Je l'ai déjà répété de nombreuses fois, l'année 2008 avait été une année fantastique dans ma vie de dégustateur. Je n'osais pas espérer une année aussi riche en émotion pour 2009. Pourtant cette dernière a été la plus accomplie de toute ma vie en terme de grands flacons, de surprises et de rencontres inoubliables. Impossible de faire mieux ! Alors comme pour mieux me forcer à rester humble, ce noël a été une véritable punition.... Jamais je n'ai aligné une telle série de vins anciens médiocres. Bref le choix idéal pour garder les pieds sur terre et ne jamais oublier qu'avant de boire des vieux vins mémorables, il aura fallu beaucoup de pugnacité et d'argent dépensé. Une belle leçon de vie pour ne pas oublier donc !
Tous ces vins ont été bus en plusieurs fois bien évidemment...

HEIDSIECK & MONOPOLE " Diamant Bleu" 1964
Un vin de rêve que Richard Juhlin décrit comme l'un des plus grands 1964 avec un 98/100.... Je l'avais bu complètement mort il y a deux ans ; C'est donc avec appréhension que j'ouvre cette 2ème bouteille. Le gaz est encore là, ouf !
On perçoit au nez des parfums d'abricot confit, de noisette, de noix, et de pomme très mûre. La bouche mielleuse offre un cordon très fin , sans doute trop pour mon goût personnel. Les fruits pochés ouvrent le bal, mais c'est la minéralité et le citron vert qui dominent l'ensemble. C'est bien le registre du grand critique Suédois, mais pas le mien. Trop fin pour mon palais. Je préfère de loin la cuvée millésimée de base, nettement moins et chère et réputée... C'est la vie. 91/100

MUMM "René Lalou" 1971
Cette maison est l'une de mes préférées ! J'ai bu des vins dans les années 50 absolument colossaux, qui rivalisent avec les grands noms de la région, tels Krug ou Bollinger. Cette fois encore, la cuvée prestige n'est pas à la hauteur de la cuvée de base... Un comble non ? Le nez tertiaire dérange certains dégustateurs peu habitués aux vieux Champagne. On note de la morille, de la noisette, de l'humus et du pain grillé. En bouche la bulle est fine donnant à ce vin un aspect plus vieux qu'il ne l'est réellement... C'est à nouveau la trame crayeuse et minérale qui domine ; Il me manque une touche de complexité pour être vraiment satisfait. 91/100

HENRIOT ROSE 1990
Le nez d'anis, de bois humide et de fraises est plutôt intéressant. La bouche est un peu monolithique, axée sur les fruits rouges et la fumée. Trop jeune certainement... 90+/100

CRISTAL ROEDERER 1997
Je ne résiste pas à la tentation ! 140 euros sur table, donc moins cher que sur les marchés parallèles... Avec l'aération et en l'associant à l'entrée, il prend ses aises : Pain grillé, fenouil, amande, et fougère. La bouche est vineuse, intense, offrant des parfums puissants d'anis et d'agrumes frais, avec une touche subtile de noisette. Un très grand Cristal en préparation ! 93+/100

PERRIER JOUËT Belle Epoque Rosé 1982
Il offre un nez pur et délicat de fruits rouges macérés, de groseilles à maquereau, et de caramel au lait, le tout subtilement fumé. La bouche est, au départ, très puissante et crémeuse, puis elle s'affine sur l'airelle , la brindille de cassis et la framboise, avant de devenir carrément tranchante sur la craie, le zeste, et l'orange amère. J'aime les vins qui dévoilent plusieurs visages au cours de la dégustation. Un des grands rosé de l'histoire, bien supérieur au 1979. 96/100

MEURSAULT PERRIERES 1964 Drouhin
Le nez de morilles et de fruits très pochés laisse aussi entrevoir, par intermittence, le spectre de la serpillère... La bouche est parfumée de thé et de petits minéraux, mais elle est clairement en déclin. Le type même de vin ancien qui n'a absolument aucun intérêt... 79/100

CHÂTEAU MISSION HAUT BRION 1970
Le nez de gibier, d'airelles, de cuir et de bois humide signent un vin à maturité. La bouche stricte et rustique n'est pas très excitante. La fourrure et les fruits rouges dominent l'attaque, tandis que le milieu de bouche un peu creux et acidulé montre les limites de ce vin. La finale est courte ; Il n'ira pas plus loin. Un beau loupé de La Mission. 87/100

CHÂTEAU L'ANGELUS 1953 Mise Négoce
En lisant Parker, on a l'impression que le premier grand vin de ce château date de 1988... Pendant des années, j'ai donc négligé ce domaine phare de St Emilion. Puis en lisant d'autres critiques moins célèbres, et en écoutant mes amis qui me vantaient les qualités du 1959, j'ai décidé de remonter dans le temps pour comprendre la valeur du terroir, et l'esprit du vin. Bien souvent les vins anciens me permettent de mieux saisir l'essence des vinifications actuelles et les choix des propriétaires...
Le château lui même cite ce millésime en exemple, le qualifiant de réussite exceptionnelle.
Le nez plein et original est encore chargé d'alcool. On perçoit la cerise et la prune hyper confite avec une touche d'eucalyptus et de kirsch. Ma famille plutôt aguerrie en matière de vins anciens, jugent ce nez vieillissant. Je suis surpris ... Suis-je en train de commettre un pêché d'orgueil ,trouvant à "mon vin" des qualités qui n'existent pas ?
En bouche inutile de m'inquiéter plus longtemps, je n'aurais pas à le défendre, car cette fois je suis parfaitement en accord avec l'assemblée. Le vin subtilement fumé avec des arômes de fruits rouges épicés, manque cruellement de profondeur, de complexité et de longueur. Je persiste et signe, le nez est bon , mais la bouche est un classique des vins anciens sans intérêt... La déception n' est pourtant pas aussi cruelle, car on en attend moins d'un Angélus ancien que d'une Mission... 88/100

CHÂTEAUNEUF MONT REDON 1966
Il semble que le transport ait quelque peu affecté le vin. Tout était parfait, niveau et couleur, mais une petite goutte est apparue après la réception du flacon. J'ai donc décidé de ne pas remettre à plus tard la dégustation de ce cru. Le 1949 reste le plus grand vieux Châteauneuf que je n'ai jamais bu... Celui-ci m'excite donc au plus haut point. Immédiatement je détecte une touche de vinaigre en plus de celles, agréables, d'herbes grillées et de kirsch. La bouche est touchée par le même mal. Au delà de ce défaut, je ne crois pas que ce vin puisse atteindre la perfection de son lointain ancêtre... Suivant ! NN

CHÂTEAUNEUF LES CAILLOUX 1969
Ce domaine célèbre pour sa cuvée centenaire est quasiment impossible à trouver sur des millésimes anciens. Je me suis mis en quête de ces raretés, lorsqu'un célèbre caviste de Paris m'a avoué avoir préféré un 1955 de ce domaine au fameux Mont Redon 1949 pré-cité.
Après un long moment de désespoir, je reprends des couleurs ! Le nez superbe jaillit du verre sur le jambon fumé, les herbes grillées, la violette et la mûre. La bouche est d'une jeunesse incroyable : La tapenade, les baies compotées, les épices délicates et le charbon envahissent le palais comme une marée montante. Un très grand châteauneuf qui donne envie d'approfondir mes recherches sur ce domaine. En route pour les années 40 et 50 ! 95/100

CHÂTEAU PAPE CLEMENT 1959
Une magnifique mise château avec un niveau bas goulot. Le bouchon est superbe !
Le nez délicat un peu vieillissant évoque la cendre, le cuir et le cassis. La bouche est une infusion de fruits rouges acidulés, et de fumée. La finale est un peu courte. Encore un vin à qui le vieillissement n' a rien apporté. On se régale bien plus avec des Papes Clément 1986, 1990 et même 1996 ! 88/100

CHÂTEAU SIRAN 1986
L'étiquette est superbe. J'ai envie de voir comment évoluent les crus Bourgeois de ma cave. Celui-ci me fait envie...
Le nez mérite de s'oxygéner un peu en carafe. 30 minutes suffiront. Des arômes agréables d'herbes sèches, de zan et de baies montent timidement du verre. La bouche est encore dominée par le tanin, agrémentée de notes évoquant le sous-bois, la quetsche, et l'anis. Il n'ira pas beaucoup plus loin... 88/100

CHÂTEAU D'EPIRE 1921
Le nez de sucre roux, de canne à sucre, de pruneau, de caramel au noix, d'amande, et de morille est un régal pour les narines. La bouche offre une sucrosité encore impeccable où le sous-bois côtoie l'orange amère et le caramel brun. Magnifique exemple de ce millésime légendaire pour l'Hexagone. C'est rassurant d'avoir un vin ancien qui a autre chose à raconter qu'un simple témoignage historique. 94/100

CHÂTEAU SIMON 1983
Je suis un fan de ce Barsac presque inconnu du grand public. Certaines années la "Crème de tête" égale le mythique Climens. Pour ceux qui ne me croient pas, essayez le 1990 !
Puisqu'il faut bien un contre-exemple, en voici un de taille ! Le nez est plutôt bon grâce à ses parfums de gâteau, de fruits secs et d'agrumes, mais la bouche manque de rondeur et ne semble pas assez mûre. La liqueur est faible, tout comme la finale. Dommage... 83/100

MONBAZILLAC TIRECUL LA GRAVIERE " Cuvée Madame" 1995
J'ai réussi à me faire violence tout au long de ces années pour résister à la tentation ! Je ne voulais pas toucher à mes bouteilles avant qu'elles n' aient atteint les 15 ans.... Au dernier moment j'ai fini par céder ! 14 ans c'est déjà bien ; Et je n'ai pas la main avec les vieux vins en ce moment, alors autant attaquer les "jeunes" !
Le nez surpuissant est un feu d'artifice de frangipane, de bougie, d'iode, de pralin et de pruneau. La bouche est une douce liqueur, très concentrée évoquant l'orange caramélisée, le sirop d'érable, et les fruits exotiques épicés. La salinité en bouche est géniale, moins extrême que Le Graal des Causses Marines, donc plus agréable sur la langue. Un vin qui confirme tout le bien que je pense des Monbazillac. J'ai eu la chance de remonter jusqu'aux années 40, mais je n'ai jamais osé tenter l'aventure des années 20 et 30 ; Désormais, je suis motivé ! Cela me semble même nécessaire pour mieux appréhender ce magnifique terroir. 95+/100

VIN DE PAILLE 2000 Berthet Bondet
Le nez est une explosion de truffe, de pralin et de café. J'adore ! En bouche, l'attaque très puissante et sirupeuse rappelle la truffe blanche, la clémentine et le limoncello. Un immense vin de paille, peut être le plus beau que j'ai testé en phase de jeunesse... J'aimerais pouvoir le reboire dans 50 ans...94+/100

Noël mitigé donc, mais c'est dans la douleur que l'on progresse et que l'on apprend toujours et encore .... Il est temps d'aborder 2010 sereinement !

Belle leçon et beau compte-rendu. Je le trouve très enrichissant pour le néophyte des vieux millésimes que je suis.

Beau CR comme d'habitude.

Je trouve cependant un différentiel entre tes écrits relatifs à ta déception et tes notes que je ne comprends pas très bien.

MB écrivait:

---

>
> Je trouve cependant un différentiel entre tes
> écrits relatifs à ta déception et tes notes que je
> ne comprends pas très bien.

Je te rassure, moi non plus

macflo76 écrivait:

HENRIOT ROSE 1990
90+/100

CHÂTEAU SIMON 1983
83/100

MONBAZILLAC TIRECUL LA GRAVIERE " Cuvée Madame" 1995
95+/100

Ca y est j'ai compris comment note Macflo ! ()

amicalement,

Benji

Peux tu expliciter ô Benji (parce que moi j'ai rien bité !)

Un 1/4 d'heure plus tard : Et je n'avais même pas remarqué , quel c...

Quelle note pour Malesan 99 ?

ben...99/100()
en plus j'en ai en cave!!!
sans rire tres beau CR qui me donne envie de gouter la cuvée madame absolument!!!

cordialement, steeve

sans rire tres beau CR qui me donne envie de gouter la cuvée madame absolument!!!

Oublie la 95 : elle est dure à trouver et à des prix stratosphériques car elle a eu 100/100 RP. La 97 se trouve assez facilement à prix "cadeau". Sinon, il faut se pencher sur 2001 ou 2005 (et 2008 devrait être fabuleux).

"Oublie la 95 : elle est dure à trouver et à des prix stratosphériques car elle a eu 100/100 RP"

Mince, Macflo note dur alors...

ok eric, je parlais surtout de la cuvée, pas du millesime.
mais j'entends parler de cette cuvée de plus en plus(en bien), et je dois dire que ça donne envie de la deguster!!!

cordialement, steeve

C'est cool , après une journée de travail, je rigole bien devant tous ces posts !
Benji, j'étais pourtant certain que personne ne trouverait jamais !:
Alors une petite explication semble nécessaire...
Ces deux dernières années, au moins 80% des bouteilles anciennes que j'ai bues, étaient somptueuses. On prend donc vite de mauvaises habitudes. Ce noël a été décevant, car les bouteilles ont été sélectionnées avec la minutie habituelle ; pourtant elles n'étaient pas somptueuses. Mais je suis devenu un enfant gâté, et je manifeste mon mécontentementX(. Le texte me permet de lâcher ma frustration et ma déception relative. La note est là pour rappeler qu'on attend mieux d'une Mission 70, mais qu'en valeur absolue, c'est quand même un bon vin.
Les 1970 sont en pleine forme en ce moment, alors je m'attends à un 95/100 pour la Mission, mais on en est loin. Mon texte met en garde les amateurs qui espèrent comme moi une pépite, mais là note est là aussi pour dire que ce vin est quand même bien buvable et que le plaisir existe. Seulement après des années de dégustation de vins anciens, ce genre là n'a aucun intérêt à mes yeux, car c'est un vin cher et juste correct. Je m'éclate bien plus sur une Mission 1987 ( qui ne tape pas le même prix n'est ce pas ?).
Idem pour l'Angelus. Dans l'absolu comme le dit mon texte son nez est bon et original, et pourrait valoir plusieurs points de plus. Mais la bouche ne suit pas. Mais les deux sont importants. Il est donc normal que le nez, plaisant, ait son poids dans la notation. Après c'est toujours le même problème, ce vin coûte cher, et je préfère un petit millésime des années 90 meilleur marché et bien aussi bon. L'intérêt de ce 53 est donc bien relatif à mes yeux...
Est-ce plus clair ????
N'hésitez pas à demander plus de précisions.
Florent.

Florent,

Si tu as la chance de trouver Mont Redon 1955, n'hésite pas une seule seconde. C'est une bouteille éblouissante !

Christophe

Je ne l'ai jamais bue... Merci Christophe.
Florent.