J'ajoute mon petit grain de sel...
Paradoxalement, j'ai dégusté beaucoup plus de 1982 que de 1990 (et de 2000 à ce jour). En effet, lorsque j'étais étudiant, je travaillais quelques jours par semaine chez un marchand de vin à Genève. C'était dans les années 83 à 85. Par conséquent, j'ai eu le privilège de goûter énormément de 82, des 1ers GCC aux Bdx génériques dans leur prime jeunesse, souvent plusieurs fois. Je compare donc plus facilement les 2000 aux 1982. Très franchement, pour moi, les 82 avaient une dimension "Bordeaux classique" que n'ont pas les 2000. Dans leur jeunesse, la plupart des domaines (chacun à son niveau), avaient sorti des vins monumentaux en 1982. Le fruit était exceptionnel (une année très chaude, comme 1961 et 1947... pas comme 2000, petite remarque juste en passant!) avec un degré de sucre naturel rare. La structure était très impressionnante, d'une grande puissance tout en présentant une finesse remarquable. L'équilibre était souvent parfait, aucun élément ne prenant le pas sur l'autre. Ce n'étaient certes pas des vins faciles à boire comme les 2000, mais il n'y avait aucun doute sur les qualités uniques de beaucoup de ces vins.
Pour moi, de nombreux 2000 que j'ai goûté jusqu'ici (en tout une bonne vingtaine) ne montrent pas du tout les mêmes vertus que les 82. Ils offrent un très beau fruit rouge très pur - parfois, on a même l'impression d'avoir un coulis de framboise/cassis sur le palais. Leur ampleur et leur persistance sont souvent remarquables. Cependant, je trouve qu'ils sont déséquilibrés. Je m'explique: a ce stade, le fruit recouvre parfois le tanin. Dans certains cas, j'estime même leur côté tannique un peu "juste". Au même âge, les 82 étaient monumentaux. Les 2000 représentent un plaisir immédiat - peut-être un peu facile... Certains 2000 me paraîssent même présenter une certaine "mollesse" de texture qui me laisse douter de leur capacité à un long vieillissement. Parfois, certains vins présentent des degrés d'alcool supérieurs (0.5 à 1 O de + que leur moyenne). N'oublions pas que l'alcool "arrondit" souvent les vins. Mais le fruit et l'alcool seul ne donne pas un vin de garde (au mieux des pruneaux en conserve..!). Est-ce que leurs tannins vont un jour s'affirmer et finalement permettre aux 2000 de défier le temps? C'est possible, mais je ne parierai pas ma rente de retraite là -dessus. En 1985, personne ne se posait ce genre de question au sujet des 1982!
Je ne parle PAS ici des grands Bordeaux (Margaux, Lafite ou Pétrus etc...) que je n'ai pas encore eu l'occasion de déguster.
Quatre ans après leur mise en bouteille, beaucoup de 1982 se sont refermés, certains pour de longues années. Il sera intéressant et instructif de voir si les 2000 connaissent une évolution similaire.
Viva 82!
Alain