Histoire de faire ce qu'on je conseille aux autres, j'ai donc lu le n° de Tast consacré aux primeurs 2007...
Luc, franchement, tu cites des extraits qui ne sont pas vraiment représentatif de l'esprit général du papier ;-). J'y met des sourires, car je suis certains que si tous les intervenants à ce post avaient lus, ensemble, ce tast autour d'une table, un verre à la main, le ton de la conversation aurait été fort différent ;-)
Je pourrais me vexer, moi aussi, des affirmations de Michel qui déclare que les vins du sud "naissent tout faits, immédiatement reconnaissables, mais en contrepartie peu sujets à se métamorphoser avec l’âge" ;-). Il a néanmoins globalement raison, bien que j'espère lui montrer dans les années qui viennent qu'un "à de rares exception prêt" n'aurait pas été de trop ;-)
J'ai préfèré étudier avec amusement les nombreuses pistes que donnent ce numéro sur l'évolution du (des) dégustateur de Tast. Ce genre de lecture, pour l'amateur qui cherche à progresser et non à détruire, est en effet particulièrement intéressant. L'équipe de Tast, et Bettane en tête, me semple par exemple douter bien d'avantage que les années précédentes. Il y a beaucoup, beaucoup de mots qui inspirent la précaution, la réserve, la prudence quand à ce que deviendra le vin de Bordeaux du millésime 2007.
Quelques points positifs. Dans ce que j'ai lu, Tast sont les seuls qui remarquent que beaucoup de Sauternes sont encore KO sous le coup du SO2, ce qui m'a pour ma part franchement dérangé. Ce sont les seuls, aussi, à indiquer que, parfois, il fallait prendre du temps pour laisser le vin s'exprimer (Haut-Brion) dans le verre, ce que personne ne fait dans le rush des primeurs. Ce sont les seuls à expliquer la polymérisation lente de certains tanins, et on se prend à regretter qu'il n'y pas d'hypertexte pour renvoyer à un article plus dense sur la question. Ils saluent dans l'ensemble un millésime "classique", un peu austère, océanique, ce qui devraient réjouir certains après une flopée de vins qui se voulaient des caricatures, justement, de vins méditerranéens (sauf bien sûr que les GC, eux, même quand ils sont "immédiats", peuvent AUSSI vieillir ;-). On est dans le "classicisme", "l'austérité", c'est clair, et dans la sélection destinée à maintenir les prix au top, malgré peu d'espoir de spéculation. On parle beaucoup de potentiel et là, je pense que l'expérience de Michel est sans doute irremplaçable. Encore que souvent, il écrit sa difficulté à positionner un vin où rien, encore, n'est en place. Quand on sait lire le B&D dans le texte, on comprend certaines réserves sur la future conformité du vin avec l'échantillon présenté, genre "il faudra que la bouteille confirme ces qualités"; amusant ;-). Chat échaudé
. On précise aussi quand le vin a été dégusté au château, ce qui permet de mettre le commentaire dans un autre contexte que celui des dégustations collectives, à chacun de juger si c'est bien ou mal. En tout cas, c'est dit.
Bon, après, c'est une question de goût. Parfois, je ne suis pas attiré par les mêmes vins que Michel Bettane, comme je n'aime pas sans doute les même plats que lui, les même voitures que lui, la même musique que lui (ça, je suis sûr ;-). Il ne souligne pas, par exemple, l'étrange déficit en acidité que certains grands crus m'ont semblé avoir en 2007, ce qui n'était pas le cas de certains "petits" bordeaux. Ce manque d'éclat, de tension, c'est peut-être ce que Nidal voulait exprimer par "manque d'énergie". Il souligne le fruit rouge plutôt que noir, et j'agrée. Mais il ne récompense pas vraiment "l'équilibre général" des vins et note un peu largement, à mon goût, quelques vins sur extraits qui n'ont à mon goût et mon avis rien à faire dans ce genre de millésime. Il met en exergue les informations apportées par l'analyse et les IPT (indice de polyphénols totaux), intéressant, et souligne que tout ça ne transcrit pas pour autant le plaisir ou la grandeur. Oui. Mais il ne parle jamais d'osmoseur ou de chaptalisation. Il y a des choses qu'on ne dit pas. C'est dommage, car seul lui, sans doute, pourrait les dire et continuer à être reçu ;-). Je suis pour ma part un peu dubitatif sur sa notation de Cheval Blanc mais j'accepte la possibilité de me tromper. Comme j'en suis sûr, Michel acceptera d'avoir sous-évalué le potentiel de la Tour du Pin à vieillir avec grâce ;-). Tout cela est logique. Il est un passé à côté de Gracia, qui méritait mieux, et surtout, a oublié Croix de Labrit, une grandes réussites du millésime à mon sens, que Bob, lui, n'a pas raté. Mais il n'a pas raté le retour au premier plan de Beychevelle, c'est bien.
Certains autres commentaires m'amusent, mais c'est sans doute parce que lis Michel avec passion depuis longtemps : quand il parle "d'élégance naturelle du cru", je sais que ça va pas me plaire ;-). En revanche, "soyeux, ferme, velouté, précis, ample, très complet", là, je sais que ça va être plus mon goût... Bon, rien à dire, un vrai travail de fond, qui mérite le prix demandé.
Deux choses enfin, même si on ne me les demande pas :
- un tel travail me donne envie d'un "commentaire". Un groupe d'amateurs, autour de Michel et Thierry, quelques verres de 2007 en main et posant des questions (et obtenant des réponses franches), voilà qui franchement, m'intéresserait, d'y être comme de lire ce qui s'y raconte. Pourquoi pas une "réconciliation" et des questions, publiées ensuite sur les deux supports ?
- la notation relative ne permet pas vraiment l'émergence de châteaux qui bossent durs en dehors des classements historiques et AO prestigieuses. C'est dommage. Il manque à ce genre d'exercice un véritable engagement pour que "l'ascenseur qualitatif" fonctionne à nouveau, sinon certains se lasseront de ne pas voir leur travail récompensé. Ce serait dommage. Les dix outsiders du millésime, ceux qui sont au niveau des grands crus sans en avoir le prestige aujourd’hui, apporteraient un vrai plus au consommateur.
Rendre service, encore...
Pardon d'avoir été long.