Sur le site de notre ami LaurentM,
www.truegreatwines.com, dans la rubrique "journal" (le petit chenapan a crée un très beau blog et je viens seulement de m'en rendre compte...), vous pouvez lire le CR d'une dégustation à laquelle je n'ai malheureusement pas pu participer et que je me permet de recopier ici :
Domaine MILAN, Un Iconoclaste sous le soleil, Exactement!
Ce vendredi 21, l’événement principal c’était évidemment l’anniversaire de mon fils William (8 ans, et que du bonheur !). Anniversaire égaillé par l’arrivée encore plus « grains nobles » que tardive de températures printanières, et celle d’un soleil enfin radieux ... mais envahissant la pièce et m’obligeant à relaver tous les verres 1/4 h avant la dégustation (ah ces petites traces de calcaire, on les préfère dans le sous-sol du clos Milan). Mais ce vendredi, c’était aussi cette dégustation d’un domaine trop peu connu en Belgique, que plusieurs courageux, de ceux qui ont les papilles bien écartées, auront pris le temps de découvrir en se déplaçant dans ce petit bled perdu de Pécrot. Et oui, l’événement, ce vendredi, se déroulait à Pécrot et non pas au Parc Astrid !
Je ne connaissais gustativement que peu ce domaine. En fait, j’en avais dégusté une cuvée qui m’avait beaucoup séduite. Et puis après quelques recherches, des commentaires élogieux du guide Fleurus et de certains dégustateurs de LPV m’en confirmèrent l’intérêt et me poussèrent à investiguer ce domaine. Très bon contact avec Henri dès le premier coup de fil, et à chaque fois, une passion qui transpire ; quelques heures avant la dégustation, il me détaillait encore les caractéristiques de ses crus.
Pas beaucoup de théorie, mais je commence quand même par une petite présentation de l’appellation Baux de Provence. Environ 70 % des vignerons sont en bio, il était même question d’inscrire dans le décret d’AOC la culture biologique. Hélas, 1 domaine, sur les 14 qui la compose, aurait bloqué l’initiative; dommage! (j’ai son nom ; inscrit en gras sur ma liste noire ;;;;-). Non, sans rire, les prétextes avancés (du genre « et si le phylloxéra revient, que fera-t-on? ») sont ridicules.
Voilà, tout le monde est arrivé, on peut lancer la machine dont le principe est maintenant bien rodé. On procède par paire, en 3/4 aveugle (en gros, c’est moins que du tout aveugle, mais c’est plus que du semi-aveugle ;-). Pour certaines paires, nous comparons des millésimes du même cru, pour d’autres, le domaine Milan sera mis en "compétition" avec ses pairs, nous sommes joueurs !
Tous les vins ont été épaulés 1 à 2 heures avant, et les rouges sont carafés une petite demi-heure.
Série 1: MISE EN BOUCHE : BLANCS
- Ma Terre Blanc 2003, Chardonnay, Muscat petit grain, Vin de pays des portes de la Méditerranée , Domaine Milan
- PIRATE 1: Blanc de Blanc 2004, Ugni, Grenache, Rolle, Sauvignon, Côteaux d’Aix en ProvenceDomaine Terres Blanches
- PIRATE 2 : Blanc 2004, Côtes de Provence, Château du Thouar
Le premier vin ouvert est le pirate N°1, un Terres Blanches « blanc de blanc » 2004. Pour dégager l’épaule du vin, moi je pratique l’épaulé-goûté. Un sport qui nécessite une certaine adresse mais dans lequel j’ai, en toute modestie, un certain talent. Le premier nez me rappelle le sauvignon, pas mal, mais très vite le spectre du TCA se manifeste. On doit se situer ici au niveau de la dizaine de ppt, mais ce vin est légèrement bouchonné, voilé, définitivement gâché. Tant pis, on est joueur je vous dis; je vais le garder dans la sélection. Par honnêteté pour mes hôtes, je prépare quand même un second « chalengeur ». Ce sera le blanc 2004 du domaine de Thouar, un vin très gras relativement bien apprécié par l’assemblée, mais manquant à mon avis de caractère et de longueur. A sa décharge, il n’est pas très cher non plus. Peu sont ceux qui reconnaissent le Terres Blanches comme bouchonné sauf Anne bien sûr dont le threshold pour ce défaut doit se situer au ppq! Un vin qui n’aurait pas manqué d’intérêt je crois sans cela, mais les deux sont écrasés par le vin d’Henri Milan, Ma Terre 2003. Et pourtant, on est dans la même gamme de prix, pas de traîtrise;-).
Le "Ma Terre 2003" est un assemblage assez original de 80 % de Chardonnay et 20% Muscat petit grain. Henri est un novateur et un expérimentateur, ce premier exemple le démontre déjà ! Après un nez superbe, sur la mandarine très mûre, presque confite, Marc nous dit «mais ce vin a du tannin!! » Tout à fait ! Nous sommes en 2003, millésime de la canicule et manque d’acidité généralisé, déjà dans le Nord, alors en Provence, on imagine aisément. Alors, pour donner un peu de structure à son vin, Henri Milan a décidé de le vinifier en rouge ce qui lui donne une assise tannique très originale, mais qui se fond admirablement bien dans la grosse matière. Évidemment, ce n’est pas un vin d’apéro, mais un vin de viande blanche, de volaille, préparées aux épices par exemple. Un coup de coeur pour quelques-uns (Terrible!! Comme dirait Marc) et également pour moi.
Série 2 : Le GRAND BLANC
- Le Grand Blanc 2003, Rolle, Grenache blanc, vin de table, Tuilière Vieille, Domaine Milan
- Le Grand Blanc 2002, Rolle, Grenache blanc, Roussane (30%), AOC Coteaux d’Aix en Provence, Tuilière Vieille, Domaine Milan
Le nom du vin serait-il présomptueux, nous allons bien sûr le vérifier. Le 2003 est déclassé en vin de table en raison de la présence de Roussanne qui n’est pas admise dans l’encépagement de l’appellation. Étonnant alors qu’elle est beaucoup plus qualitative que la Marsanne qui, elle, est autorisée…
Le 2002 souffre d’une réduction assez importante (Henri Milan m'avait prévenu) qui n’a pas disparu au rapide carafage. Elle s’atténue nettement dans le verre et dévoile alors des arômes intenses de chèvrefeuille ou de jasmin. La bouche est nette, droite et possède une belle longueur, l’acidité est remarquable pour un vin du Sud. J’aime beaucoup, mais certains ont du mal à apprécier le vin en raison de cette réduction, dommage. Nettement meilleur le lendemain.
Le 2003 fait par contre l’unanimité malgré son originalité et la présence rafraîchissante d’une légère note volatile. On y retrouve au nez des notes florales, de la cire d’abeille, un peu de vanille. Et puis on enchaîne sur une bouche puissante, très grasse, peut-être enrobée de quelques grammes de sucres résiduels, mais Dieu que c’est bon ; un grand blanc et aussi un super rapport qualité prix.
Série 3 : LES ROSES
- Ma Terre, Rosé 2004, Grenache 80%, Syrah 20%,Vin de pays des bouches du Rhône , Domaien Milan
- Rosé 2002, Grenache dominant, Cinsault, , AOC les Baux de Provence, Tuilière Vieille, Domaine Milan
Les rosés ont une réputation malheureuse, mais souvent bien méritée. J’étais curieux de voir si le domaine Henri Milan était capable de rehausser un peu leur réputation comme y arrive à mon avis Romanin, mais surtout le Bandol de Saint Anne.
Ma terre 2004 est un vin de grenache avec une pointe de syrah et libère des arômes puissants de groseille, de framboise supportés par un peu de banane. La bouche est fraîche et le vin possède une belle mâche, un rosé d’apéro saucisson ou de cuisine provencale ; c’est le moment de sortir le pain frais et la tapenade maison, ce que nous ne tardons pas à faire! Très sympa avec ce vin !
Le Tuilière vieille 2002 est un rosé moins exubérant ; légèrement perlant, plus en finesse, peut-être plus en longueur. Peu aromatique (rose séchée, fraise et léger boisé), il manque un peu de caractère et de vivacité après le vin précédent. A revoir dans un millésime plus favorable, les derniers millésimes seront fait de grenache pur, et Henri semble en être fier ; on redégustera.
Série 4 : La TUILIERE VIEILLE
-2002 AOC les Baux de Provence, Syrah (35%) Grenache (50%), Cabernet Sauvignon (25%), La Tuilière Vieille , Domaine Milan
-2001 AOC les Baux de Provence, Syrah (35%) Grenache (50%), Cabernet Sauvignon (25%), La Tuilière Vieille , Domaine Milan
Le 2002 est très agréable, souple, aromatique sur la violette et le fruit noir, pas très long, mais bon ! Avec le 2001, on monte nettement d’un cran, très suave (genre pipi de Jésus en culotte de velours) sur des arômes de fruits mûrs (cerise), violette, léger cuir. Très équilibré et avec encore du potentiel. Avis unanime et excellent rapport Q/P de surcroît.
Série 5 : MA TERRE rouge
- Ma Terre Rouge 2004, Grenache 80, Merlot 20, Vin de pays des bouches du Rhône , Domaine Milan
- Ma Terre Rouge 1999, Grenache dominant, Vin de pays des bouches du Rhône , Domaine Milan
J’ai placé cette série derrière la Tuilière en raison de la présence du 1999 ; j’ai bien fait, mais c’est le 2004 qui a un peu souffert de la succession. Il dévoile des arômes de pommes mûres et possède une bonne mâche. C’est un vin qui est encore un peu rustique actuellement, mais on sent le potentiel. Ce sera un très bon vin plus que sympa de viande grillée. Le 1999 est une belle surprise, son nez est fabuleux, très complexe, sur l’écorce d’orange, la cerise et la violette. Beaucoup de finesse en bouche et un coup de cœur pour plusieurs d’entre nous.
Avant d’attaquer le Clos Milan, il est bon de faire une seconde pause gastronomique et Anne nous dévoile son talent grâce à ses « Lasagnes de crêpes à la Provençale ». C’est délicieux, je vous donnerai la recette bientôt.
Série 6-7-8 : CLOS MILAN
- Clos Milan 2002 , Grenache 80%, Syrah 20%, AOC les Baux-de-Provence, Domaine Milan
- PIRATE 3 : Terres Blanches 2002, Grenache, syrah, cinsault, counoise, caabernet-sauvignon, mourvèdre, AOC les Baux-de-Provence , Domaine Terres Blanches
Le Clos Milan 2002 propose un nez séducteur immédiat, floral sur l’œillet et la violette et puis fruité sur la cerise bien mûre. On y retrouve une grande finesse en bouche et une très belle longueur pour le millésime. A ce stade, tout le monde reconnaît déjà la patte du domaine, c'est génial. Le nez du Terres Blanches 2002 est beaucoup plus fermé, dévoilant des notes timides de camphre et de fruits noirs. La bouche est à l’avenant, un peu simple ; il est simplement écrasé par le clos, d’une finesse incroyable.
- 2000 Duo Milan, Grenache 80%, Syrah 20%, AOC les Baux-de-Provence, Domaine Milan
- PIRATE 4 : Cuvée Bérengère, Mourvèdre, AOC les Baux-de-Provence, Domaine Terres Blanches
Duo Milan 2000 est une sélection du clos qui est vinifiée en fût de chêne, mais cela est déjà complètement intégré. Par contre, le nez rappelle un peu les embruns, les algues et pour certains, la choucroute ! La bouche par contre met tout le monde d’accord, sur la cerise bien mûre, quelques notes florales et puis suave, gourmande, on se régale. Un carafage plus long aurait été nécessaire pour évacuer le premier nez un peu dérangeant. La cuvée Bérengère présente un nez plus austère et plus simple, un peu de raisin sec et de truffe, des notes d'encre ou de fer en bouche, il y a du potentiel, on y retrouve le mourvèdre, mais il a très difficile à soutenir la comparaison de la sensualité du clos.
On me demande de comparer les deux Clos Milan (2002-2000) entre eux, je m’exécute. La différence se fait surtout en bouche, où le 2002 ne peut rivaliser avec la profondeur et la concentration du 2000, typicité du millésime oblige. Les arômes de choucroute ont entre-temps complètement disparu et le vin dévoile maintenant un beau nez épicé légèrement cacaoté, coup de cœur général ou presque.
Avant d’attaquer la dernière paire, nous nous recueillons devant le « Tian de courgettes et kamut » concocté par Anne. Un autre régal, une autre recette bientôt disponible!
- 2001 Clos Milan, Grenache 80%, Syrah 20%, AOC les Baux-de-Provence, Domaine Milan
- PIRATE 5 : Château Romanin 2001, Grenache, Syrah, Mourvèdre, Cabernet-Sauvignon, AOC les Baux-de-Provence, Domaine Romanin
Le nez du Clos Milan 2001 est reconnaissable entre tous, par sa finesse, la présence d’arômes de cerise mûre qui rappelle les meilleurs pinots et, il est vrai, un peu le château Rayas. On y distingue également de beaux parfums de pain d’épices, un nez très complexe. Le Château Romanin 2001 est beaucoup plus porté vers les arômes chocolatés, fruits noirs et herbes aromatiques.
En bouche, le Clos est très fin et tout en longueur. Romanin n’est pas dénué de finesse, mais plus carré, plus en largeur. Les deux sont excellents, mais manifestement la finesse du Clos Milan recueille un peu plus de suffrages.
Quand j’avais expliqué le principe des paires à Henri Milan, il m’avait répondu en clin d’œil, je ne crains rien ! Il avait manifestement raison.
Pour les absents, amateurs de football, fan d’Anderlecht ou du Standard, je n’aurai qu’un message, ce vendredi, c’était encore Milan le plus fort !
Mais je n'ai pas fini avec les comparaisons oiseuses entre notre soirée et le foot. Pour fêter cette victoire de Milan, Marc propose comme troisième mi-temps d’offrir une bouteille de sa cave virtuelle qu’il possède chez moi (un peu comme Albert Frère qui a une cave personnelle dans ses meilleurs restaurants). Ce sera un Casot des Mailloles blanc 2003 ! Issu de grenaches, la robe est très dorée, étincelante, impressionnante dans le verre. Le nez est très appétissant, sur des arômes intenses de miel, d’abricot et d’épices. La bouche voluptueuse mais sèche met tout le monde d’accord, c’est simplement génial et impeccable pour terminer la soirée. Merci Marc !
Et merci Laurent pour ce superbe compte-rendu.
Luc