Petite synthèse sur les chenins secs de Touraine dans le millésime 2002.
Magnifique millésime, d'un grand classicisme et d'un important potentiel de garde, celui-ci en tout cas a été pour moi une sorte de moyen jouissif pour essayer d'accomplir un tour d'horizon initiatique à défaut d'être, bien sûr, exhaustif.
Je me suis plu à dénicher le plus grand nombre de vins de ce millésime en tous lieux et en toutes circonstances, cela tournant même parfois à la monomanie. Le point d'orgue de cette quête m'a conduit au cÅ“ur même de cette belle région de Tour pour y découvrir des lieux, des domaines et des hommes qui sont déjà une réalité pour tout amateur : Vouvray, Montlouis, Jasnières, Huet, Foreau, Chidaine, Bellivière, et au milieu, en toute place, la Loire qui coule depuis Amboise, ce magnifique belvédère chargé d'histoire où l'Å“il de Vinci scrute sans doute encore la vallée à la recherche de folles perspectives.
C'est un millésime qui a donc donné de grands vins, ou plutôt de futurs grands vins secs. Un millésime synonyme de puissance et de distinction conjuguant à merveille les qualités les plus nobles du chenin : grande complexité aromatique et fraîcheur cristalline, en tout cas sur ces terroirs de tuffeau et de silex.
La Touraine a bénéficié de conditions climatiques satisfaisantes avec un mois de septembre tout particulièrement ensoleillé.
L'année 2002 sera une grande année dans la lignée des 1997, 1996 et 1995.
Vouvray Domaine Huet Le Haut Lieu sec
Le vin présente des notes d'acacia et de chèvrefeuille. La matière est riche, le vin très jeune dans son expression. La finale est vive sur une minéralité qui pointe enfin et une belle fraîcheur.
13 grammes de résiduel et 5.9 grammes d'acidité
Vouvray Domaine Huet Le Mont Sec
Le vin est plus complexe avec des notes aromatiques très chenin, poudrées, de miel, de fleur blanche et une minéralité plus affirmée.
Le volume est assez semblable avec du gras mais la puissance est supérieure. La finale est vraiment très longue sur une fraîcheur éblouissante. Pour moi, un équilibre superlatif, pour un futur très grand vin.
11.3 grammes de résiduel et 6.55 grammes d'acidité.
Vouvray, François Pinon
La robe de ce vin est d'une teinte dorée, avec des reflets pêche alors que les vins dégustés jusqu'alors avait un aspect plus cristallin, pâle et des reflets verts.
Le nez aussi est différent même si on retrouve les caractéristiques du chenin. Des notes miellées, miel d'acacia, et de coing se mêlent à une minéralité bien présente. C'est riche et très agréable.
En bouche, beaucoup de suavité, le fruit est bien présent et ce côté miellé se retrouve et confine presque à des petites touches oxydatives, mais vraiment très infimes et qui ne me gênent nullement. On a l'impression que l'acidité est moins forte que sur les vins de Chidaine de ce millésime, mais la fraîcheur intervient sur la finale, parfaitement intégrée. Grande longueur minérale.
Voilà un vin qui mérite d'être attendu. Le rapport qualité prix est exceptionnel et presque indécent.
Je n'ai pas retrouvé la note citronnée que j'avais éprouvée sur d'autres vins de ce millésime. Celui-ci joue plus dans l'opulence, une apparente facilité.
Très bon.
Jasnières, Domaine de Bellivière, vieilles vignes éparses
Assemblage de vignes âgées de 50 à 80 ans.
La robe est entre or et or pâle.
Le nez évolue sur des notes d'agrumes, de fleurs blanches comme le chèvrefeuille et cette minéralité qui me fait souffrir depuis longtemps parce que je n'arrive pas à la retranscrire avec des mots. C'est une impression difficile à définir, mais je la retrouve sur les chenins de calcaire et de silex, le terme que j'ai trouvé le plus approprié est "poudré".
Le vin développe beaucoup de puissance en bouche au travers d'un beau volume, mais surtout d'un support acide qui donne un vin cristallin. Les saveurs sont plutôt citronnées jusque dans la très longue finale qui conjugue grande fraîcheur et grande distinction.
Il faut attendre ce vin au grand potentiel et je crois que 10 ans ne lui feront pas peur.
Montlouis, Chatenay, la maisonnette, :
La robe est or pâle.
le nez est discret et très fin surtout axé sur les fleurs blanches.
La bouche confirme la finesse: un vin qui se livre en deux temps; on cherche d'abord la structure dans une perception d'un volume soyeux, très agréable. La colonne vertébrale de ce vin arrive en milieu de bouche avec une très grande fraîcheur, des saveurs florales et de fruits blancs. Puis la finale concentre acidité et beaux amers faisant parler la minéralité qui évoque le silex.
A regarder évoluer avec attention.
Montlouis, François Chidaine, Les Choisilles :
Enorme potentiel. Il faudra du temps pour dompter cette fougue, mais les espoirs seront récompensés. Quel vin prometteur!
Tout est réuni, mais encore en vrac, cela doit se fondre et ce sera un bonheur.
C'est presqu'en place, on commence à voir apparaître le résultat final. En résumé: magnifique matière sur une acidité au couteau.
Le nez est développé sur une forte minéralité, des notes de poire et de fleurs blanches, très chenin, cela annonce presque un doux ou un demi sec.
En bouche, on est surpris par un volume très important, où la gourmandise n'est pas en reste, et dans un deuxième temps, la colonne vertébrale se fait sentir au travers de cette acidité vraiment étonnante qui fait penser à une nef de cathédrale gothique, c'est à la fois tendu et flamboyant. Très longue finale citronnée. La bouche reste très fraîche. Un vin impressionnant et qui le sera encore plus lorsque les musiciens de cet orchestre joueront bien ensemble.
Montlouis, François Chidaine, Clos du Breuil :
La robe est or pâle avec es reflets verts.
Le nez est axé sur les fleurs blanches comme l'aubépine mais aussi l'acacia, avec une touche d'agrume et une minéralité bien présente.
En bouche, le volume est moins important que sur les Choisilles, mais de bon niveau. Belle gourmandise qui se développe autour de notes d'agrume et de fleur, mais une fois de plus la colonne vertébrale de ce vin, c'est bien cette magnifique acidité sans doute signe de ce millésime vraiment prometteur. La finale citronnée n'est pas étrangère à cette acidité cristalline qui porte ce vin.
Le potentiel énorme des Choisilles se retrouve dans ce vin qui par contre est déjà plus accessible. Il se livre plus facilement et je ne doute pas qu'il tiendra ce beau langage très longtemps.
Avec ces deux Vouvray, François Chidaine propose des vins de haut niveau à un prix ridicule; mais sans doute qu'en matière de prix, ce sont les vignerons ligériens qui ont raison.
Je continue avec grand plaisir ce périple au pays des chenins pour lequel il me reste encore quelques étapes.
Vouvray, François Chidaine,Clos Baudoin, Vouvray 2002
Le nez est bien plus discret, réservé. La bouche est ample, avec une acidité qui sans être moins importante est en tout cas plus intégrée. La finale est longue et fraîche avec une pointe d'amertume de très bon aloi.
Ce vin a un peu souffert de passer après le précédent si disert.
Domaine de la Haute Borne, Vouvray 2002
Le nez est tout en fruit, miel et fleur blanche, très expressif. En bouche, il y a un beau volume, un sucre résiduel qui rend ce vin très gourmand. Grande longueur sur une finale citronnée. Beau Vouvray très éloquent et bien dans ce millésime à la fois riche et frais.
Vouvray, Foreau, Clos Naudin
Un autre très beau vin de Chenin dans ce millésime 2002.
Un vin plutôt rigoureux mais aussi très complexe alliant des notes minérales évidentes à d'autres plus fleuries, aubépines, presque rose, et d'agrume. De la truffe à l'aération.
Une sacrée amplitude en bouche et cette marque de ce millésime qui renverse tout sur son passage, à savoir une fraîcheur sublime qui porte la longueur très loin. Très légère amertume. A laisser vieillir longtemps.
Vouvray, Domaine de la Taille aux Loups, Les champs Rouget
Un très bon chenin, dans ce beau millésime. Il est surtout très prometteur.
La robe est or pâle.
Le nez est complexe et exhale des notes de fruits blancs, des agrumes confits et une minéralité bien présente.
Là encore, en bouche on retrouve les caractéristique de ce millésime 2002 en Loire: belle matière, épine dorsale sur la fraîcheur, et longue finale sur des notes minérales et citronnées.
Vraiment un beau vin, et qu'il faudra attendre 4 ou 5 ans.