VIIIème OPUS – LA NERTHE ET RAYAS
Il faut nous être prudents, nous devons rester vigilants. La passionatta nous guette, elle est tapie dans les vignes, cachée derrière les plants de Syrah, Grenache ou bien Cinsault, prête à bondir sur nous telle une panthère pour nous dévorer.
A chaque rencontre, je m’émerveille devant tous ces visages rayonnants et piaffants de bonheur. Chaque rencontre est l’occasion de partager, débattre (n’est – ce pas Yves et Jean Pierre – ce moment fut énorme).
Encore une fois, nous avons touché grâce à Jean Louis, un sommet du monde vinicole.
Après avoir été reçus par Mr VŒUX du Château La Nerthe ponctué par un pique nique pris dans les vignes à l’ombre des chênes, notre passion nous mènera au Château Rayas. Mythe si il en est, recherché par les amateurs du monde entier, Rayas peut représenter le sommet absolu de l’appellation Châteauneuf du Pape par ses qualités intrinsèques.
Au cours de cette visite, nous rencontrerons Emmanuel Reynaud.
Successeur d’une longue lignée de vignerons homonymes, Mr REYNAUD a hérité de la lourde tâche de demeurer au sommet. Ce n’est pas tâche aisée, vous en conviendrez.
En attendant Yves est sur la route, il arrive. C'est bon d'être titulaire d'une wild card permanente.
-D
Pour débuter la journée, nous commencerons par une visite du Château La Nerthe.
Le groupe n’est pas encore au complet mais ce sera une excellente mise en bouche.
Pablito est ici comme chez lui. Nous sommes accueillis par Mr VŒUX – directeur de la propriété – nous visiterons rapidement les caves.
Ces cuves taillées dans la pierre datent du XVIème siècle, elles servent toujours à l'élevage.
Mr VOEUX ne résistera pas à nous emmener au sein du Clos de Beauvenir pour nous parler des vignes et de l’exploitation.
Le domaine travaille en bio depuis 1998, les rendements sont de 35 hl/ha, à l’époque des vendanges le tri obligatoire est effectué, et ce, selon le décret de l’appellation. Le palissage n’est autorisé que sur les blancs et la syrah.
Néanmoins, un fil de relevage a été mis sur les gobelets de Grenache, technique initiée au sein du domaine désormais tolérée au sein de l’appellation.
Les terrains de la Nerthe sont un véritable patchwork géologique. Les parcelles entourant le domaine sont réparties ainsi : sur les argiles, nous retrouvons les blancs, la Syrah et le Mourvèdre. Sur les sables, nous y retrouverons le Grenache qui lui confère de la finesse.
Les vignes sont équipées d’un système d’irrigation aérien, toléré par le syndicat. L’utilisation n’en a été faite qu’en 2003. L’irrigation est autorisée par le syndicat 2 fois l’an.
Nous retournons au caveau afin de procéder à la dégustation, nous débuterons par les blancs.
Ils filent à la dégustation en douce....
Châteauneuf du Pape 2007 : nez très floral, fleurs blanches, la bouche ouvre sur des arômes de poire au sirop signant un belle fraîcheur, le vin reste vif néanmoins un peu court.
Châteauneuf du Pape 2004 : nez plus évolué, les notes de cire et de miel se démarquent, la finale épicée lui confère une acidité persistante.
Châteauneuf du Pape – Clos de Beauvenir 2003 (3500 bouteilles produites) : Belle couleur or, au nez, le bois ressort quelque peu. La bouche est très typique ouvrant sur des arômes de caramel, elle est crémeuse et s’étire sur une belle longueur.
Nous poursuivons par les rouges :
Châteauneuf du Pape 2004 : nez discret, la bouche est dure avec une trame stricte.
Châteauneuf du Pape 1997 : nez très évolué sur des arômes tertiaires qui s’effacent pour laisser la place à un vin animal et une bouche très courte.
Châteauneuf du Pape – Cuvée des Cadettes 2003 : attaque tannique, notes mentholées et boisées. La bouche reste néanmoins longue.
Nous ressortons de ce cadre idyllique pour rejoindre nos comparses avec les papilles éveillées. Une fois réuni, nous allons nous rapprocher de l’objectif en douceur.
Pour se rendre à Rayas, il suffit de suivre le panneau
et d'emprunter l’avenue de Vaudieu sans quoi vous risquez de tourner en rond un petit moment.
Nous déballons les victuailles et les bouteilles se débouchonnent à la vitesse de la lumière :
Vin de Pays de l’Hérault – Daumas Gassac (blc) 2007.(cf rubrique ad hoc)
Condrieu – Domaine Niero 2004 : bouchonnée.
Côtes du Rhône Villages – Rasteau – Domaine Elodie Balme 2006 (rge).
Côtes du Vivarais – Domaine Gallety cuvée Haute Vigne 2006 (rge).
Côtes du Vivarais – Domaine Gallety cuvée Domaine 2000 (rge).
Côtes du Rhône – Domaine Charvin (rge) 2006.
Pirate n° 1 : The Fredo’s wine (rge) 2007 (Merlot/Syrah).
Pirate n° 2 : The Pablito’s wine (rge) 2007 (Grenache/Cinsault/Mourvèdre).
Moulin à Vent – Domaine du Vissoux (rge) 2005.
Côtes du Rhône – Domaine Richaud cuvée Terres d’Aigues (rge) 2007.
Le ventre rassasié, nous nous rendons tranquillement au domaine, la cave est indiquée par un panonceau rouillé ayant essuyé les impacts de quelques plombs.
Nous y voilà. Nous y sommes.
Nous stationnons nos véhicules à l’ombre des platanes.
Ici, pas de secrétariat, pas d’accueil avec une belle demoiselle, rien que de la poussière de sable provenant des vignes et soulevé par le vent tournoyant. On se croirait dans un village du far west abandonné où l’accueil y est froid.
Une tête sort d’une fenêtre du bâtiment agricole nous faisant front, c’est Emmanuel Reynaud. Le maître des lieux nous annonce qu’il nous faut patienter un petit quart d’heure. Il descend à notre rencontre et nous demande si nous voulons visiter. La poignée de main est ferme et décidée, l’œil est vif, il nous observe un à un. Yves, qui a pour habitude de prendre des clichés photographiques se fait remonter par une phrase sèche et directe : « Vous n’allez pas commencer avec vos photos. » Le ton est donné.
Il nous invite néanmoins à faire un tour dans les vignes entourant la bâtisse agricole. Lors du parcours qui s’effectue à un rythme soutenu, il nous demande si notre repas ne nous pèsera pas trop. Il est taquin.
Ceux qui ne le connaissaient pas sont servis. Nous avons à faire à un véritable personnage.
Il nous emmène au cœur de la cuvée Rayas.
En effet, la cuvée Rayas est composée par trois parcelles : le levant, le cœur et le couchant.
Le coeur de Rayas
Les sols y sont sablonneux, le grenache y règne en maître. Les vignes sont plantées au carré, elles sont travaillées dans les 2 sens.
Le cœur est un micro climat, il est entouré d’une barrière naturelle faite de forêts de chênes.
La vendange y est précoce, de 8 à 10 jours par rapport aux autres parcelles. Ces barrières la protègent du vent et lui maintiennent également une température ayant une faible amplitude.
Toutes les pierres sont extraites des sols. Le sol sablonneux donne au vin une grande finesse, en effet, la légèreté du sol est extraordinaire, le sable est foisonnant.
La vigne est écimée lui permettant de créer un effet buisson afin de développer la surface foliaire de la feuille.
Nous passons dans la parcelle du couchant.
Il insiste sur le fait que la vigne doit produire un raisin mûr. Les traitements sont faits à la bouillie et au soufre.
Nous retournons ‘au domaine’ pour accéder à la cave.
La stupeur est générale, voyez par vous – même.
Nous voyons s’étendre devant nous des vieux foudres, âgés pour moyenne de 80 ans. Même les bondes sont en bois ! Les verres sont serrés dans nos mains. Nous allons débuter la dégustation par les blancs :
Côtes du Rhône – Fonsalette 2007 (90 % grenache / 2 % clairette / 8 % marsanne) : un vin très gras et très frais. Il développe une puissance impressionnante, il est d’une persistance grandiose.
Châteauneuf du Pape – Rayas 2007 (50 % grenache / 50 % clairette) : vin puissant et très tendu, la vivacité laisse révéler une superbe longueur.
Vin de Pays – Domaine des Tours 2004 (100 % clairette) : vin très frais, un beau gras et une belle complexité signe un beau vin.
Le domaine des Tours représente 40 hectares, le Château Rayas représente 15 hectares et le domaine de Pignan représente également 15 hectares. La question sur les rendements a été posée, la réponse n’est que plus équivoque : « Nous sommes à l’opposé de tout ce qui se fait, tant que l’équilibre entre le sol et la vigne est respecté, tout va bien ! » Nous continuons par une série de blancs. Il nous annonce tout de même un rendement de 30 à 40 hl/ha.
Côtes du Rhône – Domaine des Tours 2004 (100 % grenache) : nez sur l’oseille, la sauge, la menthe, herbe fraîchement coupée. Le vin est gras et puissant, l’équilibre est superbe, note saline sur la finale.
Emmanuel Reynaud : « Goûter les terroirs, c’est goûter différentes images du vin »
Côte du Rhône – Fonsalette 2001 : au nez, pointe d’oxydation, le vin est sec et légèrement épicé.
Châteauneuf du Pape – Rayas 2001 : vin fermé, nez très mur, sensation de gras, vin assez long.
Mis à part les deux derniers, les blancs dégustés sont méconnus, les vins ont une superbe tenue.
Poursuivons par les rouges.
Côtes du Rhône – Fonsalette 2007 (100 % cinsault) : sur le fruit croquant très concentré, le vin est vif, finale sur l’épice.
Côtes du Rhône – Fonsalette 2007 (100 % grenache) : nez animal, la bouche est fine et épicée, petite verdeur sur la finale.
Châteaneuf du Pape – Pignan 2007 (100 % grenache) : le vin est un peu fermé, notes épicées et poivrée, vin long, finale chaleureuse.
Rayas – le cœur 2007 (100 % grenache) : notes terreuses au nez, le fruit rouge s’exprime.
Rayas – le levant 2007 (100 % grenache) : notes plus délicates, vin plus souple et plus gras – les argiles ramènent ce gras.
Rayas – le couchant 2007 (100 % grenache) : au nez, coulis de framboise, en bouche, le vin pinote, vin atypique. C’est la colonne vertébrale de Rayas, le vin est ramassé plus tôt.
Fonsalette 2007 (100 % syrah sur sol argileux) : la syrah s’exprime allègrement, les épices sont envahissantes, le gras provient de la nature du sol : l’argile.
Fonsalette 2007 (100 % syrah sur sol sablonneux) : vin minéral et plus structuré, vin ayant une fonction matricielle.
Côtes du Rhône – Château des Tours 2004 : vin évolué, kirsch, tannique.
Vacqueyras – Château des Tours 2003 : vin très mur, notes évoluées.
Emmanuel Reynaud : « Le mourvèdre, c’est une saloperie, ce n’est pas bon pour nos terres. » « Je mets du soufre, mais il n’en faut pas dans les verres. »
Vacqueyras – Château des Tours – Côte du Rhône Grande Réserve 2002 : fruit très gourmand, finale sur le pruneau.
Vacqueyras – Château des Tours 2001 : fruits rouges, très expressif, beau volume.
Côtes du Rhône – Fonsalette 2006 : fruit très mur très croquant, vin friand.
Châteauneuf du Pape – Pignan 2006 : finesse sur le fruit, les choses se mettent en place doucement.
Châteauneuf du Pape – Pignan 2003 : très complexe, racé, fruit, aristocrate, profondeur.
Châteauneuf du Pape – Rayas 2003 : plus dur que le précédent et moins expressif. Quand il nous dit qu'il faut carafer ses vins.
Certains vins étaient oxydés. Mr REYNAUD avait préparé cette dégustation, les pièges étaient présents, la dégustation à l'aveugle est déroutante et déconcertante.
Nous ressortons abassourdis par la dégustation, nous avons besoin de nous rafraîchir. Nous filons à Châteauneuf du Pape, histoire de debriefer et boire un peu d'eau. Nous retrouverons certains d'entre nous à Gigondas pour diner à l'Oustalet.
En guise d'introduction à l'apéritif et au repas qui vont suivre à l'Oustalet, nous redéballons les bouteilles entamées à midi auprès de la fontaine de Gigondas avec quelques restes de charcuterie, ce fut un moment épique, voyez plutôt
Nous débuterons par un Montlouis - Clos du Breuil 2005 - Domaine François Chidaine : expression de chenin typique, le nez est puissant, la bouche est fine et onctueuse, un gras équilibré enveloppe le tout, superbe vin.
Fonsalette 1998 et Rayas 1998 suivront. Ces deux vins seront carafés pour se laisser déguster sur du pigeon cuit à merveille.
Emmanuel Reynaud n'aura eu cesse de nous répéter : mes vins se dégustent sur la vingtaine, et pour ma part je les carafe 3 à 4 jours avant de les déguster.
Merci à lui pour son accueil que l'on peut qualifier d'unique.
b@sti@ni pour vous servir..au IXème symposium du CRV à T.-
Unis pour le butin, divisés au partage.
François Marie Arouet, dit Voltaire [1694-1778]
Catilina, ou Rome sauvée (1752), III, 1
Infos CRV : Jean Pierre, ô grand et célèbre organisateur de soirée LPVienne sur Paris et l’IDF me ressasse sans cesse : «Vous avez de la chance d’habiter au milieu des vignobles ». Par ces quelques lignes, nous essayons de vous retransmettre pour le mieux ce que nous vivons, nous tentons de rendre vivante notre passion commune du vin, nous espérons y parvenir, si vous souhaitez voir apparaître d’autres informations sur un domaine visité, n’hésitez pas à nous interpeller, nous vous répondrons dans la mesure du possible.