Comme Yves et Michel, un repas entièrement arrosé de whisky est quelque chose qui de prime abord me paraissait incongru, tant la puissance de l'alcool écraserait à mon avis la plupart des plats. Tout ceci relève d'une certaine logique, mais restait pour moi de l'ordre de la théorie. Certains d'entre vous commencent à me connaître, vous savez donc que comme tout scientifique qui se respecte, je me dois de mettre mes théories à l'épreuve de la pratique... :-)
J'ai donc participé hier soir à mon premier repas uniquement accompagné de whisky (et d'eau...). Pour ne pas faire dans la demi-mesure, il y avait 11 malts en dégustation, pour lesquels étaient proposés 9 associations différentes. Tout cela s'est terminé vers 3 heures du matin, avec des participants se retrouvant dans un état que la décence m'empêche de vous décrire ici... :-))
Voici le compte-rendu (sommaire vu ma maigre connaissance du sujet) du déroulement de cette soirée.
1. Trois petites mises en bouche composées de queues de scampi à la sauce cocktail, d'escavèche et de crevettes grises. Le malt servi était un Littlemill 8 ans d'âge (Lowlands, Western Lowlands). Couleur pâle, nez floral, assez léger en bouche, finale boisée. Belle association, surtout avec l'escavèche.
2. En première entrée, deux terrines (saumon et 3 crustacés) servis avec un Magilligan (Irish), vieilli plus de cinq ans en barriques de bourbon. Couleur jaune pâle, nez plus fruité, léger, finale boisée. A aucun moment, le whisky n'écrase les arômes du plat, bien au contraire, la sensation d'alcool étant elle légèrement atténuée par les mets.
3. Saumon frais en bellevue et saumon fumé servis avec un Edradour 10 ans d'âge (Highlands, Midlands). Robe or, nez épicé, fumé, plus puissant et plus long que les précédents. Belle harmonie.
4. Gratiné de saumon en coquille servi avec un Clinelish 1990 (Higlands, North Higlands) élevé et mis en bouteille en 1999 par Wilson & Morgan. Robe or pâle, nez floral, sel, plus gras et chaleureux en bouche (46°). A nouveau une harmonie qui met en valeur tant le plat que le malt dont le côté chaleureux est amoindri, faisant mieux ressortir les arômes.
5. Brochette d'agneau macérée au whisky et côte d'agneau au miel macérée au whisky, amandes grillées et caramélisées servis avec deux malts. Glenrothes 13 ans (Highlands, Speyside) mis en bouteille par Chieftain's, robe or bronze, épices, caramel, légèrement tourbé et Higland Park 18 ans (Higlands, Iles Orkney), robe or cuivré, très puissant, floral, tourbé, fumé. A nouveau une très belle harmonie avec une viande au goût assez prononcé, qui tient tête aux 2 malts.
6. Pavé de bœuf irlandais, champignons au whisky, pommes de terre rissolées, servi avec 2 malts. Auchentoshan three wood (Lowlands, Western Lowlands), sans indication d'âge (vieilli dix ans sous bois de bourbon, un an sous oloroso et six mois sous pedro ximenez), robe orange, fruité, caramel, boisé et Six Iles (mélange de six origines), robe très claire, fumé, iodé, légèrement tourbé. La moins bonne harmonie de la soirée, le bœuf étant mis sous l'éteignoir de par sa trop grande "neutralité".
7. Vient ensuite l'accord qui me paraissait de prime abord le plus étonnant, mais qui finalement s'est révélé comme un des plus réussis. Glace à la menthe et pépites de chocolat servie avec un Lagavulin 16 ans (Islay, South Shore). Robe ambre intense, nez très tourbé, sel, sherry, très puissant et chaleureux, très long. Voilà une glace qui en soi était quelconque, un magnifique malt, mais très puissant et qui commençait à peser sur nos papilles en fin de soirée, l'association des deux est magique, exhalant les arômes du malt tout en le rendant un peu plus sage. Etonnant !
8. Quelques morceaux de chocolat noir servis avec un Coal Ila vintage 1989 (Islay, North Shore), embouteillé par Signatori en 2000. Robe pâle, nez tourbé et épicé, chaleur. Une harmonie qui n'apporte pas grand chose ni à l'un ni à l'autre, mais qui n'est pas désagréable.
9. Pour terminer en beauté, un Laphroaig 10 ans (Islay, South Shore) pour accompagner un magnifique havane de la marque Cohiba. Rien à ajouter, sauf que ce malt qu'on dit de style médicinal convenait particulièrement à ce magnifique cigare puissant et complexe dont je garde encore les effluves en mémoire à l'heure ou j'écris ces lignes. Belle apothéose à cette magnifique soirée, où j'ai appris beaucoup de choses.
En résumé, je dirais qu'il ne fait plus aucun doute pour moi que le whisky peut non seulement accompagner un repas, mais qu'en plus il peut être magnifié si l'on sait choisir les mets correctement, de la même manière finalement que pour les vins. Les malts légers et peu tourbés semblent bien convenir aux poissons gras, en particulier le saumon, sous toutes ses formes, les whisky plus puissants ou plus tourbés convenant sans doute mieux aux viandes, si on prend soin de choisir des viandes ayant beaucoup de goût et de caractère. L'accord avec la glace à la menthe, très britannique dans l'âme m'a conquis.
Certains me rappelleront que j'avais promis de faire attention à mon régime cette semaine, après l'épisode du repas gargantuesque pour accompagner 10 grands vins blancs le week-end dernier, mais la science mérite des sacrifices, et je suis prêt à me donner corps et âme pour elle... :-))
Bon, cette fois-ci, demain régime !
Enfin, peut-être pas demain, car il y a une petite réunion entre belges prévue ce samedi... Nous dirons donc lundi, si tout va bien... :-(
Luc