Je ne sais pas vraiment si j'ai quelque chose à apporter au débat.
La notion de grand vin a bien changé en trente ans. Un grand vin dans sa région ? Un grand vin en France ? Un grand vin dans le monde ? Voilà déjà trois perspectives bien différentes. Un grand vin en qualité ? Un grand vin en prestige ? Un grand vin unique par son goût ? Par sa capacité à émouvoir ? A réunir ? C'est pas simple.
Le L.R. est une grande région, à l'image de Bordeaux. Elle doit trouver, au milieu d'une grande étendue de vins "quotidiens", un peu comme l'entre deux mers, où est son "Médoc", son "Pauillac", son "Pomerol" et, dans ces sous-région, où est son "Ausone", son "l'église-Clinet", etc. C'est bien sûr le consommateur qui décidera ;-) Sa Romanée-Conti, bon, là le LR l'a déjà trouvé, hein ;-) (allez, jetez les tomates ;-)
Sur le papier, on connait aujourd'hui les zone hyper-qualitative, les contreforts de la montagne noire, les Aniane, les minervois la Livinière, les corbières Boutenac, les Vallée de l'Agly et j'en passe, qu'ils me pardonnent. On a aussi les bons vignerons. On - les consommateurs - leur donnent les moyens de tenter l'excellence (c'est essentiel). Ils ont pour eux le climat et donc la régularité, unique, sans doute, au niveau qualitatif. S'ils le veulent, ils ont accès à la technologie et à l'information. Certains ont compris la clé du matériel végétal, qui a fait tant de dégats. On a encore des vieilles vignes, et le Gobelet, bien adapté au réchauffement. Et le web, bien sûr, pour communiquer, à petit prix et de manière plus "vrai" que les grands crus historiques, souvent plus lents et qui n'ont encore rien compris à ce qui se passe ici où ne savent pas par où entrer dans le bain ;-)
Pourquoi, alors, l'émergence de grands crus est encore incertaine ?
- Parce que l'inertie est la plus grande force de l'univers et qu'en vingt ans, on ne peut facilement compenser deux siècles d'habitudes et de reconnaissance, médiatique et commerciale, justifiée ou pas.
- Parce que beaucoup de vignerons cités ici comme étant au top en 2010 ne... veulent pas être des grands crus. Ils veulent juste faire de grands vins, ce qui n'est pas pareil. Ils font un choix de vie plus Bourguignon, ont de petites surfaces, restent cachés, ne communiquent pas, ne vont pas au devant des clients. Ils vivent leur passion, se moquent du reste.
- Ils veulent souvent être dans leur vignes, rester petits, contrôler la qualité. Hors, pour aller faire connaitre son vin, il faut voyager et donc déléguer. Certains sont des vignerons hors pair mais de piètres organisateurs, parfois aussi par choix de vie, tout simplement, parce que c'est leur deuxième, ou troisième, et qu'ils ont compris... Ou qu'ils sont suffisement intelligents pour savoir ce qu'ils ne savent pas faire, ce métier regroupant déjà 20 métiers...
- Parce que du coup, rares sont encore les domaines qui font qualité ET quantité. Hors, la force des GC, c'est le volume disponible. Pas de grands projets chez nous et peu de terroirs, d'ailleurs, qui le permettent au niveau taille. Pas de "gras" donc, pour le négoce (il n'y en a pas) et pas de futur. Hors, sans marchants, pas de grands crus...
- Du coup, familiaux, petits, bâtis autour d'un homme ou d'une femme, la pérennité de ces crus est incertaine : peu de successeurs formés, des difficultés de transmission. Seront-ils (serais-je...) là dans vingt ans ?
- Parce qu'il faut du temps (et donc de l'argent) pour garder des vins et les proposer à maturité pour "prouver". Je vends toujours du Clos des Fées 2005, formidable aujourd'hui, à des amateurs qui le découvrent au restaurant. J'ai commencé à le financer en octobre 2004. Rare sont les domaines qui ont la maturité financière, le fond de roulement, pour pouvoir faire cela et montrer de quoi leurs vins sont capables. C'est super dur. Sans la petite Sibérie, je ne pourrais pas le faire.
- Parce que le "prestige" est long à venir. Que nous avons réussis à convaincre les amateurs mais pas encore le grand public. Combien d'entres nous, sur LPV, mettront un vin du LR sur la table de Noël ? C'est la question qui tue...
- Enfin, pour faire un grand vin, il faut le vouloir. Hors, trop de vignerons pensent encore qu'ils n'en ont pas "le droit", qu'ils ne le "méritent" pas, que c'est impossible. Il faudra avant tout franchir cette barrière. Ca change, mais c'est long.
Voilà quelques éléments de débat. Mais on y arrivera...