J’ai eu le plaisir de fréquenter ce salon en long et en large, il y a quelques jours.
Contrairement à ce que je craignais un peu (les grecs ne sont pas toujours les champions de l’organisation), c’était parfaitement en place, aéré, et tous les vins facilement accessibles. En effet, Il s’agit d’une formule mixte (amateurs + professionnels) originale où chaque type de visiteur peut trouver son espace (en temps et en lieu) pour simplement déguster ou pour négocier.
Petits détails à améliorer : la qualité du verre fourni (type afnor en verre épais – mais rien n’empêche d’apporter le sien -) et l’absence de pain aux stands.
La plupart des producteurs importants de Grèce sont présents (environ 200 exposants), ce qui permet d’avoir une bonne idée de ce qui se fait là bas.
En outre, un espace est prévu pour déguster tranquillement un certain nombre d’échantillons (environ 160) fournis par les exposants et rangés par couleur, cépage et type d’élevage avec pour chacun une fiche technique succincte.
Avant d’en venir vraiment aux vins, quelques considérations / conclusions.
A part quelques exceptions, les vins dégustés ont fait preuve d’une très belle tenue mais ils n’arrivent pas vraiment à décoller et à susciter de grandes émotions. Il y a plusieurs raisons à cela :
* la propension (regrettable selon moi) à miser sur des cépages internationaux, propension justifiée par le fait que ces cépages sont de grande qualité reconnue et sont demandées par la clientèle grecque, surtout, mais aussi à l’export. A partir du moment, où ce sont les cépages locaux qui sont employés, on trouve pas mal de vins pleins de personnalité, à défaut de grande complexité
* Ayant axé ma visite sur les blancs, j’ai souvent été confronté à des vins qui avaient moins d’un mois de bouteille, pas idéal…
* Le style des vins est résolument axé sur la modernité (il faut savoir que la plupart des aides européennes ont été investies dans l’outil) avec comme corollaire (qui ne va pourtant pas de soi) d’une certaine internationalisation des vins au détriment d’une véritable identité régionale. Tout se passe comme si le viticulteur grec érigeait en modèle de qualité une vinification high-tech associée à un style éprouvé, destiné à plaire au plus grand nombre.
* On peut se poser également la question des rendements qui, dans bien des cas sont encore un peu trop élevés.
Maintenant, si l’on fait intervenir le paramètre financier, les choses se présentent différemment : avec une grosse majorité de bouteilles entre 10 et 20 EUR, prix public, le rapport prix / plaisir reste extrêmement favorable.
Par ailleurs, il faut saluer la belle fraîcheur fruitée des vins, leur élégance facile, leur « buvabilité » malgré, parfois , des élevages un peu trop appuyés et surtout la grande diversité gustative des crus. Beaucoup de bouteilles soutiendraient facilement la comparaison avec des vignobles plus réputés en Europe, les tout grands mis à part.
Un supplément d’âme aurait d'ailleurs fait passer la plupart des vins d’une mention très bien à une mention excellent
J’ai volontairement orienté mes dégustations vers les domaines moins connus (pas de Boutari, Tsantalis, Hatzimichalis ou autre Gerovassiliou) et souvent privilégié les domaines susceptibles de produire de beaux blancs, qui me semblent globalement plus intéressants de par la grande quantité de cépages autochtones valorisant une identité grecque réelle.
Je vous épargnerai les nombreuses pages de notes prises sur place dont la lecture serait vite fastidieuse pour venir à l’essentiel : les domaines et vins qui m’ont particulièrement séduit.
Au sommet avec des gammes homogènes et séduisantes:
Claudia Papayianni (Macédoine)
Pour moi, la grande découverte du salon. Des vins d’une pureté et d’un éclat étonnant en blanc. Toutes les cuvées sont intéressantes : le « sauvignon / assyrtiko » 2009 est aromatique et dynamique; le « viognier / assyrtiko » 2009 juteux et étonnament délicat en bouche ; la cuvée « Alexandra » 2009 (100% malagousia) présente un fruit épanoui et tonique et la grande cuvée 2009 du domaine (malagousia, assyrtiko, chardonnay), la seule qui voit un peu de bois, est riche tout restant élancée (on sent ce vin encore sur la réserve mais le potentiel est évident).
Les rouges 2008 sont moins expressifs à ce stade mais font preuve d’une belle élégance. A l’exception de l’entrée de gamme « Ex’Arnon » (xinomavro et syrah) construit pour être apprécié sur le fruit immédiat, les vins s’affirmaient plutôt charpentés, avec des tanins encore à fondre, mais avec de la fraîcheur, des élevages en barrique bien intégrés et un bon potentiel d’évolution. Même la cuvée « Nikolas » (100% merlot) évitait le côté facile que l’on rencontre souvent sur ce type de vin en Grèce.
Nikos Douloufakis (Crète)
Comme d’habitude l’entrée de gamme (Enotria 2009) dans les trois couleurs est croquante (voire craquante) malgré le fait que les vins présentent cette fois plus de gras (au détriment du fruit primeur) que par le passé. La nouvelle cuvée Aspros Lagos blanc 2009 , issue du cépage local vidiano et élevée en barriques pendant 5 mois, est confondante de finesse et bien plus intéressante que la plupart des chardonnay barriques qui foisonnent dans le pays tout en jouant dans un registre gustatif proche. Très appéciable également le « Femina » 2009 issu de la malvasia di candia aromatica donnant un vin sec, gras et épicé, qui fait penser, par certains côtés , à un mariage original de traminer et de viognier. Même si l’Aspros Lagos rouge 2006 (100% cabernet sauvignon) est un peu plus boisé / vanillé que par le passé, toute la gamme est de haut niveau, avec des vins nets et pleins de fraîcheur.
Biblia Chora (Macédoine)
Encore un domaine plus convaincant pour les blancs que pour les rouges qui, tout en restant superbes, sacrifient davantage au style international. Néanmoins, l’ « Areti Red » 2007 issu à 100% du cépage autochtone agiorgitiko se montre bien balancé entre ses notes de fruit bien mûr (cerise) et celles plus torréfiées issue de l’élevage. Une belle matière fine et fraîche en bouche avec une finale un peu rustique achève de lui donner un côté personnel. En blanc, j’ai particulièrement apprécié l’ « Areti White » 2009 (cépage assyrtiko) au bouquet épanoui de fruits blancs et d’agrumes et à la bouche juteuse, élégante et propre. Egalement séduisant, dans un autre registre, l’étonnant assemblage de « Ovilos White » 2009 (sémillon et assytiko) générant un vin rond, gras, fondu, sur les épices douces, les fruits secs et les fruits jaunes avec de la substance et une belle longueur. A noter que le chardonnay barrique 2008 est le meilleur que j'ai goûté sur place vu son équilibre et sa finesse même si on est assez loin des grands chardonnay bourguignons.
Gavalas (Santorin)
De tous les domaines issus de l’île de Santorin approchés, c’est celui qui présentait les vins les plus complets et les plus accessibles. Le Santorini 2009 classique (cépage assyrtiko) est un vin faussement léger qui associe une vivacité citronnée à des notes plus florales et minérales (pierre chauffée au soleil). La bouche est à la fois rafraîchissante, aérée et structurée, ce qui confère cette impression de dentelle très séduisante. La version boisée 2008 (dénommée « Nykteri » dans l’île) est plus fondue mais moins charmante. Il faut également citer la rare cuvée "Katsano" 2009 issue de deux cépages oubliés (katsano et gaidouria), pleine de personnalité et de finesse, combinant l’écorce d’orange, les fleurs blanches, le silex à une bonne rondeur en bouche et une finale plus saline. Quant au « Vinsanto » 2003, il se montre puissant et aromatique avec une liqueur bien déliée et une remarquable fraîcheur.
Avantis (Grèce Centrale)
Je n’ai pas eu le temps de goûter toute la gamme, malheureusement, mais les quatre vins dégustés m’ont tous les quatre plu énormémént.
Les blancs d’abord, tous deux à base de malagousia. La cuvée « M » 2009, élevée en cuve est toute en rondeur fruitée, mûre mais dynamique, sur les agrumes, la poire et les fruits jaunes. Vin facile à comprendre et immédiat mais diablement séducteur malgré un peu moins de pureté que chez Claudia Papayianni. La cuvée « Dryos » 2009, élevée en barriques, est un poil plus concentrée et présente des notes d'épices et de marmelade.
En rouge, les deux syrahs 2007 sont élevées en barriques pendant respectivement 18 et 12 mois. La cuvée de base est construite en largeur avec un fruit mûr et juteux, et de beaux arômes de fruits noirs et d’épices. La cuvée de prestige « Agios Chronos », assemblage de type côte-rôtie (92% syrah et 8% viognier), est plus concentrée, plus vive et plus étirée avec de la finesse, de la fraîcheur et une bonne longueur.
A noter les beaux flacons et étiquettes du domaine.
Un peu en retrait, pour différentes raisons
Evharis (Grèce Centrale)
Une gamme assez importante, inégale et fluctuante dans le temps (y compris dans le style pour certaines cuvées existant depuis quelque temps). Sans doute un domaine qui cherche encore sa voie. J’ai surtout retenu la cuvée de base en blanc « Evharis White » 2009, nette et fruitée avec une bonne concentration ; la cuvée « Assyrtiko sur Lie » 2008, mûre, élégante et de bonne tenue en bouche, ainsi que l’« Assyrtiko Barrique » 2009, bien élevé, tendu et compact, nettement moins boisé que le 2006 bu récemment. A noter, une curieuse expérimentation : le blanc de noirs à base de syrah. En rouge, parmi les différentes cuvées, je ressors l’ « Agiorgitiko » 2008, ample et élégant avec pas mal de fruit et des tanins fins, présentant un bon potentiel.
Argyros (Santorin)
Les vins venaient d’être mis mis en bouteilles et se goûtaient en général mal car fort durcis par le soufre et la réduction. La texture en bouche laisse apercevoir un gros potentiel avec des acidités énormes mais mûres et de belles concentrations. Ce qui semble être un choix stylistique de produire des vins plus tendus que leurs collègues les pénalisent à ce stade de développement.
Je les ai goûté par deux fois -et même trois fois pour certains- (bouteilles plus ou moins vides et/ou plus ou moins aérées) et je suis assez convaincu que ces cuvées aujourd’hui droites et sévères feront de belles bouteilles d’ici quelque temps.
Quelques autres vins appréciés :
Syrah Kotsifali Silva 2006 – Daskalakis (Crète)
Vidiano Barrique 2008 – Lyrarakis (Crète)
Robola 2008 – Gentilini (Céphalonie)
Nemea 2007 – Lantides (Péloponnèse)
Naoussa Rapsani 2008 – Chrisohoou (Macédoine)
Assyrtiko 2008 – Pavlidis (Macédoine)
Alpha White 2009 – Alpha Estate (Macédoine)
Imiorinos 2007 – Minos (Crète)
Naoussa 2007 ou 2008 – Karidas (Macédoine)
En tous cas, de belles découvertes et des vins à suivre.
Pierre