Je n'interviens pas souvent sur ce forum, mais je trouve le débat intéressant et aimerais y apporter ma petite contribution.
Mon opinion sur le sujet est que, qu'on le veuille ou non, une grande partie (pour ne pas dire la grande majorité) du vignoble français est exploitée de manière productiviste, sans souci réel de qualité, et encore moins de "terroir".
Or, on ne pourra pas reconvertir tout le monde vers la qualité du jour au lendemain, ni même jamais (par "qualité", j'entends essayer de faire le mieux possible - en restant économiquement viable -, quelles que soient les potentialités du terroir)
D'un autre côté, la majeure partie du vignoble français a le potentiel de produire au moins de très honnêtes "petits" vins, parfaitement honorables, sans pour autant exprimer réellement une origine ou un terroir.
Il serait dommage à mon sens de vouloir sacrifier cette part importante du vignoble pour ne produire que du "grand cru" ; en effet, les "petits" vins sont nécessaires (même pour l'amateur averti : qui n'a jamais apprécié un petit VDP à 2 € sur une grillade ?), ensuite ceux-ci représentent une part de notre tradition mais aussi de notre économie, de nos paysages, de notre vie rurale, etc.
Il faut donc assurer un "créneau" à ces vins-là , et ce n'est pas parce qu'ils proviennent du département de la Gironde ou de la Côte d'Or qu'ils devraient nécessairement être en AOC, ou encore véhiculer une pseudo-image complètement injustifiée de qualité (et qui par la même occasion ternissent l'image des autres).
Je ne pense pas que la France ne puisse pas être concurrentielle sur le créneau des "petits vins". Comme cela a été souligné, la main d'oeuvre est loin de représenter le coût principal d'une exploitation qui fait du "volume". Avec la mécanisation et un bon aménagement du vignoble (plantations larges, palissage soigné, terrain peu pentu, etc) , la main d'oeuvre peut être réduite au strict minimum - sans pour autant conduire à une qualité catastrophique. Parfois il faut peu de choses : 20 cm de plus sur le palissage, un peu moins d'herbicides, un peu plus d'entretien du sol, un peu moins de traitements, quelques jours de maturation en plus, un peu plus de soins dans la vendange et la vinif, et vous passez d'un vin indigne à un très bon petit vin plein de fruit - sans surcoût explosif.
Après, que le goût international impose du boisé (quoiqu'on en revient, il me semble, même pour les petits vins) ou tel ou tel style, où est le problème ? L'important, c'est qu'on vende les choses pour ce qu'elles sont, et qu'on n'estampille pas "AOC Bourgogne" une cochonnerie imbuvable à côté d'un petit australien à 1.50 €... C'est pourquoi cette réforme me paraît très bonne, il n'y a aucune raison qu'un bordelais ne puisse pas faire du VDP de merlot juste parce qu'il habite à l'intérieur d'une limite administrative largement arbitraire. Cela ne pourra que détourner une bonne partie de la production de l'AOC et c'est tout bénéfice pour cette dernière. Par ailleurs, cette production ayant perdu le "prestige" (ou ce qu'il en reste) de sa région d'origine, cela obligera à faire un minimum bon, car ce sera en concurrence directe avec des vins de cépage du monde entier.
Honnêtement, je trouve que c'est la seule réforme réaliste envisageable. Il n'y a aucun intérêt à maintenir la totalité de la production de la Gironde en AOC Bordeaux alors qu'une bonne partie du département n'est pas adaptée à la production de vins de "terroir". Je pense qu'on devrait même aller plus loin en permettant aux vins de table de mentionner un cépage et un millésime. Si on peut améliorer des vins en assemblant différentes régions, pourquoi s'en priver ? Et pourquoi alors perdrait-on le droit de mentionner un cépage ou un millésime ?
Autant je suis favorable à un durcissement des AOC (dans le sens de la qualité, pas dans celui de la contrainte bureaucratique), autant un assouplissement pour les VDP et VDT me parait indispensable, en particulier au niveau des mentions autorisées. Pour les copeaux, il me parait clair que compte tenu de tout ce qui est déjà autorisé (en particulier levures aromatiques), il est absurde de les interdire dans les VDP ou VDT.