Cos d'Estournel
Une impression d'ensemble d'abord. Malgré la diversité des millésimes et les différences notables de qualité, un style commun s'est tout de même dégagé de l'ensemble des bouteilles : des vins très colorés, même dans les petits millésimes, avec des robes qui évoluent plus sur le marron-noir que sur le rubis-orangé-tuilé.
Contrairement aux vins de Saint-julien, dans lesquels on retrouve des constantes aromatiques, les Saint-Estèphe sont dissemblables : Montrose et Calon-Ségur ou Haut-Marbuzet et Cos d'Estournel n'ont guère de caractères commun. En revanche, Cos a un bouquet qui lui est propre et que l'on retrouve au fil des millésimes : cassis, grillé, café, terre, réglisse et épices, avec une touche orientale qui rappelle l'architecture du château.
En bouche, les vins de Cos sont structurés, charnus, avec la rondeur des merlots mais aussi le caractère un peu viril des cabernets-sauvignon de Saint-Estèphe, avec des tannins marqués et un bouquet aromatique moins séducteur et subtil que les Saint-Julien ou les Pauillac. Les vins de Cos ne manquent généralement pas d'acidité et de structure et semblent tous bâtis pour la longue garde.
1ère série 91-93-94-97 et 84, bu le lendemain
Dans la série des petits millésimes, Cos a quand même déçu. Le 91 est à mon avis la seule belle réussite de Cos dans un millésime de réputation moyenne. La propriété a réussi une véritable performance dans cette année de gel : de robe sombre, avec des reflets marrons noirs, ce vin affiche encore aujourd'hui une forme étonnante : beaucoup de fruit, de fraîcheur, aromatique et assez puissant, il semble bâti pour tenir encore quelques années. J'ai trouvé le 93 décevant : Parker parle de nez explosif et j'ai personnellement trouvé le nez poussiéreux et peu intense. La bouche est demi-corps, sans envergure et sans beaucoup d'étoffe. C'est bon, sans plus. Le 94 était un peu fermé et peu séducteur ; il s'est amélioré à l'aération et je l'ai trouvé meilleur le surlendemain. C'est un vin équilibré. Le nez sur le café, avec du fruit, mais il manque un peu d'explosivité. Je pense que c'est quand même une des réussites du millésime et qu'il doit impérativement être carafé. Le 97 peut faire illusion dans un premier temps, avec un fruité lisse et des notes boisées agréables, mais il ne parvient ensuite pas à cacher les carences du millésime : creux en milieu de bouche et légères notes de verdeur-dilution. Le 84, bu le lendemain, s'est montré surprenant. Je m'attendais à un vin passé et dilué, mais il présentait un agréable nez évolué et la bouche avait encore du fruit et du corps.
2ème série 82-85-86
J'ai trouvé le 82 somptueux : un nez envoûtant et complexe de Bordeaux mûr, un vrai poème. En bouche, c'est très grand. Je pense, que ce vin n'a pas dit son dernier mot. Vu le caractère des tannins, encore marqués, et de la matière qui les accompagne, cette bouteille a à mon avis encore de belles années devant elle. Il gagnait en poli et en velouté à l'aération. Pour moi, c'était un des plus beaux vins de la soirée. Le 85 est plus abouti, ce vin a atteint son apogée et se goûte à merveille actuellement. Nez complexe, bouche structurée et fondue à la fois, de la race et du caractère, avec de beaux arômes tertiaires. Magnifique ! le 86 fut en revanche une déception. Couleur impressionnante, une masse tannique énorme, le fruit est encore là mais le vin est totalement fermé et n'est pas du tout expressif en bouche. Le nez présente de bizarres notes de caoutchouc. La bouche est massive, un véritable rouleau compresseur avec une structure impressionnante. En revanche, sur le plan aromatique et gustatif, le vin est totalement fermé en bouche. S'il s'ouvre un jour, c'est dans une vingtaine d'années au moins !
3ème série 88-89-90
Dans cette série où j'attendais beaucoup des 89 et 90, millésimes réputés, c'est le 88 qui s'est montré le plus abouti actuellement. C'est vraiment un beau vin, d'une grande séduction, avec un nez fabuleux, épicé et complexe, une bouche d'une définition parfaite, avec des tannins bien enrobés, une texture suave et pleine. Le 89 présente un côté un peu confituré et rôti. En bouche, le vin ne répond pas à mes attentes, ça manque de profondeur et c'est un peu dissocié. C'est quand même pas mal, mais j'attendais plus de ce grand millésime. Le 90 est monumental, avec une trame tannique d'une grande classe, mais je dois dire que j'attendais encore plus de concentration et de puissance de ce vin dans cette grande année 90. Une fois la dégustation « sérieuse » terminée, ce n'est pas les 89 et 90 que j'ai repris en premier (mais les 82 et 85 (aaa))
4ème série 95-96-2000
Le 95, comme beaucoup de ses contemporains me paraît encore un peu fermé, mais le vin est très prometteur : une structure impressionnante, du fruit, du volume, des tannins racés mais encore un peu marqués : tout est là pour donner une grande bouteille dans 10 ans. Le 96 est encore très jeune et comprend d'avantage de cabernet-sauvignon que le 95, mais quel grain en bouche, quelle pureté de fruit, quel volume, avec de l'allonge. Je l'ai personnellement préféré au 95 et, deux jours après l'ouverture, il se montrait encore fabuleux. C'est un vin qui n'en est qu'au début de sa vie et qui donnera une très grande bouteille. J'ai beaucoup aimé, contrairement au 2000. A l'ouverture, le 2000 était marqué par un boisé vanillé et caramélisé presque écÅ“urant. Après un ou deux jours, le boisé s'est un peu atténué. Je n'ai pas non plus trouvé dans ce vin les tannins fins et mûrs des autres 2000. C'est un vin difficile à juger à ce stade, mais je me demande quand même si Cos a si bien réussi son 2000 que cela.
En conclusion, c'était une très belle dégustation, avec de grandes bouteilles mûres comme le 82, 85, 88, avec des grands vins encore au début de leur vie comme le 96, le 90 et le 95. A l'exception du 91, les petits millésimes étaient décevants et en-dessous des notes qui leurs sont généralement attribuées par la critique. Sur le plan du style, il faut bien dire qu'on est bien à Saint-Estèphe et la rigueur du terroir ressort sous le vernis de la séduction de Cos d'Estournel. Si on a eu de très grandes bouteilles, nous n'avons pas eu de ces vins mythiques qui atteingnent la perfection et qui marquent une vie de dégustateur. Peut-être que le 96 sera un jour de celles-là . C'est celui-là que je rechercherais actuellement, les prix des 82 et 85 me paraissant un peu au-delà de la réalité de ce que l'on trouve dans la bouteille, même si ce sont deux vins extraordinaires.
Cordialement
Yves Z