On me colle souvent l'étiquette de buveur d'étiquettes parce que je bois des vins célèbres et on oublie souvent que j'en bois beaucoup d'autres.
Et des gens sur LPV (enzo si tu m'entends
) essaient de faire croire que je serais aveugle, puisque je ne bois pas à l'aveugle.
j'ai ressorti ce texte que j'avais d'ailleurs publié sur LPV :
Une collection de vins ne vaut que si elle vit. Et mes enfants sont évidemment sa destination idéale. Je descends à la cave ouvrir les bouteilles le matin, puisque nous nous réunissons pour déjeuner. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 a un niveau assez bas, mais possible. J’ouvre la capsule et le haut du bouchon sent comme un vilain vinaigre. Le bouchon est noir, sale, gras. Les traces sur le goulot sont graisseuses. Le vin sent très mauvais. S’il doit revivre, il part vraiment de très bas.
J’ouvre la Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1954 dont la capsule m’étonne car je n’avais pas remarqué : c’est une capsule de négoce, avec un numéro dans le département 21 qui finit par 66. Or l’étiquette indique Monopole et Leroy. Que s’est-il passé ? Est-ce la capsule de Leroy ? La capsule est éclatée par un vice pervers, comme les bouteilles qui vont mourir, le bouchon est encore plus noir et plus gras que celui de La Tâche. L’odeur est aussi mauvaise, à peine un peu moins. Voilà deux bouteilles qu’un sommelier consciencieux éliminerait immédiatement, dans cet état de senteurs insupportables. Je suis assez agacé, car je trouve dans les vins de la Romanée Conti une plus grande vulnérabilité que celle que je trouve ailleurs. N’en tirons pas de conclusions hâtives, car je suis évidemment plus exigeant pour de tels vins. Il a dû m’arriver aussi, en salles des ventes, d’accepter d’acheter des bouteilles à risque, plus pour le Domaine de la Romanée Conti que pour tout autre domaine. Quand même, ça ne me plait pas.
J’ai déjà bu deux fois La Tâche 1943, et les deux précédentes sont à cent coudées au dessus de celle-ci, et en Romanée Conti de l’après-guerre, si j’exclue la divine 1945, les 1952 et 1956 que j’ai bues ne figurent pas vraiment dans mon Panthéon. Aussi, voir ces bouteilles qui ont survécu, mais ne peuvent pas cacher leurs blessures, ça m’irrite. Je suis un peu excédé.
ça n'empêchera pas qu'on dise que je ne suis pas lucide. Mais c'est ainsi.
DRC est un domaine que j'ai cherché à explorer, et contrairement à ce que dit oliv, je le fais parce que j'ai envie, et pas pour sortir des tableaux de chasse.
C'est mon désir, Aubert de Villaine m'encourage dans cette voie parce qu'il aime mon approche. Et le reste, je n'en ai rien à faire, parce que certains commentaires manquent de lucidité.
Admettez une fois pour toutes qu'on ait envie de connaître ce domaine, qu'on est lucide, car il n'a pas un monopole de la perfection. Mais si on s'y intéresse, il y a parfois, souvent peut-être, des vins de forte émotion. Il y a des vins moins chers qui seront très bons, jugés à l'aveugle meilleurs, mais qui seront dans d'autres directions de goût.
Prenons un exemple : j'ai bu avec Jean-Louis Chave l'Ermitage Cathelin Chave 1991 : monumental. Si on le met face à de très grands vins du DRC, à l'aveugle, il est hautement probable que Cathelin 1991 battra beaucoup de vins du DRC. car il a une lisibilité tellement directe, qu'il dominera les subtilités des vins du DRC.
Je parie que Cathelin contre dix belles La Tâche arrivera premier à l'aveugle.
Mais c'est une comparaison qui n'a pas franchement de sens, car les vins du domaine sont beaucoup plus romantiques et cherchent le registre des subtilités.
On peut aimer les vins du DRC, reconnaître leurs faiblesses quand il y en a, et estimer que les comparaisons sont parfois sans intérêt si les directions prises par les vins sont différentes.
Dans le dîner de vignerons que j'ai fait, Cathelin 91 est pour moi le plus grand vin. Mais La Chapelle 1978 est un grand vin, Clos de Tart 1988 a un romantisme qui m'a ému et le Musigny 1993 de Vogüé est subtil sans atteindre le niveau des autres.
Quand on parle des Duvault Blochet et des Echézeaux, voire Grands Echézeaux, le concept de RQP joue pleinement son rôle, et préférer un autre producteur de l'un de ces vins, ça fait partie du jeu normal de la comparaison. Après, les vins du DRC souffrent du handicap de prix élevés qui sont
sans rapport avec leur qualité, qui est grande, mais sont
plus en rapport avec la réputation du domaine. C'est triste et c'est comme ça. On l'accepte ou on ne l'accepte pas.
Mais si on a envie un jour de goûter une Romanée Conti, la barrière de prix est là, complètement décourageante pour 99,9% de la population des amateurs.
Rien ne justifie d'essayer de dégoûter ou dénigrer ceux qui en boivent... La preuve, vous avez tous applaudi oliv lorsqu'il les a bues à la Villa d'Este et racontées.