagne est très sec, d’une belle complexité, mais le final coupe court. L’huître est délicieuse, le cresson très épicé ce qui brûle la bouche pour le plus grand plaisir de Bipin. Le Bollinger est globalement un grand champagne, très original.

Le champagne Billecart-Salmon Cuvée Saint-Hilaire 1996 a une couleur déjà très avancée. En bouche, c’est évolué, mais j’aime bien. La bulle est active. Il y a un peu d’oxydation. Si on accepte l’aspect un peu fumé et évolué, le champagne typé est assez intéressant, mais je trouve que ces deux premiers champagnes ne sont pas au sommet de leur forme.

Le champagne Dom Pérignon 1982 est aussi d’une couleur avancée, ce qui n’est pas habituel pour Dom Pérignon. Le nez est très élégant. En bouche le vin est aussi avancé, mais élégant. Chacun dit que c’est une très belle bouteille. Ma course contre la montre dans ma chambre et dans l’hôtel a-t-elle dévié mon goût ? Car contrairement aux autres je le trouve évolué, bon, mais marqué. Le plat de canard est fantastique et aide beaucoup le Dom Pérignon que je vois évoluer à toute vitesse et devenir ce que j’en connais et que j’aime. Mes amis avaient-ils une préscience de ce retournement que je n’avais pas ? J’en doute.

Le champagne Krug Clos du Mesnil 1986 est extrêmement bizarre. Son nez est de fruit rouge. Sa bouche est incroyable de fruits rouges aussi. Il est incroyable et d’une délicatesse rare. C’est pour moi complètement unique et me rappelle les évolutions de très vieux bourgognes. C’est un très grand champagne mais qui fait du hors piste. Pendant ce temps le 1982 devient un vrai Dom Pérignon. Le 1986 est follement fruité et de belle acidité. C’est du beau chardonnay.

Le champagne Salon 1996 que j’ai apporté – on dira que je manque d’objectivité – est le top du top. Sa couleur est de loin la plus jeune. Et ce champagne est le seul qui a le goût de champagne. Ici, nous sommes dans la pureté la plus orthodoxe. Avec la viande, c’est un régal. Je note sur mon carnet : « c’est le seul ‘vrai’ champagne ». Le 1986 est le charme absolu. Mais il est extraterrestre. Le Salon est le plus jeune, le meilleur, le plus grand.

Très curieusement les couleurs des champagnes évolués tendent à devenir de plus en plus claires. Le Dom Pérignon est très excitant et très vivant. Le 1986 est le plus extravagant.

Je classe : 1 – Salon 96, 2 – Clos du Mesnil 1986, 3 – Dom Pérignon 1982, 4 – Bollinger 2003, 5 – Billecart cuvée Saint-Hilaire 1996.
Je n’ai pas regretté la folie d’avoir dit oui.

(je rajouterai le 4ème repas lorsque j'aurai rédigé)


Cordialement,
François Audouze
09 Nov 2009 19:41 #1

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D'accord avec toi, le Clos du Mesnil 86 est un vin très curieux que je n'avais pas compris....Je l'ai tout de même aimé !
Florent.
09 Nov 2009 22:36 #2

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Beau dîner avec des invités qui n'écoutent pas toujours les consignes: Champagne jeune = Dom Pé 82, Grand champagne : 2003 by Bollinger (l'apport d'un plébéien ?)

Et sinon, j'apporte une petite correction, la cuvée de Billecart-Salmon s'appelle Clos Saint-Hilaire.

Je suis assez étonné que personne n'ai apporté Clos d'Ambonnay !!! (C'est vraiment la crise)

Stéphane
10 Nov 2009 08:28 #3

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Désolé pour Clos Saint-Hilaire, d'autant plus que c'est un Clos et que je le savais !

Pour Ambonnay, je n'en ai jamais bu, et j'ai une barrière psychologique au prix.


Cordialement,
François Audouze
10 Nov 2009 16:23 #4

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Le dernier repas, un déjeuner, se tient au restaurant Spago, comme le premier repas. Les hors d’œuvre se dégustent sur un champagne Laurent Perrier que j’apprécie plus que le premier jour, alors que c’est le même : hamachi ceviche with chili and yuzu citrus / duck liver mousse on pear and golden raisin tartelette / crouton with sturgeon mousse and Santa Barbara zea urchin / prosciutto di Parma pizza.

Le menu composé par Wolfgang Puck et son équipe est le suivant : Wild Alaskan salmon, braised cabbage, confit bacon, pinot reduction and wild huckleberries / Risotto, first of the season white truffles / wood oven roasted breats of Scottish pheasant, duxelle of porcini mushrooms and black walnuts, shepherd’s pie with braised leg and parsnip puree / selection of artisanal cheeses, toasted walnut bread / sweet potato sticky bun, candied walnuts and bliss maple syrup sorbet.

La première série démarre fort, car nous avons dix vins devant nous : Clos Vougeot Arnoux 1929, Clos Vougeot Boyer 1929, Clos Vougeot Faiveley 1929, Corton-Bressandes Yard 1929, Charmes-Chambertin Boyer 1929, Corton Grancey Latour 1949, Clos des Cortons Faiveley 1949, Clos de Vougeot Liger-Belair 1949, La Grande Rue Lamarche 1959, Clos Vougeot Bouchard 1959. Comme les vins ont – c’est une constante – été ouverts beaucoup trop tard, je vais progresser dans la connaissance de ces vins qui évoluent en permanence. Ces notes montrent mon cheminement.

Les nez des cinq vins de 1929 sont tous très engageants. Je goûte les vins sans plat. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est incroyablement fruité et délicat, très pêche de vigne. Le final est épicé. C’est un très grand vin qui parait fatigué mais ne l’est pas. Il vient juste d’être réveillé. Le Clos Vougeot Boyer 1929 a une attaque plus fatiguée et un final un peu amer tendant vers le thé. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 fait âgé, mais il exprime quand même ce qu’est un grand vin. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est très riche, plus plein. C’est un grand vin, pur, strict, très peu fruité, doté d’un beau final. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est beaucoup plus doux que les autres. Il est charmant. Il a peu d’ampleur mais un final passionnant. C’est un très grand vin. Le Corton Grancey Latour 1949 a une attaque moyenne mais se place bien en bouche. On ne sent pas qu’il est de vingt ans plus jeune, ce qui est tout à l’honneur des 1929. Son final est poivré. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est bouchonné et déstructuré. Quelle ne sera pas ma surprise quand certains diront l’avoir aimé ! Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 a un nez superbe. En bouche il est acide, amer, ce qui masque le message du vin fatigué. Il faut évidemment que je me méfie, car ces vins sont en phase de retour à la vie. La Grande Rue Lamarche 1959 est très doucereux, au final amer. Le vin est assez simple, et assez plaisant à boire. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 a la plus jeune des couleurs. Son attaque paraît un peu fatiguée, mais il a une très belle trame. C’est le plus vivace de tous.
Je refais un tour. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est adorable malgré ses signes d’âge. On sent la framboise, signe d’évolution, mais c’est un bon vin. Le Clos Vougeot Boyer 1929 est un très bon vin, riche, jeune, au-delà de ses traces d’âge. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 est assez fatigué, vin moyen. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est vivant et très agréable. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est pur, clair, c’est un grand vin, peut-être le plus jeune des 1929. C’est alors que le plat arrive, qui va évidemment donner un coup de fouet aux vins. Le Corton Grancey Latour 1949 devient donc charmant. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est toujours mort. Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 n’est pas parfait, un peu fluide.
Les 1929 sont nettement meilleurs que les 1949. La Grande Rue Lamarche 1959 est nettement meilleur avec le temps et avec le plat. C’est un grand vin même s’il n’a pas une trame extrême. Il est très séducteur et velouté. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 est meilleur que La Grande Rue Lamarche 1959. C’est le vin le plus fringant et joyeux.
Je commence à classer, mais je change tout le temps car les vins s’éveillent. Ça commence par Le Clos Vougeot Bouchard 1959, Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, Le Corton-Bressandes Yard 1929, La Grande Rue Lamarche 1959, Le Corton Grancey Latour 1949, Le Clos Vougeot Boyer 1929 et Le Clos Vougeot Arnoux 1929. Puis je change les quatre premiers, mais j’y reviens. Le Corton Grancey Latour 1949 passe devant La Grande Rue Lamarche 1959.
Au final j’intervertirai les deux premiers pour classer ainsi : 1 – Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, 2 – Le Clos Vougeot Bouchard 1959, 3 – Le Corton-Bressandes Yard 1929, 4 – Le Corton Grancey Latour 1949, 5 – La Grande Rue Lamarche 1959, 6 – Le Clos Vougeot Boyer 1929, 7 – Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 et 8 - Le Clos Vougeot Arnoux 1929.
Ce classement est forcément indécis car les vins changent tout le temps. Le Corton Grancey 1949 ne cesse de s’améliorer. Pour cette session, les Boyer se comportent nettement mieux que les Liger-Belair. Mais on n’en fera pas une règle. Le Bouchard semble se fatiguer, le Yard s’améliore. Bipin m’indique que le Louis Latour a été pasteurisé et que le Bouchard a été reconditionné. Ce qu’il faut retenir, c’est la belle leçon que donnent les 1929, qui sont souvent apparus plus jeunes que les 1949 et les 1959. Quelle chance que d’avoir eu ces vins à déguster ! L’accord de tous les vins avec le saumon a été parfait.

La deuxième série contient du lourd. Il y a « seulement » cinq vins, tous de 1959, mais quels vins ! La Tâche DRC 1959, Musigny Leroy 1959, Musigny Voguë 1959, Bonnes-Mares Roumier 1959, Chambertin Leroy 1959. La couleur la plus jeune est celle du Voguë et la plus tuilée celle de La Tâche. Il est illusoire de juger des parfums des vins qui viennent d’être ouverts il y a moins de dix minutes. Les plus beaux nez sont à ce stade ceux du Roumier et du Musigny Leroy. L’examen commence sans plat.

Le Chambertin Leroy 1959 est un peu fatigué. L’alcool ressort. Il y a une belle épice. Le final est un peu coincé mais complexe. Le Bonnes-Mares Roumier 1959 est un vin qui me fait dire : « wow ». Quel vin ! Si l’on me disait qu’il est de 1990, je le croirais. Il est d’une pureté rare. Epicé, charnu, fruité, il a un final un peu serré et moins brillant que son attaque. Le Musigny Comte de Voguë 1959 est lui aussi un vin immense. C’est la pureté absolue. On est dans le grandiose. Son final est meilleur que celui du Roumier. C’est un bourgogne parfait.

La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959 est le plus complexe de tous. Il est plus interlope, plus interpellant. Pour mon palais il a un côté canaille et salin que j’adore dans les vins de la Romanée-Conti. Le Musigny Leroy 1959 me fait penser que l’on va de mieux en mieux, car ce vin est d’une richesse et d’une perfection absolues. Comment différencier des vins aussi beaux ? Je classe en fait les vins dans l’ordre inverse de leur dégustation. Est-ce l’effet de l’épanouissement dans le verre de vins ouverts au dernier moment ? Pas seulement. Je reviens à chaque vin et Le Musigny Leroy confirme son équilibre, sa générosité et une perfection absolue. Le Musigny Voguë est d’une précision parfaite, un peu moins ample que le Leroy. La Tâche évolue vers un goût de Porto qui me déplait. Le Bonnes Marres a le plus beau fruité.
J’hésite longtemps entre le 5ème dégusté et le 2ème pour finir ainsi : 1 - Bonnes-Mares Roumier 1959, 2 - Musigny Leroy 1959, 3 - Musigny Comte de Voguë 1959, 4 - La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959, 5 - Chambertin Leroy 1959. Mais les vins continuent à évoluer dans leurs verres. Quand j’ai entendu que certains mettaient le Chambertin Leroy en premier, je n’arrivais pas à y croire.

La troisième série comprend six vins de 1949 : Chambertin Leroy 1949, La Romanée Liger-Belair 1949, La Tache DRC 1949, Musigny Liger-Belair 1949, Musigny Leroy 1949 et Musigny Voguë 1949.

Le nez de La Tâche est parfait. Va-t-il tenir ? Je commence par goûter ceux dont les nez sont difficiles. Le Chambertin Leroy 1949 a un léger parfum de gibier. En bouche, l’attaque est agréable, mais le final où se retrouve un goût de gibier limite le plaisir. C’est un vin moyen. Le Musigny Comte de Voguë 1949 a un nez fatigué. La bouche est agréable. Il n’a aucun fruit. C’est un vin simplifié mais dont le final est agréable. Je dirais que c’est un vin vieux, la limite de mes remarques étant liée à cette malheureuse ouverture tardive. Le Musigny Liger-Belair 1949 est riche et bien épanoui. Son final est intéressant, avec une amertume bourguignonne que j’adore. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 a un palais assez peu équilibré. Le vin n’est pas ouvert mais on sent sa promesse et sa grande race. Le Musigny Leroy 1949 a une bouche normale, sans réelle tendance marquée. On sent légèrement son alcool. Le final est très élégant de fruit et de rose fanée. La Romanée Liger-Belair 1949 est très riche. S’il y a un léger défaut, cela n’enlève rien à son plaisir et à son final bien solide. Malgré tout, il ne donne pas encore beaucoup d’émotion.
J’ai l’impression que le match va se jouer entre La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 et le Musigny Liger-Belair 1949 qui ont des similitudes dans leurs amertumes bourguignonnes. La Tâche commençant à évoluer vers le Porto comme l’avait fait le 1959, c’est le Liger Belair qui va gagner. Mais le plat arrive et redistribue les cartes. Le Voguë s’épanouit, La Tâche développe des arômes de roses, la Romanée se structure de façon spectaculaire.
Mon classement bouge encore pour se fixer à : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949, 2 - La Romanée Liger-Belair 1949, 3 - Musigny Leroy 1949, 4 - Musigny Liger-Belair 1949, 5 - Musigny Voguë 1949, 6 - Chambertin Leroy 1949.
Je me suis amusé à comparer les deux Chambertin Leroy 1949 et 1959 et les deux La Tâche 1949 et 1959. Dans les deux cas, la typicité du domaine se retrouve quasiment à l’identique et les déviations, des Leroy vers le gibier et des La Tâche vers le porto se reproduisent d’une égale façon.

Nous finissons le repas sur deux vins de majesté : Echézeaux Henri Jayer 1989, La Tache DRC 1989. La couleur a plus belle est chez Jayer. Le plus beau nez est à La Tâche. L’Echézeaux Henri Jayer 1989 est d’une richesse de fruit spectaculaire. Sa pureté est incomparable. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1989 a la typicité du domaine. L’alcool est là, mais aussi la complexité, la virilité et la salinité. Les deux vins sont très différents, le Jayer très généreux et le DRC moins conventionnel, ce qui me plait plus. Le Jayer est la simplicité naturelle, La Tâche, c’est la complexité terrienne. C’est elle que je préfère est c’est pour moi le plus grand vin de ce jour merveilleux.

Une remarque me tient à cœur. Au repas des Bordeaux rouges, j’ai vu le sommelier vider les fonds de bouteilles dans un verre unique, où ils se mélangent, qui sera mis à l’évier. Une telle attitude me révolte. Aussi le lendemain, avec une diplomatie matoise, je suis allé lui dire que s’il y a des fonds de bouteilles, j’aimerais bien les boire, plutôt que de les voir jetés. Rien n’est venu jusqu’à moi. N’ayant aucune illusion sur la possibilité d’influencer le cours des choses, je regrette que pour beaucoup de vins, nous n’avons goûté, pour des vins sublimes, que la moitié de ce qu’ils ont à dire. Mais la moitié fut si belle que j’ai encore l’émerveillement d’un enfant gâté.

En trois jours, tant de vins historiques, c’est fou.


Cordialement,
François Audouze
10 Nov 2009 19:38 #5

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Bipin m’indique que le Louis Latour a été pasteurisé


Bonsoir François,
Merci pour ce reportage impressionnant.
Quel peut être le motif de cette opération? Quelque chose à voir avec l'exportation?

Ta conclusion sur ces vins mis à l'évier est pour le moins sidérante.
Pourquoi ne pas profiter de ces fonds de luxe pour partager et récompenser l'équipe de sommeliers qui a officié lors de la soirée?

Vraiment un bien curieux comportement...
Oliv
10 Nov 2009 20:07 #6

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Pour la pasteurisation, j'ai noté ce qu'a dit Bipin, sans pouvoir autrement commenter.

C'est le sommelier lui-même qui a versé les fonds dans un seul verre. Une honte.
Quand je compare ce que donnent les vins ouverts au dernier moment et carafés avec ce que donnent les vins que j'ouvre toujours moi-même avec un soin énorme, j'enrage.
Ce qui est frustrant aussi, c'est qu'il y a beaucoup plus de vins qui s'éteignent vite avec leur méthode qu'avec celle que j'utilise.
Et comme les sommeliers ou Bipin voient des vins qui s'évanouissent, ça les renforce dans leur erreur, puisqu'ils se disent : "j'ai bien fait d'ouvrir au dernier moment, puisqu'il y a des vins qui s'évanouissent".
Ils oublient, ou plutôt ne savent pas, que c'est en laissant tranquilles les vins 4 à 5 heures qu'ils se renforcent et n'ont quasi aucune chance de s'évanouir après.
Eux se rassurent en se disant : il vaut mieux les ouvrir au dernier moment, alors que c'est l'inverse qu'il faut faire.

Bon, j'enrage, mais j'ai quand même bu des vins de légende, avec des témoignages uniques. Il me fallait interpréter parfois le message. Mais globalement c'était extraordinaire.

A noter que je suis un amoureux des Guigal et un amoureux des bourgognes.
Si je devais donner la hiérarchie globale des vins que nous avons bus, globale par région, ce serait :

1 - bourgognes blancs
2 - bordeaux
3 - bourgognes rouges
4 - Rhône

alors que ce n'est pas ce que j'aurais imaginé. Cela veut dire que la prestation des bordeaux a été très au dessus de ce que j'attendais.


Cordialement,
François Audouze
10 Nov 2009 21:57 #7

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Tu n'es jamais parvenu à convaincre M. Desai du bien fondé de ta méthode, même lorsqu'il joue sur tes terres, François ?

Oliv
10 Nov 2009 22:13 #8

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Grandioses. Merci François pour cette impression de direct ; Je me suis régalé ! Ta démarche est récompensée ! Si quelqu'un mérite d'avoir bu tous ces chef d'oeuvres de l'histoire, c'est bien toi. Remets toi bien de tes émotions ! Il se peut qu'après quelques jours de repos ton classement bouge à nouveau. Quelques fois le recul permet de mieux cerner certains aspects que l'on a pas réussi à saisir sur le vif ...
Florent.
10 Nov 2009 22:52 #9

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La relation que j'ai avec Bipin Desai est assez étrange, faite d'amitié, mais aussi de caractère professoral.
Bipin est professeur dans la vie civile, et il est professeur vis-à-vis de moi dans nos relations.
Souvent, il me dit : "vous devriez faire comme cela dans vos dîners".
Alors, l'idée que ma méthode pourrait être meilleure que la sienne ne l'effleure même pas.
Il a toujours trouvé bizarre ma façon de juger le vin.
La sienne ressemble à celle de tous les écrivains sur le vin, dont le palais est façonné par l'histoire. Si une année doit donner un vin sec, ou au contraire un vin fruité, il vont le trouver comme l'année "doit" le donner, même si ce n'est pas ce que le verre indique (je caricature bien sûr, mais il y a un fond de vérité). Ce qui veut dire qu'ils sont influencés par ce qu'ils doivent trouver.
Alors que moi, qui n'ai pas du tout leur culture, je me fie à mon palais, tout imprécis qu'il est. Et si 1957 est meilleur que 1959, je dis que 1957 est meilleur que 1959, alors que pour eux, 1957 ne doit pas être supérieur à 1959.
Mais Bipin sait, par des recoupements et des témoignages, que beaucoup de vignerons qu'il connait aiment ce que j'écris.
Alors, il se dit que peut-être ce que je pourrais dire n'est pas totalement faux.
Mais il crée quand même une relation de type élève - professeur entre nous.
Comme ça ne me dérange pas, je m'y plie.

A noter que j'ai une profonde admiration pour l'expérience de Bipin, sa connaissance des vins, et son palais qui juge avec une grande acuité.

De là à imaginer qu'il puisse écouter mon expérience, je n'y crois pas.
Il faut savoir que dans le monde, je suis certainement celui qui a ouvert le plus grand nombre de vins anciens.
Car Bipin n'ouvre jamais ses bouteilles, Michael Broadbent ne les ouvre jamais, et tous ceux qui en boivent beaucoup parmi les plus grands journalistes n'ouvrent jamais eux-mêmes les bouteilles. Alors que j'ouvre toujours toutes les bouteilles lorsque l'événement est sous ma responsabilité.

Je vais aller cette semaine à une colossale verticale de Clos de Tart, et grâce à mon amitié avec Sylvain Pitiot, j'ouvrirai toutes les bouteilles même si je ne suis pas responsable de l'événement. Et je compte bien en profiter pour essayer d'imposer cette méthode, car il y aura de grands écrivains du vin.


Cordialement,
François Audouze
11 Nov 2009 10:03 #10

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Florent,
J'ai pensé à ta façon de juger avec une note finale.
Lorsqu'il y a des vins qui changent de façon colossale, la note me semble extrêmement difficile à donner.
Car j'ai eu toutes les évolutions possibles :
- les vins qui s'éteignent après avoir été charmants
- les vins qui ne cessent de s'améliorer (alors quand capter leur note ?)
- les vins qui démarrent bien qui s'éteignent et qui renaissent ensuite.

Je me suis astreint a chercher dans chaque groupe une hiérarchie de plaisir, bien sûr changeante, et j'aurais eu le même embarras si j'avais eu à donner des notes.

Comme tu suggères qu'après coup, la vision se forme, idée que je partage absolument, voici ma vison actuelle de ce que j'ai ressenti :

Les vins qui constituent une divine surprise et un divin plaisir
Meursault Perrières Comtes Lafon 1989
Veuve Clicquot 1949
Montrachet Ramonet 1989

Les vins que je connaissais et qui sont d’une perfection absolue
Yquem 1959
Montrachet DRC 1999,
Latour 1959
Pétrus 1989

Les vins qui m’ont donné un plaisir immense
Lafite 1959
Latour 1929
Salon 1996
Hermitage La Chapelle Jaboulet 1959
La Tâche DRC 1989
Bonnes-Mares Roumier 1959
La Tâche DRC 1949
La Romanée Liger Belair 1949

Ma mémoire gardera sans doute d'autres impressions, car le Bonnes Mares Roumier grimpera sans doute dans ma mémoire. On verra.


Cordialement,
François Audouze
11 Nov 2009 10:27 #11

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Il a toujours trouvé bizarre ma façon de juger le vin.

Je ne pense pas qu'il soit le seul...

beaucoup de vignerons qu'il connait aiment ce que j'écris

Peut-être parce qu'en général, tu es beaucoup moins critique que d'autres, tu ne crois pas ?

Luc
11 Nov 2009 11:53 #12

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Je me disais bien que Luc allait dans tous ces textes essayer de trouver ce qu'il pourrait dire qui soit négatif.
Il a trouvé.
Comme c'est un système, je ne m'en formalise pas.
Il se trouve que je suis beaucoup plus critique que ce que tu remarques, car, ayant tant de choses à lire, tu n'as pas le temps de lire en détail ce que j'écris.
Et je considère que mes propos enthousiastes ne peuvent se concevoir que s'il y a aussi des critiques, et je peux te dire qu'il y en a !

Il se trouve que j'ai une vision qui n'est pas prisonnière de l'image convenue des années. Et comme je suis libre de mes propos, je dis quand une petite année est bonne ou quand une grande année est petite. Et, comme Bipin me fait prendre la parole quasiment à chaque repas, je constate que de plus en plus, des gens viennent le dire : "c'est vrai ce que vous dîtes". Alors, je n'en tire pas de conséquence sur mon niveau de dégustateur, car je n'ai aucune prétention dans ce domaine, mais je me rends compte que je commence à cerner assez bien une partie d'une certaine vérité.

Ce qui n'empêche pas que je considère que j'ai beaucoup de lacunes, que je compense d'une certaine façon avec l'expérience acquise.

Ce que certains vignerons aiment, c'est l'humilité et l'ouverture de mon approche, et l'absence de jugement péremptoire. Cette attitude ouverte est très appréciée.
Tu vois Luc, mon attitude vis-à-vis du vin, pour que tu la comprennes, il suffit que tu te dises que c'est exactement le contraire de l'attitude que tu as vis-à-vis de mes écrits : pas un gramme d'ouverture. ;)


Cordialement,
François Audouze
11 Nov 2009 16:03 #13

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Plus ouvert que ça, je ne peux pas François, je suis au maximum...
Sinon, l'auto-congratulation fait partie de ta manière de concevoir l'humilité ? ;)

Luc
11 Nov 2009 16:10 #14

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"Ce que certains vignerons aiment, c'est l'humilité et l'ouverture de mon approche, et l'absence de jugement péremptoire. Cette attitude ouverte est très appréciée. ": c'est quand même énorme:D
11 Nov 2009 17:58 #15

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Coluche¨aurait dit "le mec qu'est humble, il le sais pas, vu que c'est lui qui juge!"8-)
11 Nov 2009 18:03 #16

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Luc veut faire de l'humour, je lui réponds, avec des perches tendues. ça s'appelle du teasing.
Je grossis le trait, histoire de le faire réagir. Ce n'est pas très difficile de savoir ce qui fera réagir.
De l'interprétation au premier degré.

ça ne fera pas de bagarre.
Sans rancune.


Cordialement,
François Audouze
11 Nov 2009 19:12 #17

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